Mais l'objectif avoué de Fabien Galthié et de son staff reste le titre mondial à l'horizon 2027, et vous ne trouverez pas un connaisseur du rebond ovale digne de ce nom susceptible de proposer, considérant ce but, une analyse optimiste. En effet, même avec beaucoup de bonne volonté, il est bien difficile sinon impossible de distinguer un style de jeu affirmé dans le remugle proposé cet automne. La dépossession - envoyer le ballon chez l'adversaire pour mieux l'étouffer - n'a jamais été aussi imprécise, la défense aussi perméable, la conquête en mêlée aussi chahutée, et encore ai-je ici par charité employé un euphémisme.
A la lumière du contenu d'un bilan sportif dont Galthié lui-même avoue qu'il n'est pas à la hauteur de ses attentes, j'en viens à me demander si cette équipe de France ne manque pas de densité mentale et d'une étoile à laquelle accrocher sa charrue. Personnage charismatique des années 50, Lucien Mias rappelait qu'il n'y a pas de grande équipe sans vertus hormonales. Les internationaux actuels seraient bien inspirés de lire la biographie qu'a consacré à Docteur Pack le journaliste Gilles Navarro, parue aux éditions Privat, ouvrage récompensé mercredi 26 novembre par le prix La Bibliotèca du meilleur livre de rugby de l'année 2025.
Pour sa quatrième édition, le jury, présidé par le sénateur Philippe Folliot, ancien talonneur du XV parlementaire, a choisi de mettre en valeur l'histoire si peu ordinaire d'un des capitaines les plus emblématiques de l'équipe de France, qu'il hissa au sommet du Tournoi des Cinq Nations après avoir dominé les Springboks chez eux l'année précédente, en 1958, écrivant le premier grand chapitre d'une histoire qui ne demande demain qu'à être couronnée par le trophée Webb-Ellis. Mais on perçoit bien qu'il y a encore beaucoup à faire pour qu'un tel épilogue s'inscrive en point d'orgue.
Si les grandes équipes ne meurent jamais, faisait dire à raison au pilier néo-zélandais Wilson Whineray le journaliste Denis Lalanne un soir de lourde défaite tricolore face aux All Blacks en 1961 à Auckland, elles mettent parfois du temps à se construire. En ce qui concerne la France, rarement depuis 2011 sélection nationale ne fut à ce point larguée du peloton de tête au point d'additionner de rang trois éliminations dès les quarts de finale d'une Coupe du monde. Dans un autre sport collectif d'envergure, pareille désillusion aurait généré beaucoup d'inquiétude et de questionnements. On peut se demander ce qu'à fait Fabien Galthié, en poste depuis 2015 comme adjoint puis entraîneur en chef, pour bénéficier d'autant de mansuétude.
Il faudrait peut-être, qui sait, placer un Mias dans le moteur pour revitaliser cette équipe de France qui aligne les prestations sans parvenir à réaliser de performances. Mais existe-t-il, l'homme qui pourra réveiller les consciences et booster les énergies à deux ans du prochain Mondial ? Pour aider les jeunes générations à mieux cerner le leader qu'il fut, on se souviendra que sous la férule de Mias les Tricolores déroulèrent le "demi-tour contact" au moment d'aller défier balle en mains l'adversaire sur la ligne d'avantage, innovation tactique qui ouvrit en deux les défenses au ras des phases de conquête.
Et pour rester au diapason, les trois-quarts à la baguette desquels officiait le Lourdais Roger Martine peaufinèrent leurs transmissions au point d'annihiler les vigoureuses montées défensives adverses. Ce cocktail n'avait qu'une vocation : protéger le ballon pour mieux le faire vivre. Tout cela, et bien d'autres choses encore, se retrouvent dans l'ouvrage de Gilles Navarro, hommage à un homme hors-normes qui se mit au service de la médecine avec autant d'humanité et de bonté qu'il avait instillé de fougue raisonnée dans le rugby, que ce soit à Mazamet ou avec les Tricolores.
Salon Napoléon, au Sénat, de gauche à droite : Emmanuel Massicard (Midi-Olympique), Jean Colombier (Prix Renaudot 1990), Max Armengaud (Villa Médicis et Casa de Velazquez), Jean-Christophe Buisson (Le Figaro Magazine), David Reyrat (Le Figaro), Laura Di Muzio (France-Télévisions), Gilles Navarro (lauréat 2025), Philippe Folliot (sénateur du Tarn), Pierre Berbizier (ancien demi de mêlée, capitaine et entraîneur du XV de France), Marie-Dominique Hérail (secrétaire du prix La Bibliotèca), Richard Escot (ex-L'Equipe) et Benoit Jeantet (lauréat 2023).

