vendredi 28 novembre 2025

Mias à l'honneur


Novembre s'enfuit, et avec lui ses petites moustaches et ses tests-matches desquels paraît bien compliqué d'extraire un enseignement d'une Coupe du monde l'autre. En d'autres temps, qualifiés d'amateurs même s'ils n'en possédaient pas toutes les vertus, les joueurs du XV de France, leurs supporteurs et les observateurs se seraient satisfaits de deux succès d'automne devant les Fidji et l'Australie, et d'une défaite face à la meilleure équipe du monde, ces Springboks impossibles à détrôner depuis une décennie. Les traits sidérants de Louis Bielle-Biarrey sur son aile et la sublime percée du prometteur Kalvin Gourgues digne des plus zélés trois-quarts centres de l'histoire tricolore auraient pu éclairer d'un large sourire le visage de critiques abasourdis par l'humiliation subie en supériorité numérique par un XV de France de faible envergure et de peu de caractère.
Mais l'objectif avoué de Fabien Galthié et de son staff reste le titre mondial à l'horizon 2027, et vous ne trouverez pas un connaisseur du rebond ovale digne de ce nom susceptible de proposer, considérant ce but, une analyse optimiste. En effet, même avec beaucoup de bonne volonté, il est bien difficile sinon impossible de distinguer un style de jeu affirmé dans le remugle proposé cet automne. La dépossession - envoyer le ballon chez l'adversaire pour mieux l'étouffer - n'a jamais été aussi imprécise, la défense aussi perméable, la conquête en mêlée aussi chahutée, et encore ai-je ici par charité employé un euphémisme. 
A la lumière du contenu d'un bilan sportif dont Galthié lui-même avoue qu'il n'est pas à la hauteur de ses attentes, j'en viens à me demander si cette équipe de France ne manque pas de densité mentale et d'une étoile à laquelle accrocher sa charrue. Personnage charismatique des années 50, Lucien Mias rappelait qu'il n'y a pas de grande équipe sans vertus hormonales. Les internationaux actuels seraient bien inspirés de lire la biographie qu'a consacré à Docteur Pack le journaliste Gilles Navarro, parue aux éditions Privat, ouvrage récompensé mercredi 26 novembre par le prix La Bibliotèca du meilleur livre de rugby de l'année 2025.
Pour sa quatrième édition, le jury, présidé par le sénateur Philippe Folliot, ancien talonneur du XV parlementaire, a choisi de mettre en valeur l'histoire si peu ordinaire d'un des capitaines les plus emblématiques de l'équipe de France, qu'il hissa au sommet du Tournoi des Cinq Nations après avoir dominé les Springboks chez eux l'année précédente, en 1958, écrivant le premier grand chapitre d'une histoire qui ne demande demain qu'à être couronnée par le trophée Webb-Ellis. Mais on perçoit bien qu'il y a encore beaucoup à faire pour qu'un tel épilogue s'inscrive en point d'orgue.
Si les grandes équipes ne meurent jamais, faisait dire à raison au pilier néo-zélandais Wilson Whineray le journaliste Denis Lalanne un soir de lourde défaite tricolore face aux All Blacks en 1961 à Auckland, elles mettent parfois du temps à se construire. En ce qui concerne la France, rarement depuis 2011 sélection nationale ne fut à ce point larguée du peloton de tête au point d'additionner de rang trois éliminations dès les quarts de finale d'une Coupe du monde. Dans un autre sport collectif d'envergure, pareille désillusion aurait généré beaucoup d'inquiétude et de questionnements. On peut se demander ce qu'à fait Fabien Galthié, en poste depuis 2015 comme adjoint puis entraîneur en chef, pour bénéficier d'autant de mansuétude.
Il faudrait peut-être, qui sait, placer un Mias dans le moteur pour revitaliser cette équipe de France qui aligne les prestations sans parvenir à réaliser de performances. Mais existe-t-il, l'homme qui pourra réveiller les consciences et booster les énergies à deux ans du prochain Mondial ? Pour aider les jeunes générations à mieux cerner le leader qu'il fut, on se souviendra que sous la férule de Mias les Tricolores déroulèrent le "demi-tour contact" au moment d'aller défier balle en mains l'adversaire sur la ligne d'avantage, innovation tactique qui ouvrit en deux les défenses au ras des phases de conquête.
Et pour rester au diapason, les trois-quarts à la baguette desquels officiait le Lourdais Roger Martine peaufinèrent leurs transmissions au point d'annihiler les vigoureuses montées défensives adverses. Ce cocktail n'avait qu'une vocation : protéger le ballon pour mieux le faire vivre. Tout cela, et bien d'autres choses encore, se retrouvent dans l'ouvrage de Gilles Navarro, hommage à un homme hors-normes qui se mit au service de la médecine avec autant d'humanité et de bonté qu'il avait instillé de fougue raisonnée dans le rugby, que ce soit à Mazamet ou avec les Tricolores.
Salon Napoléon, au Sénat, de gauche à droite : Emmanuel Massicard (Midi-Olympique), Jean Colombier (Prix Renaudot 1990), Max Armengaud (Villa Médicis et Casa de Velazquez), Jean-Christophe Buisson (Le Figaro Magazine), David Reyrat (Le Figaro), Laura Di Muzio (France-Télévisions), Gilles Navarro (lauréat 2025), Philippe Folliot (sénateur du Tarn), Pierre Berbizier (ancien demi de mêlée, capitaine et entraîneur du XV de France), Marie-Dominique Hérail (secrétaire du prix La Bibliotèca), Richard Escot (ex-L'Equipe) et Benoit Jeantet (lauréat 2023).

5 commentaires:

  1. Je vais avoir l'honneur d'ouvrir le bal ; Richard ton bel article que nous apprécions risque de ne rien dire au moins de 50 ans , car qui se souvient de Lucien Mas de Mazamet , de roger Martine de Lourdes ; seuls ceux qui sont né en 50 comme moi ou ceux qui aiment le rugby et son histoire comme toi ...
    Mais tu as raison, il ne faut jamais oublier l’histoire car c'est grâce à elle quand on est intelligent que l'on construit le présent et le futur ; je vais faire une petite digression , je pense que nos hommes politiques sont passés en classe d'histoire de l'homme à Néandertal a l'an 2000 , ignorant tout de 3000 ans d'histoire qui ont construit le monde dans ses créations et ses négations...
    Pour ne pas se contrarier , revenons au rugby ; oui galthié doit avoir une protection haut placé pour ne pas sauter , à moins d'avoir un contrat cousu d'or qui empêche la fédé de le virer , je pencherai vers cette deuxième hypothèse
    car la fédé est non ruiné mais faible du coté des finances et verser 1 a 2 millions de dédommagement ne peut se faire , car le sieur galthié ne laisserai pas les prudhommes tranquilles ...
    Une fois cela posé , il reste que les joueurs comme en 2011 peuvent prendre le pouvoir , en ont ils les cojon...?
    Il me semble qu'un Olivon et aldritt peuvent a eux deux être la moitié de Lucien Mias , mais aujourd'hui même la moitié de Lucien Mias serait apprécié pour construire une identité a cette équipe ....
    Nous avons été nourris des épopées magnifique des équipes des années 50 et 60 ....qui ne se souvient pas de Jean Prat porté sur les épaules de ses adversaires Gallois ; quel image ,merveilleuse et pourtant j'étais petit , très petit à l'époque , mais tel Napoléon à Arcole , je sais que Jean Prat a été un général victorieux ; c'est cela connaitre l'histoire de son pays et de son sport ....Moi qui ai pratiqué le tennis , je vous une admiration pour Rod laver , jhn Newcombe et tony roche , mais qui les connait aujourd'hui ...a part les vieux "ronchons" comme moi ...Bises du gers pays de rugby et des champs

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  2. J'étais à Roland Garros en 1962 pour les 1/2 finales Laver-Fraser et Santana-Emerson. La nouvelle, si j'en écrivais une, serait longue à raconter mais, au final et pour faire bref, ma remarque ne fait que confirmer le diagnostic de Marc.

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    1. Quels joueurs , André tu as eu une belle chance de voir Santana , Laver et Emerson ...quels champions !!!!
      Raconte nous s'il te plait !

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  3. Tout à fait d’accord avec toi Richard. L’EDF en est réduit à des exploits individuels pour gagner. Un avis de recherche devrait être lancé pour retrouver, trouver... un fond de jeu. Quand à la pérennité de Galthier, le monde du rugby s’interroge toujours. La méthode Couet doit lui servir de livre chevet pour le titre en 2027. Peu de pratiquants y croient. Que les dieux de l’ovalie soient avec nous !

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