vendredi 29 décembre 2023

ça, c'est 2024 !

La vieille année s'en est allée et le passé ne se recompose pas. La litanie d'échecs successifs depuis 1987 dans ce qui est devenu la référence absolue en matière de consécration doit maintenant nous parer de sagesse, car pour nourrir autant de regrets que de fierté, il nous faut malheureusement remonter très en amont, en 2011, le scandale arbitral désignant le Sud-Africain Greg Joubert et ce dernier ballon perdu par le néophyte Jean-Marc Doussain à trente-cinq mètres de l'en-but néo-zélandais trois minutes avant la fin. La suite - 2015, 2019, 2023 - consiste à oublier humiliation, frustration, déception, et le fardeau commence à peser.
Après avoir été mis comme jamais dans des conditions idéales pour décrocher le titre mondial, le XV de France va devoir réapprendre l'humilité en évitant de répéter le chapelet d'erreurs - préparation physique déficiente, compositions d'équipes discutables, stratégie indécise - qui lui a tenu lieu de viatique, l'année dernière. Se débarrasser aussi des chiffres et des statistiques dont on sait qu'il est possible de leur faire dire tout et son contraire. 
Espérons que le rugby français n'aura plus à fréquenter les tribunaux et que le prochain champion de France saura, comme le Stade Toulousain, extraire le meilleur de son jeu et ses plus belles inspirations. Qu'avant cela, le 2 février, le match d'ouverture du Tournoi des Six Nations face à l'Irlande à Marseille nous permettra d'admirer une jeune génération, celle qui sait gagner, dont les fleurons ont pour noms Tuilagi, Gazzotti, Gailleton et Depoortere, promesse d'un renouveau à condition que le staff tricolore veuille bien transformer l'équipe de façon conséquente. On attend de Fabien Galthié et de son nouveau staff qu'ils arment la flèche du temps à laquelle ils tiennent tant, pourquoi pas, mais alors qu'ils visent juste, cette fois-ci.
Réjouissons-nous, le  Top 14 rebondit jusqu'au 7 janvier. Ce Championnat, qui est depuis toujours le point fort du rugby français, est aussi depuis au moins deux décennies son point faible, si l'on regarde à travers la focale tricolore : saison très (trop) longue et donc phases de régénération et d'athlétisation réduites d'autant, jeu presque partout stéréotypé, rythme peu élevé loin des canons du genre, recrutement intense d'internationaux étrangers limitant les places offertes aux jeunes pousses capables d'enrichir le XV de France...
Mais ne sommes-nous pas tous Basques et Catalans ? J'ai aimé, samedi et dimanche dernier pour fermer 2023 la force et la furia symbolisées par l'Aviron bayonnais et l'USAP, que ce soit à domicile dans un stade Jean-Dauger chauffé par le chœur des supporteurs ou à l'extérieur sous la pluie froide tarnaise qui doucha le public de Pierre-Fabre. Parvenir à se sublimer, faire corps, fendre l'adversité, s'unir pour une cause plus grande que la seule victoire, croire en soi et aussi en ses coéquipiers, ne jamais rien lâcher, c'est donc à ça, si nous le voulons, que ressemblera 2024 ! 

jeudi 21 décembre 2023

Débordons d'amour pour ce jeu

Une photo vaut mille mots, et celle-ci nous entraîne dans sa pente. Elle nous permet de retrouver nos racines et nos ailes, car la passion a besoin d'être régulièrement alimentée. C'est ce qu'a compris Benoit Jeantet en écrivant Le ciel a des jambes, récemment récompensé par le prix La Biblioteca pour l'année 2023 écoulée, recueil de nouvelles publié aux éditions du Volcan. Une façon de tourner la page en glissant ce baume littéraire sur les plaies des mois passés. 
Ce jeu de rugby que nous aimons tant ne vaut pas que nous endurions mille maux. XV de France éliminé, explications tronquées, arbitres menacés, mais aussi fédération française déficitaire et clubs amateurs en difficulté obligés de fusionner pour survivre. Et maintenant, après le GPS cousu dans le dos et les cameramen qui entrent sur le terrain durant les arrêts de jeu, les décideurs souhaiteraient placer des micros dans le col des joueurs afin qu'ils nous fassent profiter de leurs commentaires durant le match ! 2023 n'est pas encore terminé qu'on se demande déjà dans quelle impasse 2024 va nous laisser.. 
Restent heureusement quelques pépites à savourer, comme cette victoire spectaculaire et tellement rafraîchissante du Stade Toulousain sur la pelouse rabougrie du Stoop Memorial des Harlequins, club dont Jean Prat fut, jusqu'à sa disparition en 2005, membre d'honneur. Et il n'y a bien que les champions de France en titre pour porter à incandescence le jeu debout, qui est encore la meilleure façon de ne pas se faire pénaliser dans les rucks.
On se demande d'ailleurs pourquoi, après avoir sélectionnés Ramos, Dupont, Jelonch, Cros, Flament, Baille, Mauvaka et Aldhegeri lors du dernier Mondial, le staff tricolore n'a pas eu l'idée lumineuse de privilégier ce mode d'expression balle en mains plutôt que de chercher une hypothétique voie de secours dans une approche qui alternait dépossession et temps de jeu frontaux, et ne mena qu'à la défaite en quarts de finale - certes d'un rien, deux points pour l'emporter -, mais fiasco quand même, avec ou sans datas pour justifier l'intenable.
A quoi ressemblera 2024 sur le blog ? J'avoue m'interroger. Si j'apprécie la pugnacité de fidèles commentateurs comme Serge Aynard, Christophe Bedou, Jacques Labadie et Jean-Lou Dresti qui font vivre notre espace ovale en l'alimentant d'idées parfois étincelantes et souvent de belles tournures épistolaires, il serait souhaitable que ce club-house virtuel accueille comme ce fut le cas il y a peu d'anciennes gloires et de vertueux écrivains qui, lecteurs assidus à visage découvert,  n'osent pas - ce sont eux qui l'avouent - pousser la porte, ouvrir leur clavier et déposer ne serait-ce qu'un petit bout de prose ovale.
Il faudra bien dépasser cette réserve en ces temps de rugby difficiles, tendus, anxiogènes, où chacun croit détenir la vérité - économique, médiatique, financière, sportive -, des temps où l'image prévaut, celle qu'on nous sert, celle qu'il ne faut pas écorner sous peine de s'aliéner des joueurs devenus divas et qui semblent s'intéresser bien plus au reflet qu'ils monnayent plutôt qu'à l'exemple qu'ils devraient inspirer.
Débordons d'amour pour ce jeu de balle ovale tel que pratiqué à Rugby, du temps où les joueurs étaient maîtres d'eux et des règles. En cette période de fêtes, joyeux Noël, donc, et bonne année nouvelle. Vous avez déjà commandé Côté Ouvert (éditions Passiflore) chez votre libraire préféré et je vous en remercie du fond du cœur. L'autre cadeau que j'aimerais vous offrir est emballé dans un supplément d'envie, écrin de verdure encadré par deux poteaux un peu penchés comme nous portons un regard. Lisez, écrivez, jouez, passez pour mieux revenir d'un crochet intérieur. Ce cadeau, c'est notre altérité symbolisée par le "plus un", phrase de jeu qui dessine nos décalages en bout de lignes.