Oui ! Grand succès de délires doué, seconde peau de maillot et clameur enchantée de mille et mille idoles de ce rugby particulier, forme d'absolu, ivre de ta chair bleue qui te pare d'une étincelante soirée dans un tumulte au firmament pareil. Se lève le public !… Il faut savourer ce qui nous fait vibrer !
L’air immense ouvre et referme cette chronique, la vague en étincelles ose jaillir des rucks en forme de rocs !
Envolez-vous, pages tout éblouies !
Rompez, attaques ! Embellissez d’applaudissements réjouis ce stade d'été où l'emportèrent des coqs !"
Ecrivain de l'après et philosophe de l'invisibilité de la vraie pensée, Paul Valéry - qui prend ci-dessus son air marin - aurait sans aucun doute aimé le rugby à Sète, celui du tournoi du PUC dans les années 70, puis celui des premiers Frenchies du capitaine Jean-Pierre Elissalde victorieux à Melrose en 1983 pour le centenaire de cette compétition, et enfin celui des Tricolores de Paulin Riva enterrant ce samedi 27 juillet les espoirs fidjiens au terme d'un très long chemin qui fut surtout une pente abrupte à gravir pour qui n'avait pas l'engagement désintéressé chevillé au corps et au cœur. Car si cette médaille d'or décroché durant les trente-troisièmes Jeux Olympiques récompense d'abord et surtout une équipe, un esprit et un staff, c'est bien parce que le 7 a été, de longues années durant, le parent très pauvre du rugby français. Avant le succès tricolore à Los Angeles, il faut remonter à 2005 au stade Jean-Bouin pour trouver trace d'une victoire de France 7 sur le circuit international. Le capitaine se nommait Patrick Bosque. Qui s'en souvient ?
Cette année-là, Thierry Janeczek était parvenu in extremis à composer une sélection tricolore en agrégeant des joueurs non-professionnels laissés à sa disposition par des clubs qui n'en avaient pas grand chose à faire. Nommé officiellement entraîneur national en 1999 à la suite de Jean-Michel Aguirre par Bernard Lapasset, alors président de la FFR qu'il sut convertir au sept, l'ancien troisième-ligne aile international tarbais a donc tenu à bout de bras cette discipline que tout le monde, en France, décriait.
"Le Zébre" - son surnom, relatif à ses courses nerveuses et au maillot blanc rayé de noir qu'il portait le jour de son premier entraînement à Jules-Soulé - avait découvert ce drôle de jeu en 1986, invité à Hong Kong au sein des Barbarians français qui faisaient office d'équipe nationale, en alternance avec Les Froggies. C'est dire le peu d'intérêt que portait alors sous Ferrasse la FFR à ce demi-rugby. Professeur d'éducation physique et athlète complet, Thierry Janeczek ne mit pas longtemps à comprendre ce que la pratique du 7 pouvait apporter aux quinzistes, au moment où les Australiens lançaient via ce sport à part entière David Campese, puis les Néo-Zélandais Jonah Lomu,
Après une fidèle carrière de joueur au Stadoceste Tarbais entre 1980 et 1993, Thierry Janeczek prêcha longtemps dans le désert fédéral et ne parvint pas à associer à sa cause les clubs français, devenus professionnels, peu enclins à laisser partir leurs meilleurs joueurs pour deux jours de voyage, deux jours d'entraînement et trois jours de compétition à l'autre bout du monde. S'il tenta de mettre en place un Championnat spécifique à 7, ce joyeux coach jamais avare d'un trait d'humour ne parvint pas à convaincre le rugby français du bien-fondé de cette pratique tandis que toutes les nations anglo-saxonnes prenaient une avance considérable, sans parvenir toutefois à surclasser les Fidji.
Il y a quatorze ans, maintenant, que Thierry Janeczek a fait un pas de côté, sans toutefois s'éloigner vraiment du monde septiste. Quand les joueurs de l'équipe de France ont mis autour de leur cou la médaille d'or tant espérée, tant rêvée, tant fantasmée, j'ai pensé à ce pionnier, ce prêcheur d'ovale. C'est lui, d'ailleurs, qui sélectionna Jérôme Daret pour la première fois à 7, avant que le Dacquois ne devienne en 2017 à son tour, nommé par Florian Grill et Jean-Marc Lhermet, entraîneur tricolore. Et que la LNR décide de bâtir un tournoi pro en 2020.
Thierry Janeczek a tout connu du 7 français ostracisé, décrié, rejeté. Membre de la première équipe de France du genre en 1992, il disputa la première Coupe du monde un an plus tard, en Ecosse, remportée par l'Angleterre. Il n'était plus entraîneur national lorsqu'il vit, en 2016, la première équipe de France à 7 devenir entièrement professionnelle. A Auch, il a porté la flamme olympique. Personne d'autre que lui, pas même une superstar gersoise, ne pouvait mieux personnifier ce rugby spécifique.
A l'heure du sacre olympique, nul doute que de très nombreux septistes tricolores ont eu une pensée pour ce drôle de zèbre qui fut leur frère de jeu et leur mentor, et leur apporta dans l'ombre où ils se trouvaient un peu de cette flamme, de cette lumière, de cet or, qui aujourd'hui éclaire Andy Timo, Rayan Rebbadj, Stephen Parez Edo Martin, Jefferson-Lee Joseph, Antoine Zeghdar, Aaron Grandidier Nkanag, Varian Pasquet, Jordan Sepho, Paulin Riva, Théo Forner, Nelson Epée, Jean-Pascal Barraque et, bien entendu, Antoine Dupont.