C'est là où tout a commencé. Une équipe de fondus doués pour mouler la gothique et friser l'azerty. Le point de contact avait été fixé à l'avance par Bernard Larrère, dit "Landais", avec le relais de "Lethiophe", aka Christophe Bedou, local de l'étape... Après quatre ans passés sur le support de L'Equipe, Côté Ouvert avait migré vers d'autres cieux. Arrêter de chroniquer m'avait traversé l'esprit mais un groupe de fidèles bloggeurs m'encourager à prolonger. Ce que je fis.
Rendez-vous donc aux Quinconces, à quelques heures du coup d'envoi de la première demi-finale du Top 14, cuvée 2015. Le métro bordelais allait nous rapprocher, plus tard, du Matmut Atlantique pris d'assaut et il me faudrait revenir à pied dans la nuit, deux heures de marche, pour rejoindre mon hôtel une fois mes reportages rédigés et envoyés. Mais ce calvaire n'était rien en regard du plaisir d'avoir découvert une fine équipe de connaisseurs qui allait redonner vie à ce blog, tel que vous le lisez aujourd'hui.
Après avoir signé une charte d'amitié sur l'une des nappes de la brasserie - elle est pieusement conservée dans ma bibliothèque -, nos échanges fusèrent avec autant de passion que de vivacité. Irréductibles, enthousiastes, généreux, tous appréciaient ce moment fondateur, les grandes gueules se frottant aux taiseux, les malins aux pugnaces. Et avant qu'il ne soit l'heure de se quitter après s'être découvert, l'idée d'une rencontre annuelle émergea. D'abord à Treignac. Puis à Uzerche.
Créée en 2006 par un président visionnaire, Laurent Marti, sur les décombres du Stade Bordelais et du Club Athlétique Bèglais, neuf Brennus à eux deux, l'Union Bordeaux-Bègles n'était alors pas invitée en phase finale et regardait de très loin la Coupe d'Europe. Comme le Stade Rochelais avant elle, l'UBB a donc remporté ce trophée intercontinental de haute lutte, soixante minutes durant, face aux Saints de Northampton dans un Principality Stadium de Cardiff refermé, sorte de Scala parfaitement conçue pour ce genre d'opéra ovale.
Que ces UBBistes, après avoir remplacé les Girondins du ballon rond dans le cœur des Aquitains, choisissent de fêter leur premier grand titre sur la place des Quinconces n'est pas pour nous déplaire, d'autant que samedi, nous étions tous Bordelais. Mieux que n'importe qu'elle autre équipe, l'UBB dispose de la plus belle ligne d'attaque digne d'éloge - Buros, Bielle-Biarrey, Depoortere, Moefana, Penaud - lancée par une charnière hors-pair - Jalibert-Lucu. Mais c'est d'abord un pack de fiers à bras qui étouffa les Anglais, reléguant le jeune roi Henry Pollock au rang de troupier.
Alerté par la polémique qui enfle outre-Manche à l'initiative du staff des Saints, on espère que les gestes et les propos que les joueurs Bordelais consacrèrent au coup de sifflet final à ce prodige un peu trop présomptueux n'ont pas dépassés les bornes du bon esprit, certes vachard, mais bien fait pour rappeler aux inconséquents que le rugby demeure une école d'humilité et que deux siècles de pratique n'ont pas altéré son ADN dont les invariants restent dignité, primauté de l'autorité, goût du sacrifice, canalisation de l'énergie, développement du leadership, sentiment d'appartenance et praxis.
L'UBB a donc débloqué son compteur et ouvert son armoire à trophées. Une barrière est tombée, et je crois bien que la présence de mon ami Eric Blondeau, ancien trois-quarts landais passé par l'université de Poitiers et le PORC, développeur de performance qui œuvra dans la plus grande discrétion à Clermont à l'époque du titre de 2010 sous l'ère Cotter, n'est pas étrangère à la dureté mentale dont firent preuve ces Girondins, force psychologique qui leur permit de rester devant au score, de garder la tête froide, de ne pas paniquer face aux ultimes attaques anglaises pour soulever cette coupe qui appelle d'autres succès.