mercredi 3 juillet 2024

Un pour tous

Le rugby a, depuis longtemps, - et au-delà du cas particulier de la balle ovale le sport en général - associé la loi du sang et celle du sol. Argentins, Tongiens, Ecossais, Anglais, Australiens, Japonais, Américain, Espagnol, sans oublier un Français évoluant pour l'équipe nationale d'Italie, illuminèrent la dernière finale du Top 14 remportée de façon spectaculaire par le Stade Toulousain face à l'Union Bordeaux-Bègles dans un stade vélodrome porté à incandescence. Œuvre au rouge, au noir et de toutes les couleurs que cette rencontre - le mot est beau - dans la nuit marseillaise dont on sait qu'elle porte à toutes les exagérations.

La première édition de cette quête du Bouclier de Brennus en 1892, et celles qui suivirent, associaient sur le terrain Brésiliens, Péruviens, Anglais et Allemands, tandis qu'en coulisses, un Ecossais, Cyril Rutherford, et un Américain, Allan Muhr, tentaient de rallier à la cause du rugby français le sévère aréopage britannique qui était alors à la tête de l'IRB, réfractaire à l'entrée d'un peuple Bandar-Log - c'est ainsi que Rudyard Kipling que l'on qualifie généralement d'humaniste décrivait les Français - sur la scène internationale. Il y parvinrent. Merci à eux.

Avant de venir au monde en janvier 1906, le XV de France portait donc en lui un métissage salutaire. Et il a continué dans la foulée. Il n'y a qu'à se rappeler du capitanat d'Abdelatif Benazzi en 1996, pour ne prendre qu'un seul exemple qui signale qu'en rugby les frontières sont abolies, et je ne parle pas là seulement de barrières géographiques. Je pourrais évoquer aussi la Nouvelle-Zélande, qui trouva au XIXe siècle dans la pratique du rugby le lien capable d'unir colons et maoris sous un même maillot pour le résultat que l'on connait, rehaussé hier par la diaspora samoane et aujourd'hui par l'immigration tongienne et fidjienne.

En ces temps troublés où, au pays des Lumières, le rejet de l'autre fait malheureusement débat, où le droit à la différence - religieuse, sentimentale, etc. - est bafoué au nom de principes conservateurs et rétrogrades, il est bon de se replonger dans ce qui fait société. Eduqué dans mes jeunes années selon les principes de liberté, d'égalité et de fraternité au sein d'un club de rugby, - comme tous les lecteurs de ce blog, j'imagine -, j'ai compris très tôt que ce qui nous rassemblait en tant que partenaires d'une même équipe était beaucoup plus fort que ce qui nous éloignait par ailleurs.

Mais surtout, j'ai éprouvé au plus haut point la notion d'émancipation par le collectif à travers la solidarité et l'équité. Tous pour un, un pour tous, écrivait le coach Alexandre Dumas au tableau noir. Etre là où se trouve le ballon mais aussi l'autre, l'équipier, ou plutôt le coéquipier, celui avec lequel on partage le jeu. Donner et recevoir. Ne jamais s'accaparer le ballon mais le transmettre. Autant de valeurs qui deviennent au fil des matches des vertus. Accepter, aussi, le nouveau venu, celui qui vient pour jouer avec nous, l'intégrer, lui faire place. S'apercevoir qu'aussi fort qu'est le meilleur d'entre nous il n'est pas grand chose sans ceux qui l'entourent.

De tous temps, l'équipe de France a tendu la main à ses adversaires. Elle a aidé les nations éloignées du courant britannique dominant à émerger, je pense ici à l'Argentine - où elle est actuellement en tournée - mais aussi à l'Uruguay, dont elle a soutenu l'éclosion ovale et pour lequel elle a trouvé un rendez-vous en milieu de semaine. Chili, Brésil, Maroc, Tunisie, Algérie, Madagascar, Espagne, Portugal, Italie, Roumanie, Russie et Géorgie, entre autres, doivent beaucoup au rugby de France. A l'heure où s'érigent des clôtures afin d'empêcher les voyageurs de traverser une planète qui, rappelons-le, n'appartient à personne en particulier, il est bon de savoir que notre patrie, c'est le rugby.

20 commentaires:

  1. Etre là avec l'autre ou ne pas être là,
    Etre là, par êtres,
    Être là pour paraître,
    Pas de métaphysique mais un principe de vivre ensemble sans être spécialement mousquetaires, mais loin des mousquetons.
    Sous un même maillot, mais loin du rouge sang et du noir de la guerre.
    Et toujours pareil, côté ouvert pour faire vivre le ballon, l'espoir,
    côté fermé, les passages en force, les 49-3, taper en touche.
    Bataille des mots et celle des maux aussi.
    Où l'on voit, au-delà EDF qu'il devient de plus en plus coûteux de s'éclairer correctement par ces temps qui ne courent pas dans le même sens.
    Raisins blancs, raisins noirs c'est comme un mauvais mildiou qui s'attaque à la vigne, ces derniers temps...


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  2. Lunettes un brin roses? Pas certain qu'en rugby les frontières s'abolissent si facilement. Pour reprendre l'exemple de Benazzi, j'ai cru comprendre que beaucoup de ses partenaires d'Agen n'ont pas aimé le voir débarquer dans son nouveau club, et le lui ont fait lourdement sentir. Dont certains de ses futurs partenaires en EdF. Ne nous voyons pas trop beaux. Même le Sud-Ouest se met à voter pour l'extrême droite.

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  3. Je sors du rugby simplement pour dire mon admiration pour cet anglais de l'île de Man Cavendish , qui hier a 39 ans a réalisé l'exploit de battre Monsieur Eddy avec 35 victoires ....il a quitté le tour la dernière et tout le monde espérait une dernière apparition sur la grande boucle ..."veni vedi vici" ...quelle victoire et quel sprint ..MAGNIFIQUE

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  4. Sur le pré, l'herbe fait 2/3 cm. Impossible de se cacher, de mentir, de se mentir... Est-ce que cela fait de nous des Hommes meilleurs ? Je le crois, sincèrement. Est-ce que cela fonctionne pour tous? Non, assurément pas.
    Comme c'est compliqué d'être un homme bien dans un monde d’hypocrite... Tous au rugby!, cela ne sauvera pas le monde, mais c'est déjà une bonne base pour essayer 😁

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    1. 2 cm , chaussures moulées alors, Xavier, nous c'était les18 toute l'année, gadoue de 10cm,l'herbe, oui, un peu en début de saison !
      Ou alors chez les gendres idéaux du Racinge, du Puque ou autre Stadalonszenfants .
      Ces cons la les craignaient un peu, nos semelles de banlieue , pas trop pour le joli gazon parigot d 'ailleurs , comment leurs donner tord !
      Allez, hors sujet, d'accord.

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  5. Tous les politiques (certains l'ont fait) auraient du jouer au rugby et bénéficier du partage au sens large exposé ci-dessus.

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  6. Après, hommes meilleurs, je veux le croire, partage et amitiés pour la vie aussi.
    La cohésion des peuples sous le long nuage blanc,l'inspiration de Mandela , et pas que,voilà bien la gloire du Rugby, ses hauts faits d'arme.
    Pour autant , bien peu protégé par ses fameuses valeurs, vendu souvent pour un plat de lentilles, avalé par cette société qu'il était sensé éclairer, j'ai bien peur de l'aliénation pour notre cher ovale.
    Plus de braillards en tribune que de gaillards sur le pré, c'était pas le but !
    Allez, ça va passer.

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  7. Sympa de savoir que cette chronique a été la plus lue de ces six derniers mois. Il faut dire que nous entrons dans le money-time...

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  8. Ben voilà l'oeil est dans le tour, où quelques french risquent le bout du nez histoire de faire péter des couleurs plutôt endolories en d'autres moments politico-sociaux des plus compliqués.
    En plus rond, Deschamps et ses mecs assez exaspérants aussi.
    Plus intéressants les olympiques de Thierry Henry plus vifs et dans la profondeur que les ronrons des nationaux (pas dit nationalistes).
    Sinon, des U20 dans les montagnes russes contre les baby blacks. Du talent, des arguments pour le haut du pavé mais encore trop d'approximations.
    Déjà dit mais qu'est allé faire Calvet à Agen avec (je tairais le nom d'oiseau) Aldigé ? Rémunération plus intéressante certainement.
    Allez, l'eau limpide encore compliquée...

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    1. Le tour dans les cépages pas du tout oubliés aujourd'hui.
      Allez les Côtes

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  9. Retour ovale avec ces tournées de trop ou pas. Les blacks passent d'un brin de fougère devant les anglais perdant d'un pétale. Les gallois pas au niveau des australiens pas au niveau des blacks et anglais.
    A Mendoza capitale vigneronne argentine, point de cépages oubliés à part B. Serin, mais de jeunes plants dont on attend que la récolte apporte de bonnes espérances.
    Située en hauteur, ça promet quand même d'être chaud pour les fesses des pampres françaises.
    Comme ce W.E. particular loin d'être un pour tous.

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  10. Bien payés encore les Bocks, sur ce coup !
    Solides mais foutraques, un peu sur l'alternatif aussi ,p'têt l'exemple du réseau électrique !
    Sauvés par Kolbé encore, leur Monsieur +.
    Des Irlandais plus organisés, comme d'hab, bien malheureux d'un essai refusé ,d'un autre de pénalité plutôt vite concédé dans une fin de match improbable.
    Allez Chevreuse

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  11. Belle et evidente victoire ces joueurs ne sont pas la relève mais de véritables concurrents
    Les pumas félin sans griffes

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    1. Ben oui, belle surprise !
      Pas trop inquiet sur la première ligne, non plus derrière ou ça va vite, j'étais plutôt réservé pour la deuxième ligne, et surtout les jeunes flankers.
      Pas encore vu le match mais content de voir le réservoir se remplir encore un peu plus.
      Allez, c'est le but.

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  12. Même si leur mêlée a été plus dominante, des boks brouillons, toujours aussi raides dans le combat, et qui s'en sortent pas mal ainsi qu'avec l'arbitrage par moments...

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  13. Au final, avec 2 essais refusés, des faits de jeu (l'essai de Kolbe) évitables, je trouve que l'Afrique du Sud s'en tire plutôt bien. L'Irlande est toujours aussi solide et se renouvelle dans ses joueurs sans changer de style de jeu.
    C'est pareil pour l'Af-Sud (sauf qu'eux ne changent pas de joueurs !).

    Pour ce qui est de nos jeunes (et moins jeunes) français, on voyage toujours bien; on a quand même un réservoir de joueurs impressionnant depuis 5 ans, et à tous les postes. De quoi se demander pourquoi avec ça on arrive pas à être plus performants qu'on ne l'est, et à convaincre Galthié de faire bien plus tourner qu'il ne l'a fait ces dernières années. Gailleton est un futur patron de défense en puissance, le cinq de devant a fait reculer la mêlée argentine tout le match (et y'en a pas beaucoup qui peuvent s'en targuer...), la 3ème ligne défend et court tout autant, il y a du talent dans toutes les lignes et une fraîcheur de jeu bienvenue. En face, pâles argentins, sans consistance; le prochain match sera intéressant, il y aura forcément réaction.

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  14. Ah ben dis-donc, Jaminet perd son siège !
    Allez Chevreuse

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    1. Mouais, à mon avis ça va devenir ce que l'on appelle un sortant...
      Décidément, depuis dimanche dernier, y'a comme un naturel qui sort du bois sans vergogne.

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  15. S'en passe des choses sous le casque quand-même..
    C'est le fromage français qui va pas bien avec le vin de Mendoza.

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  16. Puisque c'est à la mode de publier ses pensées les plus sordides sur les réseaux sociaux et encore plus à la mode de les débusquer, et les relayer sous l'excuse de la dénonciation, ça serait bien en effet de comprendre tout ce qui s'est passé au sujet du besoin de Melvin Jaminet de se filmer en train de dire ça.
    Bien sûr de tenter de comprendre pourquoi il dit ça. Et quand ça été fait. Une vieille vidéo présente sur son téléphone qu'il publie par erreur?
    Il semblerait qu'il soit en état d'ébriété.
    Faut-il interroger la maman? Quel lien entre "faire la fête" et "le premier que je croise, je lui mets un coup de casque "?
    Ça ressemble beaucoup au sens de la fête de certaines personnes: fête = alcool + bagarre, agression gratuite à caractère raciste, homophones, etc. plus ou moins assumé.
    Pipiou et Sergio nous ont soumis des "conditions" possibles pour cette "expression décomplexée".
    J'en rajoute une autre. "L'esprit rugby en Argentine" au risque de faire un fâcheux raccourci et de fâcher Richard.
    Espérons qu'il pourra "purger sa peine", s'engager sur des actions utiles pour combattre ce fléau et revenir dans quelque temps, en club et en équipe nationale.
    Comme eux:
    "Hitler", "bonnes", "nègres"... Ces tweets pour lesquels Petti, Matera et Socino risquent gros https://actu.fr/sports/rugby/pro/hitler-bonnes-negres-ces-tweets-pour-lesquels-petti-matera-et-socino-risquent-gros_37817469.html
    Quand je parle de manière volontairement provoquante de "l'esprit rugby argentin" c'est parce que j'ai immédiatement fait le rapport entre ce cocktail "alcool, besoin d'agresser physiquement un inconnu" et ce fait divers tragique :
    Argentine : prison à vie pour les rugbymen amateurs jugés pour le meurtre d'un étudiant
    https://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Argentine-prison-a-vie-pour-les-rugbymen-amateurs-juges-pour-le-meurtre-d-un-etudiant/1379279

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