Le silence s'avère particulièrement propice aux pensées. Les nôtres sont de cuir, de sueur et de coton, ovales bien sûr, et se ramassent sur des feuilles. Reliées comme nous le sommes sur ce blog, les pages proposées livrent tout ou partie du rugby et, le cœur à l'ouvrage, abordons donc ici la deuxième et dernière partie de notre voyage en Ovalie commencé quinze jours plus tôt, qui doit nous amener à Uzerche mi-septembre, si le virus veut bien libérer le terrain.
L'idée du jour consiste, pour chacun des dix extraits présentés, à trouver l'auteur et le titre de l'ouvrage duquel il est tiré, le premier commentaire qui vise juste faisant foi. En regroupant les écrivains alignés grande tribune comme avant un match - aux côtés de Jean Colombier, Julien Capron, Jacques Verdier, Philippe de Jonckheere, Jean-Claude Lombard, Jacky Adole, Philippe Guillard, Adolphe Jaureguy, Georges Pastre et Serge Simon - vous disposerez sans aucun doute d'une bibliothèque idéale et, franchement, je n'ai pas trouvé mieux pour passer le temps qui nous est offert à notre corps défendant.
1- Le rugby c'est un monde (Jean Lacouture): "Le rugby frôlerait la bêtise s'il était pratiqué avec un ballon rond. Mais cet objet de forme absurde et gracieuse qui ne fait rien, en rebondissant sur une pelouse, de ce que peut prévoir un homme raisonnable, donne son ironie permanente à ce jeu de Celtes étourdis." Bravo à Gariguette.
2-Du ballon de rugby (Eric des Garets) : "Un ballon rond, par fatalité, roule mieux qu'un ballon ovale ; il est plus facile à saisir, moins caractériel, moins réfractaire ; il est évident, sans surprises. un ballon de rugby est plus volage, sauvage, incertain. Ses extrémités, souvent, décident de son sort." Point pour Lulure.
3-Quat' Saisons (Antoine Blondin) : "Plus tard, à Twickenham, dans la banlieue de Londres, je reconnus, pudique et furtive, la longue file rubiconde des gentlemen de quinze heures moins le quart qui font des lavatories de La Mecque du rugby le plus haut lieu de la compétence joviale en matière de vessie, sous quelque forme que ce soit, et surtout ovale." Point pour Gariguette.
4- De la belle aube au triste soir (Christian Montaignac) : "C'était un dimanche de pluie et de suie, un dimanche poisseux de cimetière de banlieue. La ville était grise comme au sortir d'une trop longue nuit. A Bordeaux, une finale de championnat de France de rugby était annoncée entre Biterrois et Toulonnais, entre jeunes combattants et vieux guerriers. Elle se jouerait entre chiens et loups. Et laisserait, avec le temps, comme un goût de rage." Point pour Gariguette.
5- Les contes du rugby (Henri Garcia) : "Les voies qui mènent à la renommée sont impénétrables, elles aussi. Le chemin de la sagesse et de la fidélité, comme celui de la prodigalité et de fantaisie, peuvent pareillement conduire au sommet, à la seule condition que le pèlerin soit un grand seigneur. Et, juste volonté du destin, c'est le rugbyman qui fit le moins pour rester au pinacle, qui est toujours reconnu comme le plus grand." Le point pour Oliv1979.
6- Adios (Kleber Haedens) : "On allait jouer une touche. Je m'approchai vivement de l'action, dévorant des yeux les préparatifs de la remise en jeu et, je ne sais comment, je vis Guitter qui me signalait de la main que je me tenais trop près des trois-quarts. Déjà je n'étais plus en étant d'entendre personne. il n'y avait pas de Guitter qui tienne. Je ne ressentais plus qu'un besoin farouche de m'emparer du ballon." Point pour Lulure.
7- La forme d'une ville (Julien Gracq) : "La vague des trois-quarts, qui, à chaque fois qu'elle s'enflait, me faisait battre le cœur, venait mordre une dernière fois, à l'extrémité de son déferlement, la ligne blanche ; je redescendais, un peu ankylosé, la tête vague, de mon échelle, qui me rendait à la rue, ainsi que le dit Hemingway, que j'aime toujours ici à citer, "aussi vide, aussi changé et aussi triste que n'importe quelle haute émotion." Ces émotions fortes restaient coulées en moi à fond, nul ne les partageait." Point pour Gariguette.
8- La clique du café Brebis (Pierre Mac Orlan) : "Le soir, autour de la table où fumait le thé dans des porcelaines parfois très anciennes, nos grandes sœurs et les amies de notre grandes sœurs colportaient notre gloire... Parce que, malgré tout, un joueur de rugby est quelqu'un de plus mystérieux et de plus distingué qu'un joueur de barres, en bras de chemise, craintif, pour avoir marqué, dans une chute, les genoux de son pantalon." Point pour Gariguette.
9- Quand j'étais Superman (Raphaël Poulain): "Un coup d'électricité suivi d'une lame de couteau me transpercent la hanche. Un muscle vient de péter. Je préfère sortir la tête basse sous le regard étonné de mes coéquipiers. Je quitte le terrain et me retrouve seul, une fois de plus, dans les vestiaires. Je ne suis pas triste, jute dégoûté par ce corps qui n'en pleut plus de charger et qui vient de me faire comprendre pour la huitième fois cette année qu'il ne veut plus souffrir." Un point pour Sergio.
10- Short Stories (Benoit Jeantet) : "Ce sport à ses yeux noble entre tous, et en apparence, mais en apparence seulement, fait d'un tas de rixes à rallonge et de raccourcis préhistoriques, n'était au fond que maîtrise des corps et tempérance des caractères le plus souvent caractériels au civil. Il n'aimait rien autant que tout cet agrégat de muscles impliqués dans beaucoup d'imbrications savantes et presque aussitôt désagrégés en un gros lego gluant où s'engluaient, pas si sommairement, la somme impatiente de toutes les passions." Un point pour Gariguette.
Lors de la première période, Gariguette, Sergio et Lulure s'étaient particulièrement illustrés pour former un podium de fins lettrés. Gariguette a de nouveau dominé le sujet, Lulure et Sergio en embuscade et Olive1979 intercalé. Joli défi relevé en deux jours ! Dans la perspective de notre cinquième Quinconces qui se déroulera là où luit la Perle de Corrèze, vous tenez les vingt ouvrages à lire ; de quoi garnir le premier rayon de votre bibliothèque idéale et ovale.