A la ligne je note depuis qu'il m'a été donné de rédiger des contes et des rendus. Comme Gui d'Arezzo, j'écris sur mes mains. De la musique avant toute chose, prophétisait Paul Verlaine. Pas vraiment pour adoucir les mœurs. Mais dans le remugle ovale des trahisons et des insultes, des accords déchirés, des poteaux sciés et des champs labourés qui dénotent, nous reste à viser l'harmonie. Et nous y hisser haut.
Au sortir de la fuite enchantée vers l'Europe et sa coupe la semaine dernière il était question, chez certains entraîneurs, de reconsidérer l'arbitrage français toujours prompt à siffler l'équipe qui attaque à force de la suivre du regard, à l'inverse de ce qu'opèrent les sifflets anglo-saxons, pénalisant les défenseurs occupés à ralentir le mouvement. Il en a été autrement.
Je n'aurai donc pas à revenir sur le succès rochelais à Mayol et la poignée de mains absente au moment où se croisèrent Collazo bien show et Garbajosa osant tendre sa paume. Ni sur les naufrages lyonnais et castrais, le triplé d'Antoine Dupont et les vendanges tardives de Montpellier. Encore moins sur les ressorts offensifs franciliens rebondissant sur le tapis vert d'un lieu-dit en l'occurrence si mal nommé : La Défense.
En effet, m'est parvenu un émouvant petit bouquin* que je n'attendais pas signé de mon confrère Jean-Pierre Oyarsabal dont je n'ai pas oublié qu'il fut l'un des plus rapides à chroniquer mon premier opus, «Rugby au centre», en 1984. Cette plume qui signait dans La Dépêche du Midi m'invite dans sa dédicace à «butiner» son recueil de chroniques, vingt ans de profession de foi survolés en cent-soixante quatorze textes regroupés par thèmes.
Il y est à chaque page question d'enchantements, de meurtrissures, d'inquiétudes et d'émotions, de l'éveil dont nous devons faire preuve à défaut de lucidité, d'hommages, de pèlerinages et de trajectoires, d'estime et d'addictions. C'est écrit serré, dense, ça pulse et ça traverse, le sous-texte est jubilatoire, les jeux de mots subtils. Vingt ans à rédiger de généreux billets de presse après avoir couvert le rugby toulousain : Jean-Pierre Oyarsabal nous fait ainsi traverser à rebours nos passions.
Si le rugby tient sa place et toute sa place avec, entre autres, des miniatures tracées sur Fouroux, Clerc, Poitrenaud, Galthié, Berbizier, Pelous, Walter Spanghero, Servat, Michalak, Bru, Novès, Dusautoir, Califano et Codorniou, mais aussi sur Mazzer, Crenca et Triep-Capdeville, c'est pour mieux nous rappeler que nous ne sommes que de passage mais que certains durent au-delà des scores et des titres. L'ovale ne phagocyte pas pour autant dans cet ouvrage brodé main l'espace laissé au cyclisme, au football, à l'athlétisme et surtout à la boxe.
A l'ouverture, l'auteur nous interroge et citant Albert Camus dès la première attaque il convient, écrit-il, «d'être d'abord exigeant envers soi-même.» Si l'être humain est sommé de relever le grand défi, poursuit-il, et j'ajoute voire même se relever, alors «oui, le sport peut encore l'aider», assure le plumitif en de très belles pages d'écriture. On y trouve - décidemment il n'y a pas de hasard - un élan d'épaisseur spirituelle signé René Char : «L'impossible, nous ne l'atteignons pas forcément, mais il nous sert de lanterne.»
Il y a vingt ans, nous avions des héros auxquels sous identifier. Col relevé, tel voulait ressembler à Jo Maso comme on joue à Zorro. Didier Codorniou au gabarit de lutin improvisait sa ligne rugbystique comme Vladimir Horowitz délivrant l'impromptu de Chopin opus 66, par exemple. Du bout des doigts, sans avoir l'air d'y toucher. Tout de rubato délicat. En vingt ans de lecture morcelée à travers ce collage de contes, il apparait néanmoins que le sport n'est plus aujourd'hui porté par des héros mais par des vainqueurs, des champions. Tous se ressemblent, issus de la formation, formatés donc. Egaux dans l'egosystème.
En amoureux du septième art, l'auteur évoque surtout les sillons fumants et les hommes palpitants, des rencontres, des connexions, et ça nous parle ici. Il écrit sur les «échanges de vibrations étranges». Il poursuit : «L'avenir sera moins ardent, plu ardu ?» Pas de souci. Comme le formulait, très pénétré, l'élancé Philippe Clay dans «Les têtes brûlées» : «Qu'importe ce que nous deviendrons si nous restons ce que nous sommes», relève-t-il. Pas mieux.
*Le sport est-il l'avenir de l'homme. Cépaduès-Editions. 16 euros.
mercredi 31 octobre 2018
mardi 23 octobre 2018
Détruire, converger
Servir le rugby, plutôt que s'asservir ou se servir. Recycler dans cette ligne d'attaque l'un des fondamentaux des Compagnons du Devoir, c'est aussi rendre hommage à ceux dont les carrières ovales n'ont pas été transcendantes mais qui œuvrent ou ont œuvré pour ce jeu, à leur façon, en utilisant au maximum ce dont ils disposaient. Car en revenant la semaine dernière sur les quais du port de La Rochelle - où les couteaux sont délicieux, merci Rémi -, j'ai retrouvé avec plaisir quelques uns de mes coéquipiers juniors, Eric, Jean-Pierre...
On ne peut pas dire que nous étions particulièrement doués et d'ailleurs, aucun d'entre nous n'a joué en équipe première ou en première division. A l'exception de Daniel, athlète naturel bonifié avec l'âge et qui garde encore sa silhouette de jeune homme quand nous commençons tous à ressembler à nos pères... Passionné par ce jeu, ce flanker de grand rayon a passé tous les diplômes disponibles. Il a entraîné au Stade Rochelais avant d'être évincé du club de façon cavalière, sans même être informé qu'il n'avait plus accès au bord de terrain de la plaine des jeunes.
Nous avons devisé face aux deux tours et continuons d'échanger. C'est aussi ça le bonheur de l'amitié scellée sur les terrains. Daniel était un troisième-ligne aile coureur-sauteur. Et n'y voyez aucune allusion grivoise. Il a fréquenté la crème des penseurs ovales, parle comme il écrit, ce qui est bien plus agréable que l'inverse, et rédige les comptes rendus des rencontres de rugby féminin, ce qui est tout sauf un hasard.
Les méandres du rugby pro regorgent d'événements peu ragoutants, de sordides ruptures, de départs brutaux tout autant que d'ascensions subites, de riches histoires et de success story. Sachant que j'avais mis pendant trois jours mes pas dans ceux de Patrice Collazo à La Rochelle afin d'en savoir un peu plus et un peu mieux sur les raisons de son exil au moment même où son équipe tutoyait les sommets, Daniel me cita Michel de Grèce : «Il ne faudrait jamais laisser la vérité détruire une bonne histoire». Sauf que je suis plutôt du genre à brûler Carthage.
Je ne sais si la fin de match de Toulon, samedi après-midi dernier à Edimbourg, l'a inspiré mais il a vu dans la passe aveugle de François Trinh-Duc - beaucoup trop coutumier du fait, entre nous - matière à enclencher une réflexion. «Si le porteur du ballon est responsable du ballon, le soutien est responsable du porteur du ballon !» me essaimesse-t-il. Si je suis son raisonnement, cette passe - qui vaut bonus offensif pour les Ecossais - raconte en creux la faillite du RCT bien mieux qu'une litanie de scores défavorables.
Le rugby, dirait Nietzsche, il faut le démembrer, le rôtir et le dévorer pour mieux récupérer son cœur battant et le ressusciter. Et s'il était chaos avant d'être cosmos, c'est-à-dire organisé ? J'aurais voulu vous abreuver de sagesse dionysiaque, celle des élans toulousains, franciliens et castrais, folie de poules européennes dans la haute cour du jeu, un peu de chaos et beaucoup de forces actives. Une autre fois.
Aveugles que nous sommes, triturerons cette passe. Bob Dwyer, ancien coach des Wallabies, imposait à ses joueurs de s'adapter aux mauvaises passes. «En match, le ballon vous arrivera rarement dans d'excellentes conditions. Alors autant s'y préparer.» A l'entraînement, le porteur balançait le ballon n'importe où, n'importe comment. A charge pour chaque soutien de le récupérer.
Le mot est lancé... Il est ici et ailleurs raison d'être au monde. Mêlée, touche, relance, regroupement, attaque, défense : vous ne trouverez pas une action où le soutien n'est pas présent, y compris au moment de buter quand un partenaire s'allonge pour vous tenir le ballon sous la bourrasque. Il différencie le XV du XIII. Quand il y a blocage, les quinzistes démarrent le jeu là où les treizistes l'arrêtent. Et ce qui est valable sur le terrain l'est surtout en dehors, vous êtes nombreux sur ce blog à le prouver.
Alors si «le soutien est responsable du porteur du ballon.», que nous dit Trinh-Duc sous pression devant ses poteaux ? Qu'aurait écrit Saint-Exupéry, s'il avait joué à Carqueiranne ? Trinh-Duc passe un message au sein d'une équipe dont les lignes sont distendues, où l'absence et le désintérêt font office de lien et de tactique. Le ballon n'arrivera pas à destination, intercepté quelque part en l'air, disparu au large, happé. Etre partenaire, c'est être responsable. C'est un placement. L'un des trois P du triptyque néo-zélandais. Convergeons.
On ne peut pas dire que nous étions particulièrement doués et d'ailleurs, aucun d'entre nous n'a joué en équipe première ou en première division. A l'exception de Daniel, athlète naturel bonifié avec l'âge et qui garde encore sa silhouette de jeune homme quand nous commençons tous à ressembler à nos pères... Passionné par ce jeu, ce flanker de grand rayon a passé tous les diplômes disponibles. Il a entraîné au Stade Rochelais avant d'être évincé du club de façon cavalière, sans même être informé qu'il n'avait plus accès au bord de terrain de la plaine des jeunes.
Nous avons devisé face aux deux tours et continuons d'échanger. C'est aussi ça le bonheur de l'amitié scellée sur les terrains. Daniel était un troisième-ligne aile coureur-sauteur. Et n'y voyez aucune allusion grivoise. Il a fréquenté la crème des penseurs ovales, parle comme il écrit, ce qui est bien plus agréable que l'inverse, et rédige les comptes rendus des rencontres de rugby féminin, ce qui est tout sauf un hasard.
Les méandres du rugby pro regorgent d'événements peu ragoutants, de sordides ruptures, de départs brutaux tout autant que d'ascensions subites, de riches histoires et de success story. Sachant que j'avais mis pendant trois jours mes pas dans ceux de Patrice Collazo à La Rochelle afin d'en savoir un peu plus et un peu mieux sur les raisons de son exil au moment même où son équipe tutoyait les sommets, Daniel me cita Michel de Grèce : «Il ne faudrait jamais laisser la vérité détruire une bonne histoire». Sauf que je suis plutôt du genre à brûler Carthage.
Je ne sais si la fin de match de Toulon, samedi après-midi dernier à Edimbourg, l'a inspiré mais il a vu dans la passe aveugle de François Trinh-Duc - beaucoup trop coutumier du fait, entre nous - matière à enclencher une réflexion. «Si le porteur du ballon est responsable du ballon, le soutien est responsable du porteur du ballon !» me essaimesse-t-il. Si je suis son raisonnement, cette passe - qui vaut bonus offensif pour les Ecossais - raconte en creux la faillite du RCT bien mieux qu'une litanie de scores défavorables.
Le rugby, dirait Nietzsche, il faut le démembrer, le rôtir et le dévorer pour mieux récupérer son cœur battant et le ressusciter. Et s'il était chaos avant d'être cosmos, c'est-à-dire organisé ? J'aurais voulu vous abreuver de sagesse dionysiaque, celle des élans toulousains, franciliens et castrais, folie de poules européennes dans la haute cour du jeu, un peu de chaos et beaucoup de forces actives. Une autre fois.
Aveugles que nous sommes, triturerons cette passe. Bob Dwyer, ancien coach des Wallabies, imposait à ses joueurs de s'adapter aux mauvaises passes. «En match, le ballon vous arrivera rarement dans d'excellentes conditions. Alors autant s'y préparer.» A l'entraînement, le porteur balançait le ballon n'importe où, n'importe comment. A charge pour chaque soutien de le récupérer.
Le mot est lancé... Il est ici et ailleurs raison d'être au monde. Mêlée, touche, relance, regroupement, attaque, défense : vous ne trouverez pas une action où le soutien n'est pas présent, y compris au moment de buter quand un partenaire s'allonge pour vous tenir le ballon sous la bourrasque. Il différencie le XV du XIII. Quand il y a blocage, les quinzistes démarrent le jeu là où les treizistes l'arrêtent. Et ce qui est valable sur le terrain l'est surtout en dehors, vous êtes nombreux sur ce blog à le prouver.
Alors si «le soutien est responsable du porteur du ballon.», que nous dit Trinh-Duc sous pression devant ses poteaux ? Qu'aurait écrit Saint-Exupéry, s'il avait joué à Carqueiranne ? Trinh-Duc passe un message au sein d'une équipe dont les lignes sont distendues, où l'absence et le désintérêt font office de lien et de tactique. Le ballon n'arrivera pas à destination, intercepté quelque part en l'air, disparu au large, happé. Etre partenaire, c'est être responsable. C'est un placement. L'un des trois P du triptyque néo-zélandais. Convergeons.
lundi 15 octobre 2018
Délivré par les mains
Vous écriviez, ami(es) d'ici, qu'il est un prince des émotions à partager, un émetteur d'idées qui jamais n'a laissé de message à suivre mais plutôt des pistes, des chemins et des envies, libre à nous de nous y enfoncer. Vos commentaires suivaient cette Sorgue, prolongements de la précédente chronique en prose ; rivière qui transperce, écrivais-tu, Jacques, tellement martyrisée qu'elle aurait peut être façonné l'homme et le poète que nous aimons et, comme pour le rugby, dont nous aimerions tant retrouver les fondations lui qui se présentait poutre en deuxième-ligne.
Dans la fureur et le mystère d'une rencontre, dans la transhumance de ce ballon parfois arrêté par le rossignol diabolique, il a trouvé tel l'ange la clé. Octobrement. Bath et Toulouse étaient de dimensions adversaires. L'ailier, dans ce ground de récréation, fuyait la défense inversée. Lui, Maxime Médard, pointait du doigt la prémonition, s'étant approvisionné d'arguments. Il est ce joueur dont l'appétit d'imagination s'exprime sans filtre. Si à Bath coule derrière le stade une rivière soudainement grossie, Médard en plongeant nous a délivré par les mains.
Ne jamais rien lâcher, ne jamais renoncer. S'engager à jouer jusqu'au bout, ne jamais considérer la défaite comme une option. Rester concentré. Samedi dernier, le temps d'une malice, il a personnifié le meilleur du rugby, l'abnégation, le désir d'aller chercher la plus petite parcelle d'espoir dans un geste inattendu qui permet ainsi au Stade Toulousain de sortir victorieux d'une rencontre qui semblait mal conclue d'un point bancal.
J'ai rencontré Maxime pour la première fois en 2004 à Marcoussis. Il évoluait avec les moins de vingt ans. De près comme de loin, il y avait du Philippe Sella sur lui. Même silhouette athlétique, même timidité, quelque chose de pur dans le regard, aucune envie d'être le centre d'intérêt d'un article, étonné qu'un journaliste se déplace uniquement pour lui mais poli à défaut d'être disert, disponible sans montrer la moindre impatience.
Quatorze ans plus tard et autant de saisons en équipe toulousaine, cinquante sélections au compteur bleu, ce joueur protée, capable d'évoluer ailier, arrière et parfois centre, a tellement offert en trois fois, un simple geste qui fait tout et surtout en dit beaucoup sur son état d'esprit. Rarement une tape sur l'avant-bras a fait autant pour l'avenir européen d'une poignée d'hommes. Des gestes paraissent anodins mais sont ceux qui sauvent.
Le ciel n'est plus aussi noir, le soleil aussi rouge. Les quatre étoiles furtives de son maillot brillent et s'annoncent. Partenaire, coéquipier, silex fidèle qui taille le rideau des défenses, ton joug s'est raffermi et nous poussons de concert, nos pas battent l'amble, disait-il, silencieux. L'entente a jailli de ses épaules. Avec lui, nous sommes frères dans ce combat qui s'éloigne et nous laisse un cœur haut sur une pelouse à l'ombre éveillée de hautes tribunes et des vieilles bâtisses. Qu'il est naïf, ce ballon pétri de nos mains...
Maxime Médard est ce compère indélébile que nous sommes donc quelques un à avoir fréquenté ailleurs. Nous rejouons avec lui dans l'espérance et alignions les dos courbés en son absence puisque ce jeu ne soupçonne pas que ce qu'il nomme, à la légère, forfait occupe le fourneau dans l'unité des huit, des quinze, des vingt-trois, des plus nombreux encore. L'équipée s'avance derrière un rideau de papillons qui pétillent, une vessie partagée et gonflée d'orgueil loyal à la main, la crémaillère des percussions en collier à notre cou.
Le sang et la sueur ont engagé le match qui se poursuivra jusqu'à voir presque la nuit tomber à la dernière chandelle allumée dans le ciel d'ombre. L'horloge des attaques relancées de si loin achève de s'arrêter. Nos épaules sont des livres ouverts propageant l'épique à la lecture desquels nous avons tracé notre chemin dans l'encre des palmarès et des chimères qui ne sèchent jamais. D'autres nous observent, aujourd'hui, à l'agonie quand nous arrachons le bout de cuir à la terre au cœur de la cruauté des regroupements innombrables.
Il y a un homme à présent debout, un homme dans l'en-but d'herbes hautes qu'on dirait un premier blé, champ pareil à un chœur attaqué. Un champ sauvé.
Hommage à René Char
Dans la fureur et le mystère d'une rencontre, dans la transhumance de ce ballon parfois arrêté par le rossignol diabolique, il a trouvé tel l'ange la clé. Octobrement. Bath et Toulouse étaient de dimensions adversaires. L'ailier, dans ce ground de récréation, fuyait la défense inversée. Lui, Maxime Médard, pointait du doigt la prémonition, s'étant approvisionné d'arguments. Il est ce joueur dont l'appétit d'imagination s'exprime sans filtre. Si à Bath coule derrière le stade une rivière soudainement grossie, Médard en plongeant nous a délivré par les mains.
Ne jamais rien lâcher, ne jamais renoncer. S'engager à jouer jusqu'au bout, ne jamais considérer la défaite comme une option. Rester concentré. Samedi dernier, le temps d'une malice, il a personnifié le meilleur du rugby, l'abnégation, le désir d'aller chercher la plus petite parcelle d'espoir dans un geste inattendu qui permet ainsi au Stade Toulousain de sortir victorieux d'une rencontre qui semblait mal conclue d'un point bancal.
J'ai rencontré Maxime pour la première fois en 2004 à Marcoussis. Il évoluait avec les moins de vingt ans. De près comme de loin, il y avait du Philippe Sella sur lui. Même silhouette athlétique, même timidité, quelque chose de pur dans le regard, aucune envie d'être le centre d'intérêt d'un article, étonné qu'un journaliste se déplace uniquement pour lui mais poli à défaut d'être disert, disponible sans montrer la moindre impatience.
Quatorze ans plus tard et autant de saisons en équipe toulousaine, cinquante sélections au compteur bleu, ce joueur protée, capable d'évoluer ailier, arrière et parfois centre, a tellement offert en trois fois, un simple geste qui fait tout et surtout en dit beaucoup sur son état d'esprit. Rarement une tape sur l'avant-bras a fait autant pour l'avenir européen d'une poignée d'hommes. Des gestes paraissent anodins mais sont ceux qui sauvent.
Le ciel n'est plus aussi noir, le soleil aussi rouge. Les quatre étoiles furtives de son maillot brillent et s'annoncent. Partenaire, coéquipier, silex fidèle qui taille le rideau des défenses, ton joug s'est raffermi et nous poussons de concert, nos pas battent l'amble, disait-il, silencieux. L'entente a jailli de ses épaules. Avec lui, nous sommes frères dans ce combat qui s'éloigne et nous laisse un cœur haut sur une pelouse à l'ombre éveillée de hautes tribunes et des vieilles bâtisses. Qu'il est naïf, ce ballon pétri de nos mains...
Maxime Médard est ce compère indélébile que nous sommes donc quelques un à avoir fréquenté ailleurs. Nous rejouons avec lui dans l'espérance et alignions les dos courbés en son absence puisque ce jeu ne soupçonne pas que ce qu'il nomme, à la légère, forfait occupe le fourneau dans l'unité des huit, des quinze, des vingt-trois, des plus nombreux encore. L'équipée s'avance derrière un rideau de papillons qui pétillent, une vessie partagée et gonflée d'orgueil loyal à la main, la crémaillère des percussions en collier à notre cou.
Le sang et la sueur ont engagé le match qui se poursuivra jusqu'à voir presque la nuit tomber à la dernière chandelle allumée dans le ciel d'ombre. L'horloge des attaques relancées de si loin achève de s'arrêter. Nos épaules sont des livres ouverts propageant l'épique à la lecture desquels nous avons tracé notre chemin dans l'encre des palmarès et des chimères qui ne sèchent jamais. D'autres nous observent, aujourd'hui, à l'agonie quand nous arrachons le bout de cuir à la terre au cœur de la cruauté des regroupements innombrables.
Il y a un homme à présent debout, un homme dans l'en-but d'herbes hautes qu'on dirait un premier blé, champ pareil à un chœur attaqué. Un champ sauvé.
Hommage à René Char
lundi 8 octobre 2018
Les garçons trichent, les filles font semblant
Cette fille,
la première fois qu'il l'avait vue, c'était dans le parc Martin-Luther-King et
maintenant il lui caressait l'intérieur des cuisses du bout des doigts. Un chat
miaulait à la mort après un sachet de croquettes, une étagère trop loin.
C'était un samedi matin, à Clichy. Un matin où le café aurait bientôt un relent
de pisse de chat et le chat une odeur de café.
- Alex, au moins, c'est ton vrai
prénom ?
- Et toi,
Elise ?
- Non
plus...
- Alors, tu
t'en tires mieux que moi...
Oui, la
première fois qu'il l'avait vue, c'était à 18h30 exactement, juste avant que le
héron du parc Martin-Luther-King ne s'envole de l'ennui artificiel de son lac,
de toute façon beaucoup trop grand, pour
s'élancer en haut style vers une certaine idée du Grand Paris. Assis sur un banc
à l'ombre, il lisait un texto de son vieil ami David l'invitant à le rejoindre,
«dans une heure chez Jeff. Pour parler de
la finale, quoi...». Elle portait une jupe verte et des sneakers
blanchâtres. Et il y avait aussi ce petit nez au retroussé piquant. Il l'avait
regardée disparaître au coin de l'allée, là où le tourisme urbain prenait son
essor.
Quoi faire d'autre ? Se lever ? L'aborder avec une petite lueur dans le regard et un gros morceau d'éloquence ? Non. Sur son banc, il était à son aise. Attendre et se contenter de voir la vie qui défile sous vos yeux. Attendre que ça passe, voilà ce qu'il avait toujours fait. Le genre de personnage un peu désespéré qui se contente de regarder l'histoire depuis le seuil, qui fait mine de vouloir y prendre part, mais recule au bout de quelques minutes et puis s'en va. Retourne dans la salle d'attente. Sur son banc.
Quoi faire d'autre ? Se lever ? L'aborder avec une petite lueur dans le regard et un gros morceau d'éloquence ? Non. Sur son banc, il était à son aise. Attendre et se contenter de voir la vie qui défile sous vos yeux. Attendre que ça passe, voilà ce qu'il avait toujours fait. Le genre de personnage un peu désespéré qui se contente de regarder l'histoire depuis le seuil, qui fait mine de vouloir y prendre part, mais recule au bout de quelques minutes et puis s'en va. Retourne dans la salle d'attente. Sur son banc.
- Tu fais
quoi dans la vie ?
- Je fais
comme tous les garçons. Je triche en attendant de devenir quelqu'un d'autre...
- Moi, je
fais comme toutes les filles. Je fais semblant jusqu'à ce que ça bouge un
peu...
Lorsqu'il
s'était enfin décidé à bouger, à quitter son foutu banc, David s'impatientait
depuis plus d'une heure devant son cinquième demi. Chez Jeff, un bar de marché qui ressemblait davantage à une buvette
de club-house, les derniers garçons perdus de la ville se réunissaient, chaque
vendredi soir, et c'était encore la façon la plus grandiose - la plus belle. La
moins définitive, aussi - de sortir de leur petite mort provisoire pour faire
mine de plonger à nouveau dans leur vie fantasmée de longue haleine. C'est toujours
pareil.
Dans la vie, il y a regarder et faire. Et à force de regarder les autres faire, le cœur de tous les sales petits voyeurs que nous sommes se met, oh presque inconsciemment, à inventer des souvenirs. Cette fois-là, entre la septième mousse et le second mojito, Alex racontait sa fameuse croisée de 87. Imparable, bien entendu. Décisive, forcément. David, que la mythomanie à multiples rebondissements de son complice de bar fascinait toujours autant, avait son fameux air d'omelette froide au thon et c'est là qu'elle est entrée, le printemps sur le bout des lèvres...
Dans la vie, il y a regarder et faire. Et à force de regarder les autres faire, le cœur de tous les sales petits voyeurs que nous sommes se met, oh presque inconsciemment, à inventer des souvenirs. Cette fois-là, entre la septième mousse et le second mojito, Alex racontait sa fameuse croisée de 87. Imparable, bien entendu. Décisive, forcément. David, que la mythomanie à multiples rebondissements de son complice de bar fascinait toujours autant, avait son fameux air d'omelette froide au thon et c'est là qu'elle est entrée, le printemps sur le bout des lèvres...
- Mon père
jouait au rugby, tu sais
- Et ?
- Il n'en
parlait jamais. Pourtant, ça m'intriguait, cette histoire de fraternités. De
tendresses minuscules entre les hommes.
- Ah
oui ?
- Un jour que
je voulais vraiment savoir, il m'a répondu : «Tu ne peux pas avoir mangé
ton gâteau et vouloir qu'il en reste...»
Carte blanche à Benoit Jeantet, écrivain, qui a récemment publié Nos guerres indiennes (Publie.net, 2014) et Et alors tout s'est mis à marcher en crabe (Le Pédalo Ivre, 2016).
mardi 2 octobre 2018
Mais où est la buvette ?
Il est toujours bon de retrouver ses racines. Reprendre le chemin buissonnier emprunté, enfant, le long des falaises d'où l'on distingue l'île de Ré. Puis revenir vers l'école de rugby. Elle a gardé depuis un demi-siècle ses vestiaires. Je remarque juste la haute palissade qui enferme comme une huître le terrain naguère réservé aux juniors et désormais intégré au centre d'excellence que se partagent Espoirs, féminines et professionnels. La séparation est quasi métaphorique. En tout cas, elle jette une ombre.
A huit ans, j'ai découvert le rugby sur le terrain annexe du stade Marcel-Deflandre, là où s'échauffaient l'équipe première du Stade Rochelais et ses adversaires. Un honneur pour les poussins que nous étions de fouler cette herbe rare. Puis notre école de rugby émigra de l'autre côté du quartier de Port-Neuf, le club venant d'acquérir un ancien marais, La Grenouillère, asséché, comblé et surfacé d'une demi-douzaine de terrains.
Il a été rebaptisé par la mairie Plaine des Jeux Colette-Besson. Pourquoi pas Robert Puyfourcat, Adrien Pla ou Claude Bas, pour rendre un hommage ovale à l'initiateur de l'école de rugby rochelaise, un pilier emblématique trop tôt disparu ou le plus consciencieux de ses éducateurs ? Mystère imposé. Toujours est-il que cinquante ans plus tard, rien n'a changé. Ou presque. Si ce n'est l'édifice qui signale que le Stade Rochelais s'est doté d'un outil de développement à la performance.
Il est interdit au public, aux curieux comme aux passionnés. Un panneau avertit que la vidéo-surveillance veille, là aussi... Tous les membres du club ne peuvent y pénétrer : un code à empreinte digitale trie les indésirables des salariés. Et quand un ballon, botté depuis le terrain adjacent par les féminines ou les Espoirs, passe la palissade et disparait, impossible d'aller le chercher : comme un symbole, ce centre de performance est fermé le dimanche...
L'avenir du rugby est en jeu. Rugby à quinze, s'entend. Celui pratiqué en Top 14 par des mastodontes bodybuildés et vendu à grands coups de marketing par tranches de derby. Un jeu industriel dit d'élite qui donne parfois de magnifiques extraits, des gestes sidérants qui passent en boucle sur les réseaux sociaux, et aussi des exploits qui ne dépassent pas la semaine de péremption. Mais le système économique est viable, principalement en France et en Angleterre.
Si les petites affaires du rugby professionnel franco-anglais sont florissantes, il n'est pas de même à l'échelle mondiale. La fédé anglaise licencie une partie de son personnel et les stades de l'hémisphère sud résonnent à moitié vides. World Rugby s'apprête donc à transformer le calendrier international pour faire entrer des sous dans ses caisses et les redistribuer - enfin ça, on verra plus tard. Ce nouveau barnum impactera l'ordonnancement des ligues professionnelles. Ne voyez-vous pas poindre la transmutation ?
Visiblement touchée par les accidents qui se multiplient mais aussi la priorité donnée à la force brute, la pratique du rugby à quinze semble s'essouffler. Elle a dramatiquement disparu des classes préparatoires et des grandes écoles, des universités et du sport scolaire, des villages et même de certaines villes hier converties. Plusieurs nations (Kenya, Espagne, Allemagne, Portugal, Russie, Etats-Unis, Chine, Roumanie, Canada) ne jurent plus que par ses avatars que sont touch et rugby à 7.
Par le rugby féminin, aussi. Qui, à quinze, privilégie l'évitement, la recherche des espaces, le jeu de passes. Assistant, dimanche dernier à midi sur le terrain de La Grenouillère, à une rencontre entre l'équipe féminine de La Rochelle (les POC'ettes, émanation du POC, ce Pallice Océan Club du phénoménal Claude Favrou qui fit tant pour la dégustation d'huîtres mais aussi de poires...) et celle de La Valette, j'avoue m'être régalé. Le combat n'était pas absent des débats, témoin le travail d'une pilière gauche rochelaise redressant devant mes yeux une mêlée mal embouchée pour sauver la balle de match.
Elles n'ont même pas de quoi recevoir, les filles de La Rochelle ! Fait office de buvette une planche sur deux chaises avec dessus trois packs de bière tiède à l'ombre d'un arbre planté en bord de touche. Question convivialité - valeur refuge du rugby -, on a fait mieux. Impossible, par ailleurs, de suivre le score : le tableau d'affichage - qui date de l'époque où j'étais cadet - n'est plus qu'une relique. Pas de chronomètre, pas même une petite tribune... C'est là aussi, sur cette plaine des jeux, que jouent les Espoirs rochelais. Laisser ses filles et son vivier évoluer dans un cadre si peu adapté n'est pas digne d'un club qui vise le Bouclier.
Samedi, le Stade Rochelais reçoit Clermont en ouverture de la septième journée. Enorme défi que d'accueillir le leader. Mais le challenge est général puisque les gros bras se mesurent : Lyon au Racing 92, Paris à Castres et Toulon à Montpellier. Avant le retour de la Coupe d'Europe et de nos amis ovales, Rodolphe Pirès et Dimitri Yachvili, ce sera l'occasion d'en savoir un peu plus sur les forces en présence, comme si se disputaient des quarts de finale...
Profitons de ces petites joutes domestiques qui n'intéressent que les supporters avant que les hérétiques de World Juice n'engorgent le calendrier de doublons et donc d'impasses avec leur création, ce championnat des nations qui viendra directement concurrencer le Tournoi des Six Nations et le Rugby Championship avec ses qualifications en juillet, ses éliminations directes en novembre et ses gros bénéfices attendus. Car maintenant, messieurs-dames, c'est officiel, on parle en milliard d'euros...
A huit ans, j'ai découvert le rugby sur le terrain annexe du stade Marcel-Deflandre, là où s'échauffaient l'équipe première du Stade Rochelais et ses adversaires. Un honneur pour les poussins que nous étions de fouler cette herbe rare. Puis notre école de rugby émigra de l'autre côté du quartier de Port-Neuf, le club venant d'acquérir un ancien marais, La Grenouillère, asséché, comblé et surfacé d'une demi-douzaine de terrains.
Il a été rebaptisé par la mairie Plaine des Jeux Colette-Besson. Pourquoi pas Robert Puyfourcat, Adrien Pla ou Claude Bas, pour rendre un hommage ovale à l'initiateur de l'école de rugby rochelaise, un pilier emblématique trop tôt disparu ou le plus consciencieux de ses éducateurs ? Mystère imposé. Toujours est-il que cinquante ans plus tard, rien n'a changé. Ou presque. Si ce n'est l'édifice qui signale que le Stade Rochelais s'est doté d'un outil de développement à la performance.
Il est interdit au public, aux curieux comme aux passionnés. Un panneau avertit que la vidéo-surveillance veille, là aussi... Tous les membres du club ne peuvent y pénétrer : un code à empreinte digitale trie les indésirables des salariés. Et quand un ballon, botté depuis le terrain adjacent par les féminines ou les Espoirs, passe la palissade et disparait, impossible d'aller le chercher : comme un symbole, ce centre de performance est fermé le dimanche...
L'avenir du rugby est en jeu. Rugby à quinze, s'entend. Celui pratiqué en Top 14 par des mastodontes bodybuildés et vendu à grands coups de marketing par tranches de derby. Un jeu industriel dit d'élite qui donne parfois de magnifiques extraits, des gestes sidérants qui passent en boucle sur les réseaux sociaux, et aussi des exploits qui ne dépassent pas la semaine de péremption. Mais le système économique est viable, principalement en France et en Angleterre.
Si les petites affaires du rugby professionnel franco-anglais sont florissantes, il n'est pas de même à l'échelle mondiale. La fédé anglaise licencie une partie de son personnel et les stades de l'hémisphère sud résonnent à moitié vides. World Rugby s'apprête donc à transformer le calendrier international pour faire entrer des sous dans ses caisses et les redistribuer - enfin ça, on verra plus tard. Ce nouveau barnum impactera l'ordonnancement des ligues professionnelles. Ne voyez-vous pas poindre la transmutation ?
Visiblement touchée par les accidents qui se multiplient mais aussi la priorité donnée à la force brute, la pratique du rugby à quinze semble s'essouffler. Elle a dramatiquement disparu des classes préparatoires et des grandes écoles, des universités et du sport scolaire, des villages et même de certaines villes hier converties. Plusieurs nations (Kenya, Espagne, Allemagne, Portugal, Russie, Etats-Unis, Chine, Roumanie, Canada) ne jurent plus que par ses avatars que sont touch et rugby à 7.
Par le rugby féminin, aussi. Qui, à quinze, privilégie l'évitement, la recherche des espaces, le jeu de passes. Assistant, dimanche dernier à midi sur le terrain de La Grenouillère, à une rencontre entre l'équipe féminine de La Rochelle (les POC'ettes, émanation du POC, ce Pallice Océan Club du phénoménal Claude Favrou qui fit tant pour la dégustation d'huîtres mais aussi de poires...) et celle de La Valette, j'avoue m'être régalé. Le combat n'était pas absent des débats, témoin le travail d'une pilière gauche rochelaise redressant devant mes yeux une mêlée mal embouchée pour sauver la balle de match.
Elles n'ont même pas de quoi recevoir, les filles de La Rochelle ! Fait office de buvette une planche sur deux chaises avec dessus trois packs de bière tiède à l'ombre d'un arbre planté en bord de touche. Question convivialité - valeur refuge du rugby -, on a fait mieux. Impossible, par ailleurs, de suivre le score : le tableau d'affichage - qui date de l'époque où j'étais cadet - n'est plus qu'une relique. Pas de chronomètre, pas même une petite tribune... C'est là aussi, sur cette plaine des jeux, que jouent les Espoirs rochelais. Laisser ses filles et son vivier évoluer dans un cadre si peu adapté n'est pas digne d'un club qui vise le Bouclier.
Samedi, le Stade Rochelais reçoit Clermont en ouverture de la septième journée. Enorme défi que d'accueillir le leader. Mais le challenge est général puisque les gros bras se mesurent : Lyon au Racing 92, Paris à Castres et Toulon à Montpellier. Avant le retour de la Coupe d'Europe et de nos amis ovales, Rodolphe Pirès et Dimitri Yachvili, ce sera l'occasion d'en savoir un peu plus sur les forces en présence, comme si se disputaient des quarts de finale...
Profitons de ces petites joutes domestiques qui n'intéressent que les supporters avant que les hérétiques de World Juice n'engorgent le calendrier de doublons et donc d'impasses avec leur création, ce championnat des nations qui viendra directement concurrencer le Tournoi des Six Nations et le Rugby Championship avec ses qualifications en juillet, ses éliminations directes en novembre et ses gros bénéfices attendus. Car maintenant, messieurs-dames, c'est officiel, on parle en milliard d'euros...