Dans une époque, la nôtre, où le "savoir bien vivre ensemble" devient un réel sujet d'inquiétude, de manifestations et de discorde, autant dire une inaccessible étoile pour reprendre la chanson de l'immense Jacques Brel qui, dégouté d'être entouré d'abrutis mesquins, était parti savourer le reste de sa vie sur les îles Marquises, que l'ailier de poche springbok Cheslin Kolbe soit élu par ses pairs meilleur joueur du Top 14 a de quoi nous conforter sur la capacité du championnat de clubs le plus lucratif du monde et de sa proche banlieue à hisser à force de rebonds favorables un laissé-pour-compte vers les sommets.
Depuis 1987, pour changer d'échelle, le XV de France explore les confins de la galaxie ovale à la recherche d'une martingale qui lui permettrait, à son tour, d'être sacré champion du monde. Le cherche-t-il vraiment, d'ailleurs ? Quand on considère la succession d'embrouilles déversées dans les hautes sphères de Marcoussis - ainsi qu'en témoigne à charges Sir Clive Woodward - on peut en douter. Ou du moins être happé par une sorte de fatalité : le trophée Webb Ellis n'est pas pour nous. Non pas qu'on soit incapables de le prendre par ses anses pour le hisser au-dessus d'une tête de capitaine, c'est plutôt le chemin qui mène en apesanteur à trois succès de rang en phase finale qui semble impossible à emprunter.
Décrocher la Lune, Anglais, Sud-Africains, Néo-Zélandais et Australiens s'y sont employés avec succès ! Il s'agirait maintenant, messieurs les Tricolores, d'aller un peu plus loin. Sur Mars... Voire devenir un seigneur des anneaux de Saturne. Vous avez comme moi remarqué, puisqu'on fatigue à tourner en rond sur la même planète qu'on a su rendre exsangue, à quel point nous avons besoin de savoir s'il existe d'autres formes de vie dans l'univers, et s'il est possible de coloniser le système. Proxima, Ad Astra, First Man, Interstellar, Seul sur Mars, Gravity, High Life, Passengers : depuis quelques années, les longs métrages sur le thème se succèdent au décolage, direction là-bas.
Ce qui m'amène à ce rapprochement en forme de piste d'alunissage : considérant qu'un voyage dans l'espace demande une préparation de très haut niveau, pourquoi le staff du XV de France ne s'inspirerait-t-il pas de l'entraînement haut de gamme des astronautes ? "Le rapprochement avec les sportifs, c'est le sens de l'engagement", a souligné Jean-François Clervoy - trois missions dans l'espace dans les années 90 - dans le quotidien L'Equipe, avant d'y ajouter "le sens du devoir, de bosser, de tout donner pour réussir, d'être au meilleur de vous-même..." Similitude qui exige d'être "complétement obsessionnel".
De son côté, Claudie Haigneré - deux missions dans l'espace en 1996 et 2001 - note qu'il y a "cette capacité à se concentrer sur l'objectif. A un moment donné, il faut être à 150 % dans la performance." Un dépassement de soi qui n'est pas sans écho avec les avatars tricolores : "Il faut pouvoir et savoir résister à des événements qui pourraient faire craquer quelqu'un de faible émotionnellement", assure Clervoy. La récompense ? "On découvre des potentialités qu'on ne soupçonnait pas en soi, comme certains sportifs quand ils passent un palier et découvrent quelque chose qu'ils ignoraient être capables de faire", dit Claudie Haigneré.
Comme la compétition transcende certains sportifs, de l'entraînement intensif des astronautes naît une forme d'état de grâce. "Après des dizaines et des dizaines de passages aux simulateurs, on a 5 sur 5. On est hyper prêt. Ce qu'on appelle être dans la zone." Mais, en France, le culte réservé à Raymond Poulidor, par exemple récent, roi des seconds, personnalisation parfaite "des projets qui n'aboutissent pas, des rêves avortés" pour reprendre Antoine Blondin, nous en dit long sur la psyché cocardière.
Il n'est que d'écouter les joueurs - disons du Stade Français - se plaindre de l'entraînement trop éreintant, de l'exigence du coach, de la répétition, alors qu'elle est un passage obligé pour atteindre la perfection... Pour eux comme pour d'autres, ce qu'on demande à un professionnel est trop tout : trop dur, trop astreignant, trop contraignant, trop rigoureux, trop métronomique... C'est pourtant à ce prix qui leur semble élevé qu'on devient, comme Cheslin Kolbe, un super héros.
"Un acteur, sur un tournage, a le trac. Pas lui. Il a une grande confiance en lui, pas de la prétention, mais il sait qui il est. Quand on a un problème dans l'avion, on a envie qu'il soit aux commandes." Il, c'est Thomas Pasquet. Un modèle à suivre au plus haut. Et c'est Eva Green qui, dans Le Parisien, en parle ainsi. Savoir qui on est : voici la clé. Elle n'ouvre pas, non, elle est l'ouverture. Maintenant que le gong signalant la fin de la fête japonaise a fini de vibrer, c'est bien de pilotes assurés dont le jeu tricolore manque le plus dans cette quête que l'on dit, au vu des résultats, inaccessible, et qu'il nous faudra bien un jour achever.
jeudi 28 novembre 2019
jeudi 21 novembre 2019
Contrôles idoines
Personnalité ondulante, Edouard Herriot est resté à la postérité pour sa saillie collante comme de la confiture : "La culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié." Il fallait, effectivement, avoir cultivé son jardin pour se lancer dans le voyage en ballon ovale initié par le questionnaire de lundi dernier. J'ai bien senti que vous fumiez dans les chaumières pour en venir à bout. Mais tout d'abord, mes félicitations aux vingt-trois courageux qui se sont jetés à l'eau, certains avec grâce.
Première précision avant d'aller plus avant : ces quinze questions - et donc les réponses idoines - ont été publiées dans les cahiers d'été 2012 de L'Equipe. Un lecteur fidèle en serait donc venu à bout à condition qu'il travaille sa mémoire, sauvée du vent. Mais sept ans, et plus, cela peut sembler lointain. Après contrôle d'huissier, vous êtes cinq ex-aequo en tête : Le Gé, Landais, Sergio, Pipiou et Lulure avec onze réponses exactes sur votre première tentative.
Pour commencer, réglons le cas des six questions qui ne posent, visiblement, aucun problème. Pour ceux qui ont trouvé la fiche technique d'Invictus, Scott Eastwood occupe le poste de demi d'ouverture, personnage central de la finale 1995 puisqu'il décoche le drop-goal gagnant. A noter qu'à l'instar d'Abdel Benazzi, Joel Stransky est passé par Cahors à la fin des années 80 dans ce Lot qui est aujourd'hui l'épicentre du rugby français.
Concernant Antoine Blondin célébrant les provinces dans une de ses chroniques, vous avez capté le style du chantre, même si le cousinage de Pierre Mac Orlan pouvait semer le doute parmi les grands esprits. De même, lorsqu'il fut question d'associer les deux clubs qui décidèrent de constituer une équipe de rugby avec, non pas vingt, mais seulement quinze joueurs, il ne pouvait s'agir, en 1875, que d'Oxford et de Cambridge, creusets d'intellectuels créatifs - ce n'est pas un oxymore - alors que Cork n'a été fondé qu'en 1892, Selkirk en 1907 et North Harbour en 1985.
L'anecdote incontournable de l'infortuné pilier anglais Colin Smart - qui ne porte pas bien son nom - gagnant un pari en avalant le contenu d'un flacon d'after-shave au banquet raconte l'ère amateur et ce n'est pas sous Eddie Jones que pareille dégustation aurait trouvé place. A noter que vous associez de bon pied la rime riche en bout de ligne, fut-elle des chemins de fer, à l'épique du Chardon (question 13) et, pour finir, un petit clic permet de vérifier que le compositeur Arthur Honegger, qui découvrit le rugby au Havre, perçut à Colombes en 1928 la mécanique du jeu, son souffle, son élan et sa puissance évocatrice.
Six points s'offraient à vous, odyssée complétée par la combinaison 8-9-10 qui dirige le jeu. Surprise, le premier match international s'est déroulé un lundi : le voyage - visiblement harassant puisque par étapes - de Londres à Edimbourg occupa le samedi et une grande partie du dimanche. Les amateurs éclairés, qui ne vivaient pas d'un salaire, purent jouer au rugby à Raeburn Place, une butte de terre officiant comme tribune. Pour évoquer le premier remplaçant de l'histoire, relisez ce que notre bloggeur vélocipédiste André Bœuf a mouliné d'éclairant sur Mike Gibson. Quant à Jean-Louis Guillermou, en un clic, vérifiez qu'il effectua des études de journalisme : un stage à L'Equipe s'imposait. Ayant été sur le tournage, je vous le confirme. Vous voilà à neuf points.
Vous êtes entrés dans le dur avec les question 5, 11 et 14. Dans plusieurs hors-séries, j'ai utilisé la citation que m'a servi Thomas Castaignède, qui porte bien le tuxedo. Concernant Béziers engagé dans la première compétition européenne, vous trouverez le détail de l'histoire dans le recueil de chroniques et de nouvelles intitulé Les Oblongues. Quant au maillot de Serge Blanco, l'anecdote est au moins dans L'Equipe du 11 juillet dernier, quand James s'en est allé. Nous voilà donc à douze points, total qui n'a pas été atteint.
La question 7 traitait de la présidence des Etats-Unis. Ronald Reagan, excellent joueur de football américain, était le meilleur des quatre pour manier une balle ovale. Mais il n'a jamais joué au rugby. Au contraire de Bush Jr - une vraie teigne -, de Bill Clinton (solide deuxième-ligne d'Oxford) et de J.F.K., un peu dilettante à Harvard considérant qu'il souffrait atrocement du dos. Reste maintenant celles qui ont été pour vous les plus difficiles, à savoir les questions 2 et 4.
En 1997, fasciné par la performance de Jonah Lomu, d'origine tongienne, le roi Tupou IV décide de baptiser un volcan nouvellement émergé du nom de la star All Black. Mais depuis, ce volcan haut d'une dizaine de mètres et dont la dernière éruption date de 1999, ne fait qu'affleurer la surface. Pour finir, avant de devenir Casque d'Or, Jean-Pierre Rives a découvert la forme ovale d'un ballon à douze ans, à l'initiative de son cousin. Puis il a été trainé en club par son père qui le trouvait "trop endormi".
Les bonnes réponses sont donc : 1a, 2b, 3c, 4d, 5a, 6b, 7b, 8d, 9b, 10a, 11a, 12b, 13a, 14d, 15c. Merci à ceux qui se sont prêtés au jeu et à la semaine prochaine pour de nouvelles aventures.
Première précision avant d'aller plus avant : ces quinze questions - et donc les réponses idoines - ont été publiées dans les cahiers d'été 2012 de L'Equipe. Un lecteur fidèle en serait donc venu à bout à condition qu'il travaille sa mémoire, sauvée du vent. Mais sept ans, et plus, cela peut sembler lointain. Après contrôle d'huissier, vous êtes cinq ex-aequo en tête : Le Gé, Landais, Sergio, Pipiou et Lulure avec onze réponses exactes sur votre première tentative.
Pour commencer, réglons le cas des six questions qui ne posent, visiblement, aucun problème. Pour ceux qui ont trouvé la fiche technique d'Invictus, Scott Eastwood occupe le poste de demi d'ouverture, personnage central de la finale 1995 puisqu'il décoche le drop-goal gagnant. A noter qu'à l'instar d'Abdel Benazzi, Joel Stransky est passé par Cahors à la fin des années 80 dans ce Lot qui est aujourd'hui l'épicentre du rugby français.
Concernant Antoine Blondin célébrant les provinces dans une de ses chroniques, vous avez capté le style du chantre, même si le cousinage de Pierre Mac Orlan pouvait semer le doute parmi les grands esprits. De même, lorsqu'il fut question d'associer les deux clubs qui décidèrent de constituer une équipe de rugby avec, non pas vingt, mais seulement quinze joueurs, il ne pouvait s'agir, en 1875, que d'Oxford et de Cambridge, creusets d'intellectuels créatifs - ce n'est pas un oxymore - alors que Cork n'a été fondé qu'en 1892, Selkirk en 1907 et North Harbour en 1985.
L'anecdote incontournable de l'infortuné pilier anglais Colin Smart - qui ne porte pas bien son nom - gagnant un pari en avalant le contenu d'un flacon d'after-shave au banquet raconte l'ère amateur et ce n'est pas sous Eddie Jones que pareille dégustation aurait trouvé place. A noter que vous associez de bon pied la rime riche en bout de ligne, fut-elle des chemins de fer, à l'épique du Chardon (question 13) et, pour finir, un petit clic permet de vérifier que le compositeur Arthur Honegger, qui découvrit le rugby au Havre, perçut à Colombes en 1928 la mécanique du jeu, son souffle, son élan et sa puissance évocatrice.
Six points s'offraient à vous, odyssée complétée par la combinaison 8-9-10 qui dirige le jeu. Surprise, le premier match international s'est déroulé un lundi : le voyage - visiblement harassant puisque par étapes - de Londres à Edimbourg occupa le samedi et une grande partie du dimanche. Les amateurs éclairés, qui ne vivaient pas d'un salaire, purent jouer au rugby à Raeburn Place, une butte de terre officiant comme tribune. Pour évoquer le premier remplaçant de l'histoire, relisez ce que notre bloggeur vélocipédiste André Bœuf a mouliné d'éclairant sur Mike Gibson. Quant à Jean-Louis Guillermou, en un clic, vérifiez qu'il effectua des études de journalisme : un stage à L'Equipe s'imposait. Ayant été sur le tournage, je vous le confirme. Vous voilà à neuf points.
Vous êtes entrés dans le dur avec les question 5, 11 et 14. Dans plusieurs hors-séries, j'ai utilisé la citation que m'a servi Thomas Castaignède, qui porte bien le tuxedo. Concernant Béziers engagé dans la première compétition européenne, vous trouverez le détail de l'histoire dans le recueil de chroniques et de nouvelles intitulé Les Oblongues. Quant au maillot de Serge Blanco, l'anecdote est au moins dans L'Equipe du 11 juillet dernier, quand James s'en est allé. Nous voilà donc à douze points, total qui n'a pas été atteint.
La question 7 traitait de la présidence des Etats-Unis. Ronald Reagan, excellent joueur de football américain, était le meilleur des quatre pour manier une balle ovale. Mais il n'a jamais joué au rugby. Au contraire de Bush Jr - une vraie teigne -, de Bill Clinton (solide deuxième-ligne d'Oxford) et de J.F.K., un peu dilettante à Harvard considérant qu'il souffrait atrocement du dos. Reste maintenant celles qui ont été pour vous les plus difficiles, à savoir les questions 2 et 4.
En 1997, fasciné par la performance de Jonah Lomu, d'origine tongienne, le roi Tupou IV décide de baptiser un volcan nouvellement émergé du nom de la star All Black. Mais depuis, ce volcan haut d'une dizaine de mètres et dont la dernière éruption date de 1999, ne fait qu'affleurer la surface. Pour finir, avant de devenir Casque d'Or, Jean-Pierre Rives a découvert la forme ovale d'un ballon à douze ans, à l'initiative de son cousin. Puis il a été trainé en club par son père qui le trouvait "trop endormi".
Les bonnes réponses sont donc : 1a, 2b, 3c, 4d, 5a, 6b, 7b, 8d, 9b, 10a, 11a, 12b, 13a, 14d, 15c. Merci à ceux qui se sont prêtés au jeu et à la semaine prochaine pour de nouvelles aventures.
lundi 18 novembre 2019
Test de l'art
Un peu de légèreté ne peut nuire à l'approfondissement de nos connaissances ovales. Tandis que les compétitions européennes occupent les clubs français entre deux tranches de Top 14, l'occasion de percer quelques secrets s'offre dans l'intervalle. Côté Ouvert n'a pas pour vocation de s'appesantir trop longtemps sur les tracas du rugby professionnel. Ce sport est trop riche d'histoires, de péripéties et d'anecdotes pour que nous occupent, seules, ses vicissitudes.
A travers Jonah Lomu, Jean-Pierre Rives, Clint Eastwood ou Denis Charvet, quartet de premiers rôles, ce petit questionnaire large-large va sans aucun doute vous permettre d'évaluer vos connaissances. Evitez de vous engager sur une mauvaise piste : les réponses ne se trouvent pas sur Google... Elles sont plutôt dans vos lectures, sur les étages de votre bibliothèque ou, plus simplement, tamponnées dans votre mémoire. Un bon test, non ?
En attendant, vous ne trouvez pas qu'il y a du Brad Pitt mâtiné d'Alain Delon et de Ray Liotta chez Denis Charvet version passe ton Bach, ici aux côtés du violoniste Pierre Amoyal ? Reste que vous avez cinq minutes chrono pour répondre à ces quinze questions. Le mode d'emploi ? Vous notez en commentaire le numéro de la question (1 à 15) et en face votre choix (a, b, c ou d). Je ne validerai qu'un seul post par personne. Au dépouillement, celle ou celui qui réalisera un 15 sur 15 recevra par la poste un ouvrage dédicacé. Attention : la fin du match sera sifflée jeudi 21 novembre à 19h00...
1- En 2009, l'Américain Clint Eatswood réalise Invictus. Un de ses fils, Scott, joue le rôle d'un champion du monde. Lequel ?
a) Joel Stransky
b) Hennie le Roux
c) Joost van der Westhuizen
d) James Small
2- Jean-Pierre Rives, qui a débuté par le tennis, est arrivé plus tard au rugby. A quel âge Casque d'or a-t-il touché son premier ballon ovale ?
a) en fait, jamais, il ne faisait que plaquer
b) à douze ans
c) à quinze ans
d) à vingt ans
3- Qui a écrit : "Le rugby est une province qui ajoute quelque chose à notre patrie ?"
a) Pierre Mac Orlan
b) Adolphe Jauréguy
c) Antoine Blondin
d) Pierre Sansot
4- Considéré comme le plus célèbre joueur de rugby, Jonah Lomu a donné son nom à :
a) une gamme de camions
b) un hôpital spécialisé dans les greffes
c) une chaîne de fast food
d) une île volcanique des Tonga
5- Qui a dit : "Le Tournoi, c'est comme si le rugby mettait un smoking" ?
A travers Jonah Lomu, Jean-Pierre Rives, Clint Eastwood ou Denis Charvet, quartet de premiers rôles, ce petit questionnaire large-large va sans aucun doute vous permettre d'évaluer vos connaissances. Evitez de vous engager sur une mauvaise piste : les réponses ne se trouvent pas sur Google... Elles sont plutôt dans vos lectures, sur les étages de votre bibliothèque ou, plus simplement, tamponnées dans votre mémoire. Un bon test, non ?
En attendant, vous ne trouvez pas qu'il y a du Brad Pitt mâtiné d'Alain Delon et de Ray Liotta chez Denis Charvet version passe ton Bach, ici aux côtés du violoniste Pierre Amoyal ? Reste que vous avez cinq minutes chrono pour répondre à ces quinze questions. Le mode d'emploi ? Vous notez en commentaire le numéro de la question (1 à 15) et en face votre choix (a, b, c ou d). Je ne validerai qu'un seul post par personne. Au dépouillement, celle ou celui qui réalisera un 15 sur 15 recevra par la poste un ouvrage dédicacé. Attention : la fin du match sera sifflée jeudi 21 novembre à 19h00...
1- En 2009, l'Américain Clint Eatswood réalise Invictus. Un de ses fils, Scott, joue le rôle d'un champion du monde. Lequel ?
a) Joel Stransky
b) Hennie le Roux
c) Joost van der Westhuizen
d) James Small
2- Jean-Pierre Rives, qui a débuté par le tennis, est arrivé plus tard au rugby. A quel âge Casque d'or a-t-il touché son premier ballon ovale ?
a) en fait, jamais, il ne faisait que plaquer
b) à douze ans
c) à quinze ans
d) à vingt ans
3- Qui a écrit : "Le rugby est une province qui ajoute quelque chose à notre patrie ?"
a) Pierre Mac Orlan
b) Adolphe Jauréguy
c) Antoine Blondin
d) Pierre Sansot
4- Considéré comme le plus célèbre joueur de rugby, Jonah Lomu a donné son nom à :
a) une gamme de camions
b) un hôpital spécialisé dans les greffes
c) une chaîne de fast food
d) une île volcanique des Tonga
5- Qui a dit : "Le Tournoi, c'est comme si le rugby mettait un smoking" ?
a) Thomas Castaignède
b) Fabien Pelous
c) Olivier Magne
d) Raphael Ibanez
6- En 1875, deux clubs décidèrent de réduire de vingt à quinze le nombre de joueurs dans une équipe. Lesquels ?
6- En 1875, deux clubs décidèrent de réduire de vingt à quinze le nombre de joueurs dans une équipe. Lesquels ?
a) Auckland et North Harbour
b) Oxford et Cambridge
c) Melrose et Selkirk
d) Cork et Limerick
7- Parmi ces présidents américains, lequel n'a jamais joué au rugby ?
7- Parmi ces présidents américains, lequel n'a jamais joué au rugby ?
a) Georges W. Bush
b) Ronald Reagan
c) Bill Clinton
d) John F. Kennedy
8- Le premier match international officiel s'est déroulé à Edimbourg le 27 mars 1871 et opposait l'Ecosse à l'Angleterre. Mais quel jour ?
8- Le premier match international officiel s'est déroulé à Edimbourg le 27 mars 1871 et opposait l'Ecosse à l'Angleterre. Mais quel jour ?
a) vendredi
b) samedi
c) dimanche
d) lundi
9- Jusqu'à l'été 1968, le remplacement d'un joueur blessé était interdit. Qui a été le premier international à entrer en cours de match ?
9- Jusqu'à l'été 1968, le remplacement d'un joueur blessé était interdit. Qui a été le premier international à entrer en cours de match ?
a) Jo Maso
b) Mike Gibson
c) Barry John
d) Jim Telfer
10- Aux côtés de Margaux Hemingway, le trois-quarts centre Denis Charvet débute au cinéma à l'affiche de La Messe en si mineur, long métrage de Jean-Louis Guillermou dont l'une des particularités est d'avoir été :
10- Aux côtés de Margaux Hemingway, le trois-quarts centre Denis Charvet débute au cinéma à l'affiche de La Messe en si mineur, long métrage de Jean-Louis Guillermou dont l'une des particularités est d'avoir été :
a) stagiaire à L'Equipe
d) deuxième-ligne de Béziers
c) violoncelliste
d) maire de Saint-Cloud
11- En 1962, à Bucarest, une rencontre internationale entre un club français et le club roumain de Grivita Rosie est appelée "finale de la Coupe d'Europe". Quel club français dispute ce match ?
11- En 1962, à Bucarest, une rencontre internationale entre un club français et le club roumain de Grivita Rosie est appelée "finale de la Coupe d'Europe". Quel club français dispute ce match ?
a) Béziers
b) Agen
c) Mont-de-Marsan
d) Lourdes
12- Au cours du banquet donné à l'issue de France-Angleterre en 1982, le pilier anglais Colin Smart est transporté d'urgence à l'hôpital. Pour quelle raison ?
12- Au cours du banquet donné à l'issue de France-Angleterre en 1982, le pilier anglais Colin Smart est transporté d'urgence à l'hôpital. Pour quelle raison ?
a) il est victime d'une crise d'appendicite
b) il a bu un flacon d'après-rasage
c) il ne digère pas les cuisses de grenouilles
d) il doit se faire arracher une dent de sagesse
13- Lors des déplacements en train de l'équipe nationale d'Ecosse dans le Tournoi durant les années 20, de quelle façon le capitaine du Chardon, John Bannerman, motivait ses joueurs ?
13- Lors des déplacements en train de l'équipe nationale d'Ecosse dans le Tournoi durant les années 20, de quelle façon le capitaine du Chardon, John Bannerman, motivait ses joueurs ?
a) en leur déclamant des poèmes épiques
b) en leur donnant des coups de pied dans les tibias
c) en les obligeant à effectuer des séries d'abdominaux
d) en leur lisant des articles de presse
14- Lors de son dernier match officiel le 31 octobre 1992 à Lille entre les Barbarians français et l'Afrique du Sud, Serge Blanco a échangé son maillot à la fin de la rencontre avec :
14- Lors de son dernier match officiel le 31 octobre 1992 à Lille entre les Barbarians français et l'Afrique du Sud, Serge Blanco a échangé son maillot à la fin de la rencontre avec :
a) Naas Botha
b) personne. Il l'a gardé en souvenir.
c) Pieter Muller
d) James Small
15- En 1928, après avoir apprécié une rencontre de rugby, Arthur Honegger compose son mouvement symphonique n°2. Où a-t-il assisté à ce match ?
a) Le Havre
b) Vincennes
c) Colombes
d) Zurich
Et voilà, c'est terminé ! Qui sera la première ou le premier à réaliser un sans faute sur ce parcours ovale ? A priori, en attendant le dépouillement complet, une estimation effectuée donne Sergio vainqueur. Mais le 15 sur 15 reste encore à décrocher...
15- En 1928, après avoir apprécié une rencontre de rugby, Arthur Honegger compose son mouvement symphonique n°2. Où a-t-il assisté à ce match ?
a) Le Havre
b) Vincennes
c) Colombes
d) Zurich
Et voilà, c'est terminé ! Qui sera la première ou le premier à réaliser un sans faute sur ce parcours ovale ? A priori, en attendant le dépouillement complet, une estimation effectuée donne Sergio vainqueur. Mais le 15 sur 15 reste encore à décrocher...
mercredi 13 novembre 2019
Pensez à suivre
Il faut laisser le temps s'écouler avant de tremper le clavier dans l'esprit du je. Prendre le recul nécessaire pour que l'ivraie se sépare du bon grain des chroniques. Pas question de commenter l'actualité trop brulante : elle se crame toute seule sans nécessité d'y revenir. Ici tel joueur part de son club pour mieux y rester ; là un entraîneur viré parce qu'il demandait trop à ses joueurs, ou pas assez, selon. Alors que s'engage la Coupe d'Europe, évitons d'imaginer le palmarès sans les Saracens coupables de tricherie salariale. On ne souhaite pas y perdre le bonheur simple d'un rebond capricieux ou l'émerveillement devant tel lob majestueux suivi de trois déhanchements chaloupés.
L'après Coupe du monde nous ramène brutalement aux tristes réalités d'un sport qui ne maîtrise pas vraiment son présent depuis qu'il est passé professionnel. A croire que vingt-quatre ans après la grande rupture, il n'est toujours pas devenu adulte, qu'il n'a pas réussi sa conversion du bord de touche. Trouver en soi-même les raisons de grandir est plus difficile que se laisser emporter par ses intérêts et ses habitudes. Le rugby, comme l'être, demeure souvent esclave, en servitude volontaire, prisonnier de la minorité dans lequel il se trouve pas sa propre faute.
Philosophe à la mêlée, psychiatre à l'ouverture, Christophe Schaeffer et Marcel Rufo ont échangé sur l'ovale pour donner naissance à Passeurs de rugby (Editions Anne Carrère), opuscule sorti grand côté juste avant le coup d'envoi de la Coupe du monde. Il y est question de transgression, de caractère distinctif, de cousu main, de symboles, d'affection. Puis, au détour de cette belle maïeutique en forme de décalage en bout de ligne, déboule cette citation d'Emil Cioran (1911-1995) : "Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter."
Il n'y a rien de vulgaire ni de tristement nostalgique à embellir le passé, à "rêver dans le présent grâce aux souvenirs ovales de notre enfance," dit Christophe. "Les souvenirs, ce n'est pas du passé, c'est du présent. Quand je regarde un match, je me retrouve debout alors que je ne sais même pas que je me suis levé", poursuit Marcel. Vestiaire, troisième-mi-temps, mêlée... Cette charnière d'érudits traverse le terrain jusqu'aux tribunes où il est question de consommation, quand le rugby se donne en spectacle. Les exemples récents ne manquent pas.
"Si le combat perdure, la stratégie de communication dans le rugby de haut niveau opère sur l'individu", attaque l'ancien neuf de Plaisir. "On a commercialisé le rituel", relance le dix de la Rade, mais "le rugby parle de cette peur ancestrale qui remonte aux origines..." Se crée ainsi l'intervalle du bout des doigts, art de la passe qui définit finalement ce jeu à nul autre pareil. "Faire confiance à ce qu'on ne voit pas pour avancer dans la vie..." note Christophe, prince des lumières. "La passe en arrière, c'est une extraordinaire maîtrise de la spatialité", souligne Marcel, pédopsychiatre enchanteur. Pour (presque) terminer par cet axiome de Maurice Prat, oracle lourdais : "Si on n'a rien compris à la passe, on a rien compris au rugby."
C'est encore elle qui ouvre les espaces. En écartant le ballon s'étendent les intervalles. Cheslin Kolbe et Makazole Mapimpi l'ont une fois de plus démontré en finale de la Coupe du monde remportée par les Springboks au début du mois. Le rugby de toujours convoquait ses impératifs catégoriques : prise de la ligne d'avantage, conquête, défense mais aussi organisation tactique, maîtrise technique, alternant pied-main pour atteindre le décalage millimétré, le crochet dévastateur, la percée majuscule.
Ce jeu - c'est son attrait - oscille entre le combat et la geste, la plume et le plomb, la large et au près, devant et derrière, moitié Rives moitié Blanco (ou, pour les modernes, Dimitri Szarzewski et Teddy Thomas), l'opiniâtre et le volatil, l'initiative et le collectif, l'inspiration et la stratégie, Homère et Oscar Wilde, c'est-à-dire l'épopée et l'autodérision. Mais il ne peut exister qu'à travers la transmission, le lien, l'altérité... Et Christophe de sceller l'ultime temps de jeu : "On a plus perdu, quand on a perdu la passion, que quand on s'est perdu dans la passion." Je n'imaginais pas, ouvrant leurs pages, conclure à la sirène cette chronique par un débordement de Soren Kierkegaard.
L'après Coupe du monde nous ramène brutalement aux tristes réalités d'un sport qui ne maîtrise pas vraiment son présent depuis qu'il est passé professionnel. A croire que vingt-quatre ans après la grande rupture, il n'est toujours pas devenu adulte, qu'il n'a pas réussi sa conversion du bord de touche. Trouver en soi-même les raisons de grandir est plus difficile que se laisser emporter par ses intérêts et ses habitudes. Le rugby, comme l'être, demeure souvent esclave, en servitude volontaire, prisonnier de la minorité dans lequel il se trouve pas sa propre faute.
Philosophe à la mêlée, psychiatre à l'ouverture, Christophe Schaeffer et Marcel Rufo ont échangé sur l'ovale pour donner naissance à Passeurs de rugby (Editions Anne Carrère), opuscule sorti grand côté juste avant le coup d'envoi de la Coupe du monde. Il y est question de transgression, de caractère distinctif, de cousu main, de symboles, d'affection. Puis, au détour de cette belle maïeutique en forme de décalage en bout de ligne, déboule cette citation d'Emil Cioran (1911-1995) : "Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter."
Il n'y a rien de vulgaire ni de tristement nostalgique à embellir le passé, à "rêver dans le présent grâce aux souvenirs ovales de notre enfance," dit Christophe. "Les souvenirs, ce n'est pas du passé, c'est du présent. Quand je regarde un match, je me retrouve debout alors que je ne sais même pas que je me suis levé", poursuit Marcel. Vestiaire, troisième-mi-temps, mêlée... Cette charnière d'érudits traverse le terrain jusqu'aux tribunes où il est question de consommation, quand le rugby se donne en spectacle. Les exemples récents ne manquent pas.
"Si le combat perdure, la stratégie de communication dans le rugby de haut niveau opère sur l'individu", attaque l'ancien neuf de Plaisir. "On a commercialisé le rituel", relance le dix de la Rade, mais "le rugby parle de cette peur ancestrale qui remonte aux origines..." Se crée ainsi l'intervalle du bout des doigts, art de la passe qui définit finalement ce jeu à nul autre pareil. "Faire confiance à ce qu'on ne voit pas pour avancer dans la vie..." note Christophe, prince des lumières. "La passe en arrière, c'est une extraordinaire maîtrise de la spatialité", souligne Marcel, pédopsychiatre enchanteur. Pour (presque) terminer par cet axiome de Maurice Prat, oracle lourdais : "Si on n'a rien compris à la passe, on a rien compris au rugby."
C'est encore elle qui ouvre les espaces. En écartant le ballon s'étendent les intervalles. Cheslin Kolbe et Makazole Mapimpi l'ont une fois de plus démontré en finale de la Coupe du monde remportée par les Springboks au début du mois. Le rugby de toujours convoquait ses impératifs catégoriques : prise de la ligne d'avantage, conquête, défense mais aussi organisation tactique, maîtrise technique, alternant pied-main pour atteindre le décalage millimétré, le crochet dévastateur, la percée majuscule.
Ce jeu - c'est son attrait - oscille entre le combat et la geste, la plume et le plomb, la large et au près, devant et derrière, moitié Rives moitié Blanco (ou, pour les modernes, Dimitri Szarzewski et Teddy Thomas), l'opiniâtre et le volatil, l'initiative et le collectif, l'inspiration et la stratégie, Homère et Oscar Wilde, c'est-à-dire l'épopée et l'autodérision. Mais il ne peut exister qu'à travers la transmission, le lien, l'altérité... Et Christophe de sceller l'ultime temps de jeu : "On a plus perdu, quand on a perdu la passion, que quand on s'est perdu dans la passion." Je n'imaginais pas, ouvrant leurs pages, conclure à la sirène cette chronique par un débordement de Soren Kierkegaard.
samedi 2 novembre 2019
A l'unissons !
Certaines photos valent mille mots. D'autres se passent de commentaire. Quand, sur la pelouse de Yokohama, Siya Kolisi brandit le trophée Webb Ellis entouré de ses coéquipiers, nul besoin de légende. Regarder suffit. Je ne sais s'il s'agit de rugby : l'événement dépasse la seule circonférence ovale. Après François Pienaar élevé dans un contexte d'apartheid et félicité par Nelson Mandela pour avoir su conquérir une coupe qui servirait à unifier la nation arc-en-ciel meurtrie, surgit maintenant Siyamthanda Kolisi.
Cent vingt-huit ans de rugby springbok derrière le soixante-et-unième capitaine de l'équipe nationale. Son parcours force le respect : orphelin, un township pour terrain d'enfance, la faim en viatique, la misère comme horizon, le seul xhosa - l'idiome de Mandiba - pour se faire entendre. Mais voilà, le rugby croisera sa vie pour construire un destin. Qui va l'élever. Au rang désormais d'icone. Ou plutôt de symbole : celui de toutes les convergences.
Les matches laissent un score. Cette finale imprimera une trace. On peut ne pas aimer le jeu pratiqué par les Sud-Africains. Mais ils se foutent bien des notes artistiques que les esthètes peuvent leur donner. Ils pratiquent leur rugby, imaginé par un pasteur, le révérend George Ogilvie, retourné au Cap après avoir suivi ses études dans un collège anglais, Winchester, où se pratiquait un jeu plutôt viril et rugueux appelé the scrum.
Ca ne s'invente pas. Ou plutôt si. Il y a de siècles de cela, chaque collège privé anglais (il ne s'agit pas d'un établissement pour pré-ados mais d'un mix Terminale-Prépa-Université) dispose de sa propre activité physique : le mur à Eton, le football à Rugby, etc. Ogilvie a découvert la mêlée à Winchester et n'aura de cesse, revenu en Afrique du Sud, d'encourager la pratique de cette activité physique collective qui colle bien au caractère combattif des ouailles liés dont il a la charge.
Vous imaginez où cela nous mène. La mêlée fantastique, écrit par Denis Lalanne, traite du test-match de 1961 à Colombes, un 0-0 qui fascina toute une génération bien après que les Springboks de Hennie Muller eurent dévasté l'Europe du Tournoi des Cinq Nations en 1952, inspirant Lucien Mias à peaufiner le demi-tour contact six ans plus tard pour réaliser l'exploit de vaincre ces Rugbymen du Diable sur leurs terres avec une équipe de copains. La mêlée, creuset de l'âme ovale sud-africaine, donc.
Tout sauf un hasard si sur une ultime mêlée les Springboks de Pienaar bloquèrent en 1995 l'avancée du XV de France à Durban sous un déluge de doutes et de frustration pour s'ouvrir le chemin de la finale et de la rédemption politique. Quand j'ai vu les huit avants springboks soudés comme un seul engager une flexion et disloquer la mêlée anglaise, samedi, je n'ai pu m'empêcher de penser au serment du révérend Ogilvie.
Alors que les Springboks de Paul Roos affrontaient une sélection des îles Britanniques, se posa un problème de maillot. Les Lions jouaient en blanc. Pas question de leur proposer, hospitalité oblige, de changer de tunique. C'est alors que le révérend Ogilvie invita Paul Roos à récupérer les maillots de l'équipe de son diocèse, en coton vert olive avec une mitre sur le cœur. Pas étonnant qu'en Afrique du Sud le rugby soit plus fédérateur que ne peut l'être une religion.
Depuis une vingtaine d'années, le législateur soumis à la volonté de l'industrie du spectacle a cherché par tous les moyens à édulcorer cette phase de jeu qu'on appelle mêlée et qui, pour le profane, ressemble à un amas alors qu'il s'agit bien de la plus formidable épreuve de fusion, de technicité et de volonté jamais inventée, à même de jauger l'engagement d'un groupe vers un but commun, de juger la valeur intrinsèque d'un pack, et surtout sur terrain gras. Toutes les règles et les injonctions, les commandements et les alinéas ne pourront jamais changer cet axiome : pas de mêlée, pas de succès !
Ancien cornac du pack biterrois de la grande époque, Richard Astre m'écrit ce message que je vous transmets sur un pas : "Le rugby demeure un sport de combat collectif. Les mêmes valeurs sont toujours présentes : humilité, solidarité, courage, discipline... Tout le monde connait ces poncifs mais il ne faut pas confondre objectifs et moyens. Quelle action, quelle maîtrise, quel comportement, quelle intelligence mettre au service de la stratégie, tout en faisant abstraction de son propre ego ? La conjoncture très compliquée en Afrique du Sud a cimenté la cohésion de cette équipe. L'unisson entre avants et trois-quarts, avec une grande détermination dans l'affrontement, a suffi pour anesthésier toutes les velléités anglaises."
L'entraîneur sud-africain Rassie Erasmus a raconté à l'issue de cette finale remportée sur l'Angleterre (32-12) qu'il avait suggéré à ses joueurs de ne pas céder à la pression du résultat après leur défaite inaugurale contre les All Blacks lors de ce Mondial japonais. "La pression, en Afrique du Sud, c'est de ne pas trouver de boulot, c'est d'avoir perdu un proche, assassiné. Nous, notre objectif, c'est de donner de l'espoir. Pas avec des mots mais en actes. Sur le terrain." C'est d'unir une nation. Unissons donc à l'unisson !
Souvent, la finale d'une Coupe du monde donne le ton pour les années à venir. Celle-ci nous ramène aux vertus immarcescibles du football tel que pratiqué à Rugby. Les rats de bibliothèque ont beau vouloir faire mourir Webb Ellis en dévissant le mythe fondateur de son piédestal, la transgression reste gravée dans ce marbre placé sur le mur d'enceinte. C'est donc avec un beau mépris pour l'ère du temps que les Springboks, discrets durant ce Mondial, à la fois terriens et mercuriels, sont parvenus à se transcender au bon moment, gardant vivaces les racines de leur histoire pour mieux greffer des éclairs de génie au bout de leurs ailes.
Cent vingt-huit ans de rugby springbok derrière le soixante-et-unième capitaine de l'équipe nationale. Son parcours force le respect : orphelin, un township pour terrain d'enfance, la faim en viatique, la misère comme horizon, le seul xhosa - l'idiome de Mandiba - pour se faire entendre. Mais voilà, le rugby croisera sa vie pour construire un destin. Qui va l'élever. Au rang désormais d'icone. Ou plutôt de symbole : celui de toutes les convergences.
Les matches laissent un score. Cette finale imprimera une trace. On peut ne pas aimer le jeu pratiqué par les Sud-Africains. Mais ils se foutent bien des notes artistiques que les esthètes peuvent leur donner. Ils pratiquent leur rugby, imaginé par un pasteur, le révérend George Ogilvie, retourné au Cap après avoir suivi ses études dans un collège anglais, Winchester, où se pratiquait un jeu plutôt viril et rugueux appelé the scrum.
Ca ne s'invente pas. Ou plutôt si. Il y a de siècles de cela, chaque collège privé anglais (il ne s'agit pas d'un établissement pour pré-ados mais d'un mix Terminale-Prépa-Université) dispose de sa propre activité physique : le mur à Eton, le football à Rugby, etc. Ogilvie a découvert la mêlée à Winchester et n'aura de cesse, revenu en Afrique du Sud, d'encourager la pratique de cette activité physique collective qui colle bien au caractère combattif des ouailles liés dont il a la charge.
Vous imaginez où cela nous mène. La mêlée fantastique, écrit par Denis Lalanne, traite du test-match de 1961 à Colombes, un 0-0 qui fascina toute une génération bien après que les Springboks de Hennie Muller eurent dévasté l'Europe du Tournoi des Cinq Nations en 1952, inspirant Lucien Mias à peaufiner le demi-tour contact six ans plus tard pour réaliser l'exploit de vaincre ces Rugbymen du Diable sur leurs terres avec une équipe de copains. La mêlée, creuset de l'âme ovale sud-africaine, donc.
Tout sauf un hasard si sur une ultime mêlée les Springboks de Pienaar bloquèrent en 1995 l'avancée du XV de France à Durban sous un déluge de doutes et de frustration pour s'ouvrir le chemin de la finale et de la rédemption politique. Quand j'ai vu les huit avants springboks soudés comme un seul engager une flexion et disloquer la mêlée anglaise, samedi, je n'ai pu m'empêcher de penser au serment du révérend Ogilvie.
Alors que les Springboks de Paul Roos affrontaient une sélection des îles Britanniques, se posa un problème de maillot. Les Lions jouaient en blanc. Pas question de leur proposer, hospitalité oblige, de changer de tunique. C'est alors que le révérend Ogilvie invita Paul Roos à récupérer les maillots de l'équipe de son diocèse, en coton vert olive avec une mitre sur le cœur. Pas étonnant qu'en Afrique du Sud le rugby soit plus fédérateur que ne peut l'être une religion.
Depuis une vingtaine d'années, le législateur soumis à la volonté de l'industrie du spectacle a cherché par tous les moyens à édulcorer cette phase de jeu qu'on appelle mêlée et qui, pour le profane, ressemble à un amas alors qu'il s'agit bien de la plus formidable épreuve de fusion, de technicité et de volonté jamais inventée, à même de jauger l'engagement d'un groupe vers un but commun, de juger la valeur intrinsèque d'un pack, et surtout sur terrain gras. Toutes les règles et les injonctions, les commandements et les alinéas ne pourront jamais changer cet axiome : pas de mêlée, pas de succès !
Ancien cornac du pack biterrois de la grande époque, Richard Astre m'écrit ce message que je vous transmets sur un pas : "Le rugby demeure un sport de combat collectif. Les mêmes valeurs sont toujours présentes : humilité, solidarité, courage, discipline... Tout le monde connait ces poncifs mais il ne faut pas confondre objectifs et moyens. Quelle action, quelle maîtrise, quel comportement, quelle intelligence mettre au service de la stratégie, tout en faisant abstraction de son propre ego ? La conjoncture très compliquée en Afrique du Sud a cimenté la cohésion de cette équipe. L'unisson entre avants et trois-quarts, avec une grande détermination dans l'affrontement, a suffi pour anesthésier toutes les velléités anglaises."
L'entraîneur sud-africain Rassie Erasmus a raconté à l'issue de cette finale remportée sur l'Angleterre (32-12) qu'il avait suggéré à ses joueurs de ne pas céder à la pression du résultat après leur défaite inaugurale contre les All Blacks lors de ce Mondial japonais. "La pression, en Afrique du Sud, c'est de ne pas trouver de boulot, c'est d'avoir perdu un proche, assassiné. Nous, notre objectif, c'est de donner de l'espoir. Pas avec des mots mais en actes. Sur le terrain." C'est d'unir une nation. Unissons donc à l'unisson !
Souvent, la finale d'une Coupe du monde donne le ton pour les années à venir. Celle-ci nous ramène aux vertus immarcescibles du football tel que pratiqué à Rugby. Les rats de bibliothèque ont beau vouloir faire mourir Webb Ellis en dévissant le mythe fondateur de son piédestal, la transgression reste gravée dans ce marbre placé sur le mur d'enceinte. C'est donc avec un beau mépris pour l'ère du temps que les Springboks, discrets durant ce Mondial, à la fois terriens et mercuriels, sont parvenus à se transcender au bon moment, gardant vivaces les racines de leur histoire pour mieux greffer des éclairs de génie au bout de leurs ailes.