vendredi 4 avril 2025

Ne pas oublier


C'est un grand service que de voyager en quête d'un ballon ovale, comme récemment dans les Midlands. Le rugby procure davantage d'attraits que n'en a la religion, même si les deux s'associent très bien, il suffit pour cela de mettre les pieds en Nouvelle-Zélande. La racine étymologique - "ce qui relie", colle parfaitement à la communauté que nous formons. Alors quand l'occasion s'est présentée d'un pèlerinage - un de mes cinq piliers - à Rugby, situé à une portée de drop-goal des Jardins de Franklin où j'étais désigné pour raconter l'ouverture de la phase finale de Coupe des champions entre les Saints et les Bibs, il aurait été dommage de s'en priver.
Rugby, son université, sa rue Arnold, son Big Side, la statue de Webb Ellis, celle de Thomas Hughes - il faut lire Tom Brown's schooldays, le moment et l'endroit où tout avait commencé, puisqu'il faut croire la légende et l'imprimer quand elle est plus belle que la réalité. Que s'est-il passé ? Est-ce là, vraiment ? William Webb Ellis plutôt que Jem Mackie, le bon et la brute. L'homme d'église est enterré à Menton, autre pèlerinage, l'autre, personne ne sait ce qu'il est devenu. Les dirigeants de la RFU ont fait leur choix, il y a un siècle de cela en décidant de l'origine du mythe. C'est gravé sur le marbre incrusté dans le mur d'enceinte de l'université - on dit College en Angleterre.
Le rugby n'est pas seulement un sport, c'est un état d'âme, écrit le journaliste Henri Garcia qui le premier en 1950 effectua des recherches dans cette ville de briques rouges du Warwickshire pour le compte de L'Equipe, avant d'alimenter le premier chapitre de sa Fabuleuse histoire du rugby. C'est aussi un état d' esprit, constatons-nous après avoir pratiqué ce jeu. C'est surtout un projet d'éducation, si l'on s'en tient à ce que souhaitait Thomas Arnold, directeur de cet établissement scolaire. Il a cherché à établir quelque chose, une façon d'être au monde, de se diriger dans le monde. Le rugby serait donc une boussole, et nous sommes quelques-uns à veiller à ce qu'il ne perde pas le nord.
Je suis redescendu à Northampton. Couvrir The Saints versus les Bibs. Score final 46-24, sept essais à trois. Les Clermontois furent débordés, transpercés, indisciplinés. Dans ma besace, Inoubliable, le livre de Steve Thompson, ancien talonneur des Saints et du XV d'Angleterre champion du monde devenu amnésique. Et dément. A force d'avoir subi des commotions cérébrales. Lisez son témoignage. Ce n'est une épitaphe. Dans les dernières pages, "Wally" trace des pistes pour dédiaboliser le jeu qui lui a fait perdre la tête. Mais dans les premières, ses anciens coéquipiers et coaches lui rafraîchissent la mémoire et reviennent sur 2003, seul titre mondial obtenu à ce jour par une nation de l'hémisphère nord. C'était à Sydney, nous y étions.
L'ouvreur Romain Ntamack assure que la première place du XV de France dans le dernier Tournoi participe, nonobstant la défaite à Twickenham du chemin que s'ouvrent les Tricolores jusqu'au Mondial 2027. Mais comme toujours depuis presque quarante ans, ils ont la sale manie de s'arrêter en route, comme s'il leur manquait les dernières gouttes d'essence pour parcourir les ultimes hectomètres. Immense frustration que la leur, que la nôtre. Alors, qu'ils lisent, eux aussi, Inoubliable...
Voilà ce qu'ils y trouveront, entre autres choses : " La seule façon de battre un adversaire, c'est de le surpasser, il faut jouer plus vite que lui. Vite, vite, vite. C'est le ballon dans la mêlée - entrer, sortir, jouer. Le ballon dans l'alignement - entre, sortir, jouer. Taper et avancer. Penser vite (...) Je voulais que cette équipe soit suffisamment mûre et intelligente sur le plan émotionnel pour exprimer ses opinions, et qu'elle se sente à l'aise pour le faire. Ce qu'on appelle la "sécurité psychologique". Nous avons été capables de faire face à toutes les situations et les décisions d'arbitre que nous considérions comme mauvaises,  ce qui témoigne non seulement de l'entraînement des joueurs mais aussi des relations qu'ils ont créées entre eux." Cette façon d'être au monde. D'être rugby.  

16 commentaires:

  1. Si l'ovale peut devenir comme une religion pour laquelle tu communies tous les dimanche, tu excommunies aussi l'adversaire le plus loin de tes lignes avec un score des plus larges histoire de te donner l'espace de souffler. Pour autant tu fais le bien pour ton équipe, pour toi mais tu tends pas l'autre joue.
    Tu joues donc pas à l'abbé Pierre (j'entends par là bien sur, son côté oecuménique et caritatif) ou mère Thérésa. Même si l'église a fricoté un peu avec l'ovale.
    On est là plutôt ligne Maginot ou chars d'assaut. On fait la guerre comme il se dit dans les vestiaires au milieu des odeurs camphrées, mais pas l'amour.
    Ou éventuellement après la 3e mt, mais gaffe quand même, là, toujours avec consentement mutuel.
    Et pas question de saints non plus, surtout si on a vidé trop de bibs.
    Etat d'esprit à coups de lames.
    On essaie d'être social mais surtout en 3e mt. Démocrate, c'est plus compliqué. Il y a qu'à voir la gestion commission arbitrage euro mondiale. Et notre bonne mère Fédé pyramidale.
    Bref, l'autre joue tu la gardes pour toi, l'ovale est un jeu dominatif,
    et de plus natif anglophone.
    Et si on roule à gauche en général et qu'en France on gauche trop souvent la raie, in England, y roule à droite comme des i.
    Reste qu'il faudra bien s'être refait une âme et avoir le moteur pour aller au bout de l'esprit et du rebond pour une fois victorieux.
    Et sans avoir non plus à rentrer au stand pour changer les pneus à 2 tours de la fin et se faire décoiffer au final.

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  2. Un très beau commentaire naviguant sur une chronique un peu écrite à la manière des taches projectives d'Hermann Rorschach. Sinon, attention à la dyslexie franco-britannique.

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  3. C'est surtout la vitesse du ballon qui compte, non?
    Penser vite, tout est dit, et c'était une sacrée équipe, au sens premier du mot .
    Pour autant le terme de rythme, voir tempo me semble plus approprié, certes on est dans l'épaisseur du trait, mais ce n'est pas un hasard si Charlie Saxton théorise sur le p de Pace, pas le s de speed.
    Ah cette fameuse victoire de Sydney, les Blancs avaient du marquer un essai, de mémoire, et nos amis Dallaglio, Johnson, Thomson lui même n'étaient quand même pas trop empruntés quand il fallait cent fois remettre l'ouvrage sur le métier du regroupement puis confier la gonfle a Sir Jojo, pour ce qu'un blasphémateur de banlieue qualifierait presque de dépossession !
    Allez, on le trouve en France son livre?

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  4. Et pis ça babille à Castres qui écharpe Benetton pour a quart. Là, l'a pas fallu penser vite mais prendre à la gorge en bons voleurs de poules qu'ils sont

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  5. Bon voilà, Toulon/Toulouse la semaine prochaine. Reste à savoir qui restera en rade, ou pendu en tribune...

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  6. On a quand même cru longtemps que ça ne tiendrais qu'à un fil !
    Maladroits comme un parachutiste, pris devant, mal engagé.
    C'était qui ces bleus qui jouaient un Rugby proprèt, sérieux, malgré un ouvreur qui sera jamais une Mustang ?
    On aurait dit des Rosbifs de la belle époque, à mi temps, heureusement.
    Bon, les p'tit gros, encore dix minutes, à fonds, Thibault, Many,les autres, on fait rentrer Tony et vous faites comme lui, ça devrait suffire , regardez moi quand je cause !
    Et à la fin c'est Hugo qui gagne pis c'est tout.
    Allez, grosse partie des pompiers, aussi.

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  7. Richard nous parle de la naissance de notre sport et pourtant aujourd'hui un ami s'en est allé pendant le match. Pour les connaisseurs , c'est Claude Saurel , joueur de l'ASB de la grande époque et ensuite ce fut lui qui mit la Géorgie sur les rails pour devenir une nation de rugby ...et je ne cite pas tout ce qu'il a fait. Il a vécu Rugby car né rugby et DCD pendant un match , quel plus beau départ pour rejoindre Webb Eliss dans le firmament entre les poteaux. C'était un de ces rocs que l'on pensait indestructible comme l'était l'ASB des années 70. Je suis très triste comme tous ses amis mais ce qui console un peu c'est qu'il est parti pendant sa passion.

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    1. Ah oui, un fils de Monsieur Raoul et un grand serviteur du Rugby.
      Le genre d'hommes dont nous avons désespérément besoin pour porter la bonne parole de par le monde.
      Et qui devraient être beaucoup, mais alors vraiment beaucoup mis en lumière.
      Allez ASB

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  8. Claude Saurel, oui, c'est une grande perte.
    Quand on pense qu'il a été fait citoyen d'honneur en Géorgie, ça montre à quel point le rugby est important là-bas, et à quel point les Géorgiens savent ce qu'ils lui doivent.

    Pour le match de Toulouse, plutôt que parler de performance en demi-teinte, je préfèrerais parler comme Jan-Lou de la belle première mi-temps des Anglais, un rugby puissant et rapide bien récité (joli le coup de la Mustang !...), avant que physiquement ils marquent le pas.
    Et l'absence de Dupont s'en ressent, Graou découvre le niveau supérieur de la Coupe d'Europe, la défense anglaise moins fixée sur lui qu'elle l'aurait été sur l'absent et donc plus pénible sur l'ouvreur qui fait donc un match en demi-teinte.
    Et sur l'air des lampions on a retrouvé la grande échelle !

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  9. Un "ne pas oublier" malheureusement prémonitoire!

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  12. Richard, petit commentaire clin d'œil pour faire lien vers des articles du journal en accès libre.

    Ne pas oublier

    - Pourquoi Toulon joue avec les mêmes couleurs que Toulouse. C'est bien entendu Richard qui a fait cet article:

    https://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Pourquoi-toulon-joue-aussi-en-rouge-et-noir-comme-toulouse/1552481

    - Pourquoi la réussite sportive et populaire de la CdM 2023 en France a été aussi un fiasco financier mettant en difficulté la FFR.

    https://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/-defaillances-majeures-l-etat-epingle-par-la-cour-des-comptes-dans-le-controle-de-l-organisation-de-la-coupe-du-monde-2023-en-france/1552552

    https://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/-un-tres-bon-cas-d-ecole-d-echec-de-gestion-publique-pierre-moscovici-president-de-la-cour-des-comptes-sur-la-coupe-du-monde-2023-en-france/1552579

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  13. Entre Stendhal et Jeanne Mas the red and the black a trouvé sa place. Tout comme cette histoire rapport au titre de cette chronique et son sujet aussi.
    Sinon ça aide pas pour savoir comment Jaminet va se renflouer... Juste qu'il a dû passer par ses mêmes couleurs concernant son transfert traficoté.
    Par contre pas compris le rapport avec les 2 autres.

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    1. L'essentiel est que tu comprennes le rapport de la cour des comptes🤣
      Ce n'est pas juste un problème de TVA.
      Dans un article abonné on peut lire:

      Aujourd'hui, tout le monde a compris que si la France a fini par obtenir l'organisation de cette Coupe du monde, c'est parce qu'elle a surpayé à World Rugby l'achat des droits pour commercialiser les hospitalités (82M€). Un engagement financier qualifié « d'excessif » par les rapporteurs. « Quand M. Atcher dit que si la France n'avait pas payé très-très cher l'acquisition des droits d'hospitalités à World Rugby, elle n'aurait pas obtenu l'organisation de la Coupe du monde, c'est une réponse très audacieuse, pointe Moscovici. Ça dit quelque chose quand même. Et je rappelle que pour World Rugby, cette Coupe du monde a été la plus rentable de son histoire et de très loin. Ça représente pour eux 500 millions ! De leur côté, c'est bien joué, bien négocié. Tout le monde a gagné, sauf les organisateurs. »

      Justement, concernant les salons et les loges, les capacités ont été surestimées. Le dossier de candidature tablait sur 16 609 prestations par match au Stade de France quand la capacité constante du SDF se situait à 8900, idem pour Marseille ou Lille. On comprend pourquoi l'objectif de vendre a minima 213 630 packages, selon l'étude Deloitte, était inatteignable. In fine, 117 035 packages ont été vendus, ce qui est déjà un record. La Cour des comptes écrit: "La candidature de la FFR s'est donc inscrite dès l'origine dans un double objectif en partie contradictoire : consentir des efforts financiers, probablement excessifs, pour obtenir l'organisation de cette manifestation sportive tout en visant à en maximiser les bénéfices financiers finaux"

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    2. Car comme l'écrit le journaliste dans un des articles, il ne faudra pas oublier que Le paradoxe concernant la Coupe du monde de rugby 2023, c'est qu'au lieu de développer les moyens du rugby en France, elle pourrait mettre en péril la FFR dont la situation financière est critique et mettre donc en péril les 1 900 clubs.
      Espérons que ce professionnel est juste un oiseau de mauvaise augure.

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