dimanche 29 novembre 2020
Trait d'union
Les multiples hommages rendus à Christophe Dominici nous touchent en creux, tous autant que nous sommes, tant ils parlent de cet amour qu'il ne faut jamais refuser de donner autour de nous. "Aimer sans savoir qui", écrit à cet effet notre vieil ami Pierre Quillardet, ancien ailier du PUC. Apaisé ou violent, partir nous ramène à notre condition humaine, notre finitude. Au départ tragique de Domi soudainement happé par les ténébres, moins destructeurs mais tout aussi tristes sont ceux d'André Quilis et de Roger Fite, eux aussi internationaux. Ces serviteurs du jeu n'attendaient ni lumière ni récompense, l'un chercheur l'autre dirigeant, et constituent la part la plus importante de notre humanité ovale.
Au moment où les marins du Vendée Globe passent le cap de Bonne-Espérance, une vague à l'âme porte aussi le souvenir d'un de nos grands capteurs d'émotions, le photographe Denys Clément, aka "L'Ange Baroque". Ce témoin malicieux traversa un demi-siècle de sport sur la selle d'une moto durant ses nombreux Tours de France et le pont d'un catamaran lors des transats ou autres circumnavigations hauturières. On le distinguait, arpentant la ligne de touche pour imprimer des attitudes rugby comme lui seul, ancien talonneur du lycée Michelet de Vanves puis des juniors du Stade Français, était capable de les cadrer.
Un regard, celui de Christophe Dominici, archange sulfureux au charme électrique, habitait donc nos esprits le temps d'un France-Italie bien conclu samedi soir, et le Stade de France résonnait du vide que laisse désormais cet ailier débordant. Mais dans le miroir tendu par Domi se reflétait un visage moins connu, si ce n'est de ses anciens partenaires d'Agen et du XV de France des années cinquante. Comme les cinq néophytes sélectionnés par Fabien Galthié - Neti, Geraci, Pesenti, Villière et Barraque - Pierre Guilleux profita d'un vent de fraîcheur en équipe de France pour débuter un jour de février 1952 face aux Springboks, à Colombes.
Pierre Guilleux n'a jamais fait les gros titres. Ouvreur pétillant particulièrement attiré par l'offensive, il fut placé à l'arrière d'une équipe qui alignait de grands noms et de fortes personnalités comme Maurice et Jean Prat, Gérard Dufau, Lucien Mias et Guy Basquet ; ainsi qu'un certain Jean Colombier dont on cru longtemps qu'il avait obtenu le prix Renaudot en 1990. Puis il referma quelques mois plus tard sa parenthèse internationale à Milan, sur une victoire face à l'Italie.
Enseignant diplomé de l'Ecole Normale Supérieure d'Education Physique, il fit passer à Pierre Villepreux l'épreuve rugby du CAPES et signa pour L'Equipe pendant de nombreuses années ses compte-rendus de matches depuis la tribune du stade Armandie. Enterré jeudi dernier à Agen, sa disparition, à l'âge de 95 ans, a été tenue discrète par sa famille, à l'image d'un parcours sans tache ni faille dédié à ce que ce jeu comporte de plus noble.
Rendre à ce sportif éclectique en quelques lignes une partie ce qu'il a donné est bien le moindre des hommages. Avant-centre des Chamois Niortais (football), gardien de but international (handball à XI) et excellent joueur de tennis jusqu'à disputer en 2003 en Afrique du Sud le championnat du monde vétérans, la passion se mariait chez lui à l'humilité. La marque des vertueux. Il mesurait 1,72. Comme Domi. Et il y a chez Gabin Villière, septiste tout en tendons, de ces deux attaquants l'éclat et la discrétion. L'essai qu'il planta d'une foulée nerveuse au terme d'un slalom que n'aurait pas désavoué son ainé est davantage qu'une heureuse coïncidence.
A la demande toute amicale d'André Buonomo, ancien flanker biterrois, "sous la grande émotion crée par le geste de délicatesse des All Blacks pour Maradona", m'écrit-il, apprécions pour finir à quel point "ce moment honore les valeurs profondes du rugby", instant où les hommes au maillot noir qui portent le deuil de leurs adversaires déposèrent, avant d'affronter les Pumas, une tunique sombre floquée du numéro dix que ce démon d'Argentin porta d'une main ferme et d'un pied gauche au firmament des génies. Tel un trait d'union.
Sur l'instant j'ai trouvé cet hommage au maillot noir un peu convenu, puisque immédiatement après, l'équipe a effectué un Haka guerrier défiant ces mêmes Pumas qui les avaient battus 15 jours auparavant.
RépondreSupprimerC'était idiot de ma part: dans les deux cas, c'est le même respect, signifié de manière simplement différente.
Il ny a pas plus sage que celui qui reconnait s'être trompé
SupprimerBeau papier qui nous fait découvrir des noms ignorés et qui nous éclaire de leur passion pour le sport en général.
RépondreSupprimerMoi personnellement comme André j'ai été très ému de ce geste des AB car c'était vraiment la reconnaissance de champions a un très grand champion et pour que cette reconnaissance soit complète , ils ont donner aux Argentins surement une leçon de rugby c'est cela être chevaleresque ,montrer a l’adversaire le respect inspiré et lui passer dessus a la mesure de ce respect...quel dommage que cet hommage à Dominici n'est pas été du même acabit et abouti a un match enlevé , beau a regarder comme il le fut ; on a eu droit a un mauvais brouet digne d'un hommage au pauvre tartempion inconnu de tous et de lui même ...comme quoi n'est pas champion qui veut ...bon dimanche
France - Afrique 1961 à Colombes? Et non: je reconnais Mias et Basquet! Alors 1952...Un peu trop ancien pour moi: je n'avais que 6 ans.
RépondreSupprimerQuel bel article construit autour du thème et qui va chercher loin dans les racines cette sève de la transmission qui remonte par le tronc vers des branches que l'on découvre parfaitement reliées et cohérentes.
Guilleux dégage son camp
SupprimerEt l'hécatombe se poursuit... JJSS et Dark Vador out.
RépondreSupprimerQui est JJSS ?
SupprimerJLSS, plutôt...Et David, le fils de Jean-Jacques, créateur de l'E.M.D.R.
SupprimerJean-Louis, pardon.
SupprimerVu frère de JJSS ...une dynastie
SupprimerEt puis c'est Darth Vader le vrai nom,na !
SupprimerSorry.
Supprimerhttps://www.ladepeche.fr/2020/06/02/pierre-guilleux-un-sportif-hors-norme,8913067.php
RépondreSupprimerArticle très complet du temps où il était en vie. Pas vu de nécrologie sur ce support régional, en revanche.
SupprimerTon article est magnifique dans les hommages et l'esprit ovale devra perdurer pour te donner la matière future des proses dont nous nous delectons.
RépondreSupprimerMerci. Qui es tu, Unknown ?
SupprimerPour l' avoir rencontré fréquemment ( son fils est un ami ) Pierre Guilleux était un sportif éclectique excellant dans dans le volley le tennis le football entre autres... C' était un homme pondéré mais passionné et impliqué.
RépondreSupprimerVisiblement, d'après mes amis agenais, Pierre Guilleux faisait équipe avec "Le Connétable", le fameux Charles Calbet. Les deux copains avaient des avis très tranchés et très précis sur le jeu "à l'Agenaise"... Tu confirmes, Philippe ?
SupprimerPas connu les personnes citées non plus. La finitude, j'aime bien ce mot.
RépondreSupprimerJuste servir les valeurs ovales d'une manière ou d'une autre, de manière taiseuse ou plus constellée. Ça dépend de quoi on a été fait. Mais à la sortie, avoir laissé une trace comme une avion dans le ciel. Servir et transmettre, et fournir un rendu ne laissant aucun doute sur l'effet post hume. En rugby, le trait c'est l'union, après c'est le trait d'union...
Les blacks restent les Blacks. Toujours le respect de l'adversaire, samedi endeuillé d'un de leur plus beau joyau. Et prêter l'image de leur maillot en la circonstance. 10, symbole de décades et du temps qui passe. Signe d'ouverture caractérisée dans l'ovale comme dans le foot.
Pierre Guilleux à été un sportif et une personne éclectique et avisée à ce que j'en apprend, de ces anciens devenant parole de sage. Compère d'un autre du SUA, Camille Bonnet, dont j'ai entendu parler puisqu'ayant entraîné mon Valence Sportif mi années 60. N° 15 au coup de pied éclairé spécialiste du drop, dernier rempart et doyen des rugbymen et agenais ayant emporté le Brennus en 1945, décédé ce 17 novembre à Beaumont- les-Valence (je l'ai pas su), Covid ayant eu raison de lui. Un de plus.
Ou, d'une raison à une autre, besoin impérieux d'aller voir ailleurs à un m'ment donné ou, par les temps qui courent... 🤔
"Finitude" est un mot qui n'a pas été inventé par Mme Ségolène, je tiens à le préciser.
Supprimerle rugby comme tant d autres elements est un vecteur d emotions
RépondreSupprimerqu il est reconfortant de rendre hommages a tous ses serviteurs que serait ce jeu sans sa cohorte de dirigeants des petits clubs ses devoues animateurs l edifice requiert de solides fondations pas celle de Bill Gates
la faucheuse a la lame bien aceree sevit a plein regime
Maradonna plus qu un genie du ballon a resplandi aupres de tous pour ses implications et son attachement a sa classe et a son pays
sur que Dominici a trouve un digne successeur avec ce petit ailier toulonnais qui est venu rompre l atonie des consignes
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerIl y a effectivement du Domi dans ce Gabin
SupprimerPour éviter d'oublier trop vite les Fils de Bezagne voudraient instaurer le trophée Dominici . Il serait décerné chaque saison à l’équipe qui remporte le duel entre le Rugby Club Toulonnais et le Stade-Français Paris, les deux clubs de cœur de Christophe Dominici. Belle initiative je trouve .
RépondreSupprimerJe trouve aussi. Les fils de Besagne perpétuent un quartier historique (bars à marins) qui a disparu depuis deux décennies, remplacé par un centre commercial et des résidences. Mais c'est le mythe et la légende qui comptent.
SupprimerEt puis, c'est Besagne, le vrai nom, na...
Supprimer🤣🤣
SupprimerAh ! cette initiative n’est guère surprenante de la part d’un fils de Besagne.
SupprimerCar c’est un vrai sentimental qui, sous ses airs grande gueule, cache une âme tourmentée et un coeur d’artichaud.
Mais ne le lui dis pas, hein. Sinon il t’empêgue.
Ou sur le pré, il te destronche, c’est selon.
Et même si Domi, en bon fils prodigue, quitta la Rade pour aller faire la fête avec Landolfi, le toulonnais sait être reconnaissant. Car du bonheur, il en apporta, hein ! Tel Miquette, célèbre et toujours célébrée par les p’tits gars d’ici, fidèles pour l’éternité à cette artiste de l’arabesque corporelle qui depuis son réduit fit connaître au mataf émerveillé bien plus de splendeurs que tous les ferry-boîtes du monde.
Un peu comme Domi, quoi.
Ça méritait bien un trophée.
Hello Pom qui est donc Miquette ?
Supprimer“Miquette, la reine de la quéq....e” à ce jour seule et unique travailleuse du sexe à avoir une plaque à son nom. De la part de ses admirateurs, marins reconnaissants :-)
RépondreSupprimerNous sommes au cœur de la tradition. Lors de mes premières reportages sur la rade je garde quelques souvenirs savoureux des nuits de Besagne.
SupprimerMais sans jamais croiser Miquette
SupprimerMoi non plus. Et pourtant, je fus mataf à la belle époque. J’crois que j’ai raté mon Énéide :-)
RépondreSupprimerVoila, voila, voila ... amis de la poésie bonjour ! 🤣🤣🤣
RépondreSupprimerBon sang ! J'aurais dû me méfier avec un nom pareil, se serait appelée Françoise encore ...
RépondreSupprimerEncore quoi ?
RépondreSupprimer(c'est que ma femme s'appelle Françoise...
mais je ne l'appelle pas Framboise !)
Avanies et Framboise, tout un programme
SupprimerY a même des zintimes qui l'appelaient Michouille,alors !
RépondreSupprimerBon l'info du jour c'est l'arrivée du ci devant André, quelques années en avant.
Allez, bon anniversaire donc. ...
Merci à tous.
RépondreSupprimerC'était bien ?
SupprimerTrès bien.
Supprimerextraordinaire sauvetage dans le Vendée globe ...quelle joie d'avoir sauvé Escoffier ..
RépondreSupprimerOui, et souligner aussi la magnifique course de Le Cam avec son bateau supposé obsolète!
SupprimerAllez, yes we Cam !
C'est quand même pas très rassurant de savoir qu'un bateau comme ça peut carrément se plier en 2 dans une forte vague et couler en 10 mn, tout ça au beau milieu de nulle part.
SupprimerMais tu sais bien que c'est bien connu, dès que le vent soufflera, c'est la mer qui prend l'homme et pas l'inverse... Donc, t'as intérêt à lui faire l'amour... et bien.
Supprimersergio , tu es en grande forme
SupprimerPar définition tout ce qui flotte est susceptible de couler, sauf p'têt Jésus!
SupprimerMais tu as raison, les ingénieurs, la 3D , la CAO et même les meilleurs marins du monde n'ont jamais constitué une assurance contre la mer.
On a toujours eu de la casse et ça n'empêche pas d'aller de plus en plus vite,ces mecs la doivent avoir un grain !
Allez, de génie ou de folie?
merci Janlou de dire tout haut ce que je me serine tout bas : sont tous cinglés ou bien ? Heureusement il y a les femmes pour redonner un peu de sens à cette folie euh ... peut être pas toutes non plus !
SupprimerEt cette formidable Anne Sylvestre hier. Le jour de mon anniversaire....Je m'en, souviendrais.
RépondreSupprimerPour information, nous sommes le 1er décembre et le rugby peut reprendre sur le terrain pour les amateurs. Visiblement, il y a beaucoup de plaisir et de bonheur ce soir l'entraînement du côté de chez moi.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerPar ailleurs, je ne saurais mieux vous conseiller que d'aller lire la chronique d'Olivier Villepreux dans "Contre-Pied" sur la disparition de Christophe Dominici.
Supprimerj'en retiens une phrase : "Jouer au rugby ne donne aucune compétence par ailleurs." Dominici en a fait la cruelle expérience ( pas le seul d'ailleurs) . Bel article, sans complaisance . Comme un shot de vodka pour se remettre d'une cuite .
Supprimertrès bel article et si juste ,Olivier Villepreux n’hésite pas a dire ce qu'il faudrait cacher .. c'est comme la poussière , quand elle est sous le tapis on ne la voit pas mais ce n'est pour autant qu'elle n'existe pas ...il fait un terrible constat des années folles du SF
SupprimerDes années qui ont changé la face du rugby professionnel. Mais avec aussi une face sombre, que raconte très bien notre ami Raphael Poulain dans son livre "Quand j'étais Superman".
SupprimerUne triste réalité du monde des étoiles que ces joueurs tutoient, mais gaffe parfois si tu n'y prends pas garde, sinon, qui tue toi... Gloire et oubli. La tentation du dernier vertige comme l'écrit aussi Benoit Jeantet dans "l'épagneul de la mélancolie",à son sujet, bel écrit également.
RépondreSupprimerOn peut le retrouver chez d'autres personnalités aussi.
Le vertige, oui. Paris, le Tout Paris, le Paris by night, est un miroir aux alouettes, un piège qui peut se refermer sur toi. Avec des nuits qui valent dix jours et creusent les sillons de l'épuisement du corps et des âmes.
SupprimerOui.
RépondreSupprimerEt dans le même ordre d'idée, "Les Tragiques" de Christian Montaignac.
Certes, mais sans les paillettes. C'étaient des enfouissements d'hommes, des glissements de terrain, des ruptures. Mais pas dans le mélange de stress et de strass.
SupprimerOuf, un bol d’air, j’étais un peu en apnée !
RépondreSupprimerSeule l’amitié bloguesque m’interdisait tout commentaire acerbe ( pour le gros c’est une litote) envers les récents défunts dont auxquels qu’on porte aux nues.
Juste au souvenir qu’a la glorieuse époque d'Auteuil, l’ébauche d’un soupçon de doute sur la finalité de ce grand cirque te faisait passer inévitablement pour un péquenot de banlieue !
Par des chics banlieusards "neufdeux" qui n'avaient bien entendu qu'une idée romantique du ballon, mais vous l'aviez compris c'était le cœur de cible de notre merveilleux Max .
Allez, il a quand même montré souvent la lune, on n'a pas vu que son doigt!
Ah ah ah
SupprimerBien vu.
SupprimerSuis passé devant le Marigny hier. Fermé bien sûr.
En me disant qu'au beaux jours ça va bourgeonner