Le sport, pourrait-on écrire à notre tour, se constitue ainsi avant les lois naturelles pour nous construire ; nous apprendre l'effort et nous faire apprécier le réconfort, nous encourager à ne pas désespérer, à susciter l'adhésion par l'exemple de nos actions, à développer nos potentialités les plus profondément enfouies. Il est cette petite société en mouvement et nous aimons, une fois sa pratique éloignée par la faute d'articulations récalcitrantes, le chérir de loin, mise à distance qui va de la talenquère au canapé du salon. Sans jamais perdre le lien, finalement.
Ce lien est un tissu sonore filé d'imprécations et d'encouragements, de longs murmures et de hurlements éruptifs, qui nous manque cruellement quand l'action sans commentaire, le challenge sans émotion, le choc sans écho, deviennent notre quotidien. Au lieu d'être ce trait d'union vital qui nous éveille, le sport n'est alors qu'une façade, un déroulé obligé, une pantomime imperméable, quelque chose de désincarné qui ne parvient pas vraiment à nous nourrir.
La rumeur enfle et porte dans le vent mauvais l'annonce imminente d'un Tournoi des Six Nations reporté pour cause de variant anglais. Le huis clos ne suffit plus, la bulle sanitaire n'est pas assez hermétique, les risques de transmissions pour ce sport de passes et de contacts sont trop élevés pour le risque encouru d'accélérer le pire. Les solutions ricochent sur le mal et pourtant, vent debout, penchés sur un futur incertain, il nous faut continuer d'avancer.
Nous sommes ces personnages de Giacometti, dépouillés jusqu'à leur plus simple expression, "oeuvres solitaires silencieuses secrètes ; oeuvres graves nues décharnées perçues comme les résidus d'une lente consumation ; oeuvres vulnérables menacées travaillées et assaillies par des tensions et des forces qui ne connaissent aucun repos ; oeuvres austères abruptes crevassées par les doutes, interrogations, déchirements et échecs qui les ont engendrées ; oeuvres démunies fragiles tendues qu'un rien aurait pu réduire à néant ; oeuvres de l'affirmation invincible incarnant cette force et cette sérénité dont vit celui qui est remonté des enfers et fait front, enraciné en cette terre où prennent fin la menace et le temps", écrit René Char, lui aussi fort rugbyman.
Dans ce silence à marche forcée qui nous larde, j'entends sortir de l'écrin sans joyau le hurlement des coques et des voiles dans l'Atlantique en rut ; je vois comme des aimants glissants sur la porte du réfrigérateur ces bateaux effilés trancher dans les vagues et les lames. Ils sont regroupés, neuf en meute, soudains aimantés par l'arrivée en Vendée, empaquetés autant par instinct grégaire que hasard météo, sprint ultime après trois marathons des océans du globe. Fascinant.
A l'heure où je rédige cette chronique, ce pack de conquérants de l'inutile marin contourne par le nord et le sud les Açores et rien n'est joué ; ce dernier choix peut transformer le suiveur en vainqueur. Mais après tout, les tempêtes, les morsures, les doutes et les réparations, qu'importe le premier puisque la victoire se situe d'évidence dans l'objet du défi davantage que dans la lecture d'un classement où tous s'adjugeraient le trophée ex-aequo. Reste qu'après quatre-vingt jours de circumnavigation héroïque, il n'y aura personne pour les accueillir que leurs familles et leur staff, eux qui méritaient la foule après la houle.
Oh dis donc c'est le bruit et la fureur cette chronique ! J'adore ! Pas le temps là mais je ferai comme Mac Arthur : I will be back ! 🌺
RépondreSupprimerJ'y compte
SupprimerLa dignité de penser
RépondreSupprimer«Tout est dans le mot. Une idée entière se modifie parce qu’un mot a changé de place ou parce qu’un autre mot s’est assis comme un petit roi dans une phrase qui ne l’attendait pas et lui a obéi. Ils ont l’ombre, la transparence, le poids, les plumes, le poil, ils ont tout ce qui s’est ajouté à eux à force de rouler dans la rivière, de changer de patrie, d’être des racines. Ils sont à la fois très anciens et très nouveaux. Ils vivent dans le cercueil caché et dans la fleur à peine née. Oh ! qu’elle est belle, ma langue, oh ! qu’il est beau, ce langage que nous avons hérité des conquistadors à l’œil torve. Ils s’avançaient à grandes enjambées dans les terribles cordillères, dans les Amériques mal léchées, cherchant des pommes de terre, des haricots, du tabac noir, de l’or, du maïs, des œufs sur le plat, avec cet appétit vorace qu’on n’a plus jamais revu sur cette terre. Ils avalaient tout, ces religions, ces pyramides, ces tribus, ces idolâtries pareilles à celle qu’ils apportaient dans leurs fontes immenses. Là où ils passaient, ils laissaient la terre dévastée. Mais il tombait des bottes de ces barbares, de leur barbe, de leurs heaumes, de leur fers, comme des cailloux, les mots lumineux qui n’ont jamais cessé ici de scintiller. La langue. Nous avons perdu, nous avons gagné, ils emportèrent l’or et nous laissèrent l’or. Ils emportèrent tout et nous laissèrent tout : ils nous laissèrent les mots … »
Pablo NERUDA, les mots, Estravagario, 1958.
Olé
SupprimerJe ne connaissais pas ce texte de Neruda. Merci Tautor
SupprimerCe blog devient " rendez-vous chez Pivot "
RépondreSupprimerCest mieux que chez poivrot. Et puis il n'y a pas se mal à s'enrichir l'intellect par ces temps de disette.
SupprimerEntre l'intellect et le rire du à "poivrot" je suis gâté...merci Ritchie et tu as raison en ces temps difficiles le rire est une arme efficace
SupprimerDes échiquiers tournés en huis clos. Des situations surréalistes. Ou quand perdre les mots ne rime pas avec perdre les eaux et l'accouchement arrivant derrière... Un accouchement rendu silencieux par une péri durable d'un visrusse (ou chinois ?🤔) teigneux. Quand rien ne nous fait rien, la vie en laisse... Quelque chose qui fait rester sur sa faim. Une démo qu'on a assez vu. Des mots dans la tête mais des maux sur le terrain de la vie. Le vent des globes nous pousse t'il vers la bonne direction ? Comme dans l'art, on se pose des questions, on cherche des réponses, même en tournant en silence.
SupprimerPS * Pour en revenir à cette vie en liesse du retour de tournée océane globale monacale de ces marins du monde, il se dit qu'ils redoutent ce moment sur la terre ferme au milieu de la foule.
RépondreSupprimer"Nous tombons. Je vous écris en cours de chute. C'est ainsi que j'éprouve l'état d'être au monde."
René Char avait raison, même impression de chute pas vraiment douloureuse mais bon on tombe quand même, de charybde en scylla pour rester dans la métaphore maritime, chahutés d'un bord du covid(e) à l'autre, d'un confinement à l'autre un peu comme Céline et ses châteaux funestes .
Char encore : "Je n'entrerai pas dans votre coeur pour limiter sa mémoire, je ne tiendrai pas votre bouche pour l'empêcher de s'ouvrir sur le bleu de l'air et la soif de partir. Je veux être pour vous la liberté et le vent de la vie qui passe le seuil de toujours avant que la nuit ne devienne introuvable."
Plus rien n'est sûr pas même le Tournoi, c'est dire notre désarroi !
Et pourtant le poète nous dit bien de tenir bon et d'en profiter pour transmettre ce qui reste à donner :
"Tu es pressé d'écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance"
Autre littérature celle de Faulkner dans "Le bruit et la fureur" qui sait parfaitement nous inscrire dans la temporalité actuelle - et dont je reconnais la fièvre dans ta prose Ritchie - "Papa m'a dit que les pendules tuaient le temps. Il m'a dit que le temps reste mort tant qu'il est rongé par le tic tac des petites roues. Il n'y a que lorsque la pendule s'arrête que le temps se remet à vivre."
Voilà, arrêtons les pendules et que le temps revive , le temps d'un match, le temps dune course à la voile ... le temps qu'il reste ...
...Serge Reggiani, sa meilleure, enfin for me.
Supprimer"On nous apprend à compter les secondes, les minutes, les heures, les jours, les années... mais personne ne nous explique la valeur d'un instant".
Allez, le tournoi se déroulera à la raie, na !!🤣🤣🤣, foi de créanciers. Sacco Lorenzetti doit se remplumer...
Sinon, j'aime bien Pivot. Il aime bien le bojo... un peu Brouilly 😉
Après une après midi dédiée au skateboard, Arthur rentre chez lui. Il entre dans la cuisine, ouvre le frigo, en sort une bouteille à mi chemin entre le verre et le carton, souleve le pied gauche de ses sneakers et en referme la porte ; l’occasion pour lui de se baisser pour ramasser les quatre « magnets bateaux « tombés au sol et de les replacer rapidement sur leur support.
RépondreSupprimerAssis autour de l’îlot central devant son 4 heures, il partage avec Jules de deux ans son cadet, les vidéos prises quelques heures plus tôt sur ses performances nettement en voie d’amélioration sur 4 roues.
Derrière les rires des deux garçons à quelques encore nollies fastidieuses, la radio informe qu’Alex serait en tête du Vendée Globe
Ca change tout le temps!
SupprimerAllez, pour l'instant c'est Loulou .
On voudrait avancer d'un pas ferme vers un avenir meilleur mais nos pieds sont englués. Alors faisons preuve de résilience. Pour nous aider nous avons les mots pour se raconter et exister, et le sport pour s'évader
RépondreSupprimerVous êtes magnifiques. Quel plaisir de lire vos commentaires subtils et gracieux. Si si. Je vous assure. Vous prolongez mes pensées par vos phrases variées. Je vois quitte un court instant direction La Rochelle et l'anniversaire de mon père. A mardi soir...
RépondreSupprimerEt bien je trinquerais donc a distance avec ton Papa pour nos anniversaires respectifs, qu'ils soient les meilleurs possibles.
SupprimerAllez les verseau.
Mon fils le 26, moi le 27, un de mes frères le 29, neveux jumeaux le 29...
SupprimerBons anniversaires
RépondreSupprimer"Ferme tes yeux de chair pour contempler d'abord ton image avec l'oeil de l'esprit"[Auguste Rodin].
RépondreSupprimerCe Covid bouscule la chair et l'esprit avec comme effet secondaire une remise en question de l'humain, du moins des prémices. Il est dans ses chairs, mais a-t'il de l'esprit ? Peut-être en mutant... En tout cas, on tourne en bourrique.
Puisqu'on tourne en rond, j'ai trouvé ces 2 textes de José Saramago très beaux et intéressants :
RépondreSupprimer« Sur l’île parfois habitée »
(...)
Nous soulevons une poignée de terre et nous la serrons entre nos mains.
Avec douceur.
Elle contient toute la vérité supportable : le contour, la volonté et les limites.
Alors nous pouvons dire que nous sommes libres, avec la tranquillité et le sourire de qui se reconnaît et a fait le tour du monde infatigablement, parce qu’il a mordu l’âme jusqu’à l’os.
Libérons lentement la terre où se produisent des miracles comme l’eau, la pierre et la racine.
Chacun de nous est pour l’instant la vie.
Que cela nous suffise.
«Parabole»
Dans un noyau de mensonge
La vérité se tenait cachée
J’ai mis le noyau en terre
Une feinte vérité a germé
L’eau des yeux n’a pas manqué
À l’exubérance de ce palmier.
UN REGARD SUR LE MONDE (Extraits)
Ah mes amies et amis, c'est peut être inaproprié pour ce blog de reflexion et de fête, hier j'ai emmené avec ses enfants, mon gentil petit frère, 9 ans de moins que moi, à sa dernière demeure, âgé de 64 ans et pleins de projets, les veines ou artères du cerveau ont , disons comme éclaté,mort cérébrale, sans s'en rendre compte et dans ces cas rien de prémonitoire... la vie est injuste...
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup de compassion pour toi Georges . Nous pensons tous bien à toi .
SupprimerDe tout cœur avec toi Georges. Suis touché que tu partages ta peine avec nous. Toutes mes condoléances.
SupprimerCe n'est pas, je pense, un blog spécialement "de fête". Et je trouve que pouvoir nous faire part de ta tristesse ici est parfaitement légitime et naturel. Je pense bien à toi.
RépondreSupprimerPour avoir vécu le même genre de choses injustes, Georges, je comprends bien ta peine, et je pense à toi et aux tiens.
RépondreSupprimerJ'y mets mes joies, j'y mets mes peines,
RépondreSupprimeret tout ça ça devient le blog
De tout cœur avec toi Georges
La vie,est injuste pour un jeune âge, encore. Silence, on tourne 1 décès sur le vent du blog. Pensées...
SupprimerLe vent du blog
SupprimerJoli, Sergio
La nuit étoilée
RépondreSupprimerVincent Van Gogh
1889
Cher Georges , un blog c'est un lieu d'amitié ou l'on echange sur un sujet mais parfois l'amitié doit être plus forte que sujet , tu as bien fait de nous faire partager ton sentiment, comme une équipe dans un soir de défaite cruelle ... amitiés
RépondreSupprimerAmitiés, Georges dans ces moments difficiles.
RépondreSupprimerAllez Chevreuse
Bien avec toi, Georges.
RépondreSupprimerBernard
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerGeorges
RépondreSupprimerLa vue s'éteint pour laisser place aux souvenirs mais le coeur continue de nourrir tout l'Amour que tu lui portes.
Avec toi et au soutien
Tautor
en cette periode dinquietudes de peurs de pessimisme voila que pour parachever cette serie le deces soudain et cruel d un frere
RépondreSupprimersois fort georges
amities fraternelles
Charlie Dalin arrive premier du Vendee globe mais il faudra attendre le vainqueur au petit matin
RépondreSupprimerEt donc victoire de Bestaven..
RépondreSupprimerce qui m'épate , c'est qu'après 4 mois en mer , ils arrivent a 3 a 10 h de décalage ; ils font le tour du monde , ne se voit pas mais arrivent ensemble , pour le néophyte que je suis , c'est extraordinaire..est ce la technique d'aujourd'hui , cela se passerait de la même façon sans toutes ces techniques non de navigation mais de satellites ...
RépondreSupprimerJe pense tenir ma prochaine chronique
RépondreSupprimerL'ami Blondeau, p'têt?
SupprimerAllez Chevreuse
On voit le même resserrement en cyclisme, sur le tour de France, par exemple. Et il y a des explications.
RépondreSupprimerLa course est revenue a plus de simplicité, plus de navigation pour le marin.
RépondreSupprimerUne carte météo par jour et c'est tout, pas de routage.
Simplement les niveaux sont homogènes, les casses de certains grands favoris ont incité a la prudence , tout cela a nivelé les valeurs.
C'est toujours dommage que le premier ne soit pas vainqueur, ça nous rappelle le bon vieux temps des jauges, un truc british que personne ne pigeait,mais pour le coup rien d'illégitime, difficile de faire autrement.
Allez, je demande 24h de bonus, le Philippe mène un train d'enfer !