Comment un ballon pas même rond, sujet aux rebonds les plus capricieux, peut-il se retrouver dans les bras d'un joueur qui file à sa poursuite ? C'est une question à laquelle aucune loi de la physique, fut elle quantique, ne peut fournir de piste satisfaisante. Elle touche à l'irrationnel qui enveloppe ce jeu à nul autre pareil et nous rappelle à la forme unique et saisissante de son paramètre le plus rebondissant.
Parmi les figures qui foulèrent les pelouses depuis 1823, à commencer par le mythique William Webb Ellis, Serge Blanco est certainement celui qui cristallise le plus grand nombre de dons. Inégalé car impossible à copier, inspirateur mais en aucun cas modèle, l'enfant de Caracas devenu "le Pelé du rugby" au début des années 80 tel que décrit par la presse anglaise, fait partie de ces attaquants hors normes qui trouvèrent toujours comment, d'une foulée chaloupée, apprivoiser l'improbable.
Qui n'aimerait pas être à la place des cadets du Biarritz Olympique quand le plus fameux des joueurs français débarque sur le terrain annexe d'Aguilera pour animer l'entraînement ? Qui n'aimerait pas, ne serait-ce qu'une fois, échanger quelques passes et écouter les conseils d'un des plus grands arrières de tous les temps ? Qui n'aimerait pas, crampons aux pieds, partager dans l'intimité d'une séance un peu de ses connaissances, de son savoir ?
De la même façon que les rebonds d'une balle ovale s'anticipent et se lisent, mais que ce décryptage n'est disponible que pour quelques élus dont on ne trouve trace que dans les comptes rendus de test-matches, je ne suis pas certain - le plaisir de l'échange mis à part - que le génie puisse se communiquer, voire se transmettre, même avec la meilleure volonté du monde. Il est volatil, intemporel, diffus et éclatant, et s'il pouvait s'enfermer dans un bocal pour être distribué, Serge Blanco serait milliardaire.
Milliardaire, il l'est mais en souvenirs chargés d'émotion et en exploits plus retentissants les uns que les autres. Ses courses ondoyantes au milieu de défenseurs réduits à l'état de piétons désemparés est indubitablement une source d'inspiration, un ru qui serpente en pays basque sur lequel il est, malheureusement pour nous pauvres marins à quai, impossible de naviguer. Ses traversées, circumnavigations dont il était le seul à connaître le cap, sont autant de secrets dont il ne peut rien avouer tant certains l'ont parfois dépassé.
Quand il se rasait le matin, Serge Blanco ne voyait pas dans la glace un champion olympique du deux cents mètres. Il ne considérait pas sa vitesse de course, m'avoua-t-il, comme une fin en soi car seule la possibilité d'aller plus vite que son ou ses adversaires lui importait. Comment trouvait-il l'énergie utile, devant chaque obstacle mouvant, pour se faufiler ou s'extraire reste pour nous tous qui l'avons connu et côtoyé un mystère qu'il est toujours bon de convoquer en ces temps de disette ovale.
Chez Serge Blanco, comme pour chaque grande interrogation métaphysique ou philosophique d'ailleurs, ce n'est pas tant le comment qui compte que le pourquoi, qui nous oblige à creuser au plus profond jusqu'aux premières racines. Le génie de cet arrière atypique prend les siennes dans une farouche envie d'exister, d'irriguer son égo, de conquérir un espace davantage qu'une place, et surtout dans l'irrépressible dégoût de la défaite jusqu'à la colère la plus noire.
Au moment où un pilier, trois fois capitaine du XV de France, décide à l'âge où son expérience devient la plus profitable aux autres de tirer un trait sur sa carrière internationale, l'image de Serge Blanco, ses fureurs en forme de foulées, l'esprit de victoire chevillée par l'acier dans un corps si gracile, vient nous rappeler qu'un champion, génie ou pas, est d'abord un modèle de ténacité et d'engagement qui trouve dans ses failles les plus intimes la force d'accéder au sommet, surtout quand la voie est escarpée. S'il y a une leçon de vie, et pas seulement de rugby, que nous communique le talent, c'est bien le souci d'exigence de soi. Et le rebond suivra.
je me suis regale a te lire
RépondreSupprimeramities
jean trillo
SupprimerAh Jeannot... Welcome sur mon blog. Tu es plus que le bienvenu à profiter de cet espace de liberté pour nous faire partager tes sentiments, avis, opinions, sensations, réflexions...
SupprimerAmitiés
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RépondreSupprimerhttps://www.slate.fr/story/109069/ballon-rugby-ovale-et-traitre-comme-la-vie?amp
RépondreSupprimerJe sais c'est facile mais j'avais déjà lu cet article en m'interrogeant sur la place du hazard dans le rebond du ballon de rugby
Y a-t-il un hasard ? Je ramasse la copie dans quatre heures...
SupprimerBon alors je vais vous la jouer France Gall hi hi hi France Galles quoi ! restons rugby, deux bouts de chansons en hommage à Blanco parce que vous direz ce que vous voudrez mais ....
RépondreSupprimerBlanco il l'a ! il l'a, l'a
Ce je-ne-sais-quoi
Que d'autres n'ont pas
Qui nous met dans un drôle d'état
Blanco il l'a, il l'a il l'a
Cette drôle de voie
Cette drôle de joie
Ce don du ciel qui le rend beau Blanco ...
Et pourquoi donc ? Parce qu'il jouait du rugby debout !
Ne dites pas que ce garçon était fou
Il ne vivait pas comme les autres, c'est tout
Et pour quelles raisons étranges
Les gens qui n'jouent pas comme nous, ça nous dérange
Ne dites pas que ce garçon n'cassait rien
Il avait choisi un autre chemin
Et pour quelles raisons étranges
Les gens qui jouent autrement, ça nous dérange
Ça nous dérange
Il jouait du rugby debout
C'est peut-être un détail pour vous
Mais pour moi, ça veut dire beaucoup
Ça veut dire qu'il était libre
Heureux d'être là malgré tout
Il jouait du rugby debout
Quand les trouillards sont à genoux
Et les soldats au garde à vous
Simplement sur ses deux pieds
Il voulait être lui, vous comprenez ...
Voilà; moi je n'ai pas d'autre explication
Joli. France-Galles, belle voie
SupprimerQuand tout au long de sa sublime carrière, les rebonds de l'ovale étaient toujours aussi favorables pour notre éblouissant Blanco,le hasard ne peut que s'effacer par nécessité devant la Grande Classe...Merci Richard pour ce beau papier sur Serge qui, à la fois, nous a rendu fou en tant qu'adversaire tout en admirer son extrême géniale fluidité...
RépondreSupprimerMerci André. En fait, dixit Serge lui-même que je viens d'avoir au téléphone, il s'occupe des cadets du BO depuis la saison dernière, discrètement, et il avait demandé à ce que son engagement bénévole ne soit pas médiatisé. Mais le président du club pro de Biarritz a cru bon de mettre ça sur la place publique aujourd'hui via Twitter. Serge n'est pas plus dérangé que ça par le tapage que ça génère mais n'a pas envie que ce soit associé à son engagement politique auprès de Ovale Ensemble.
SupprimerCe blog devient d'un chic fou avec toutes ces idoles que je peux côtoyer par l'écriture ; maintenant Jean Trillo qui nous rejoint lui qui nous faisait rêver avec Jo Maso ... Ils deviennent mes égaux par l'écriture moi qui fut obscur jouer de 3ème div (pour ceux qui ne me connaissent pas , il y a 50 ans ahahaah)
RépondreSupprimerSi par hasard je voyais la plume de Chistian Carrère , je serai comblé car j'avoue que je lui porte une grande admiration...j'espère juste que sa santé est bonne
Serge Blanco a du passer un doctorat de physique appliqué avec comme sujet " qu'est ce qu'un ovale" car il fait partie de ceux qui ont su rendre l'ovale rond puisque les rebonds n'existaient pour eux.
Merci Ritchie de nous permettre de tutoyer ces étoiles qui furent nos idoles .
Bon week end a tous et bises de Bastia
Excellent Marc! " il a su rendre l'ovale rond!"
SupprimerTout un symbole! 😁
Nous sommes tous égaux devant le ballon...
RépondreSupprimerSur mon podium à moi que j'ai le Biarrot, avec Nobody et un certain petit neuf de Cardiff aussi.
RépondreSupprimerJonah c'est autre chose...
Je n'ai pas trop suivi à l'époque, encore moins compris comment le quasi futur président de la fédé, le père de la ligue s'est retrouvé dans la peau d'un paria.
Maladresses,trahisons, conspirations ?
Allez, si d'aucun peut me résumer l'histoire
De Caracas à Manille, on choisit pas sa famille. Blanco à choisi celle du rugby où on se dispute ce ballon à grands coups de casques mais aussi dans la vitesse où l'évitement où il excellait. Belle spéciale dëdicace pour ce pas blanc de peau (rapport à l'actu alitée... ) mais rugby dans la peau grâce auquel il a su dessiner sa trace et laisser sa signature dans ce que l'english appelait le franche flair, telle l'empreinte laissée par les stars dans le béton d'Hollywood boulevard. Parce qu'il fallait avoir ce nez inné pour éclairer ce jeu parfois obscur. Ovale ensemble bien sur puisque c'est ensemble à 15 que ça se passe (voire à 13 ou à 7) et qu'on y joue politiquement ovale. Comme JLou, j'en mettrais bien 1 autre divin sur le pot dit hommes de rugby : Jo Maso, un peu cet alter égo de Jean Trillo venu nous faire coucou pour notre plus grand plaisir comme Yvan B ou Christian. Un rugby d'une autre fluidité d'esprit, je pense. Aujourd'hui, on est plus dans la fuidité d'esprit. Pourtant le passé fait partie de notre présent et les plus jeunes feraient bien de s'y intéresser d'un peu plus près, pour le fun mais aussi pour les racines qu'il faut refaire pousser et entretenir sur le gazon, si possible pas synthétique.
RépondreSupprimerBeau texte Ritchie!
RépondreSupprimerJe suis devenu rêveur à la lecture, des vieux souvenirs de ma jeunesse ressurgissants ... les courses magiques de Serge Blanco tel des reflets de diamant éblouissant ses adversaires ...
Du pur plaisir !
Merci Steph...
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RépondreSupprimerEn 2020, la campagne pour la Présidence de la Fédé battait son plein.
RépondreSupprimerAlors qu'il visitait une brocante, pardon, le centre de formation national, sous l'œil des caméras, le Président en fonction s'avisa que l'assistance était très, très musclée, bigarrée mais surtout très musclée.
Mais une couleur manquait à l'appel.
Inspiré, il lança à l'un de ses collaborateurs : "Belle image de Marcoussis ! Tu me mets quelques Blancos !"
La phrase fit hurler dans son propre camp : un homme qui aimait la diversité ne pouvait en aucune manière – n'est-ce pas ? – être réélu !
Depuis, le Président a appris deux ou trois choses.
Et surtout à bien connaître les siens dont il brigue les suffrages. Il n'allait donc pas recommencer son erreur.
Ainsi, il a soigneusement choisi les comparses et les figurants qui ont posé pour la photo de l'annonce de sa candidature. L'image est harmonieusement musclée et quand on la regarde, nul doute que le Président a dit à l'un de ses collaborateurs : "Tu me mets quelques JIFF bien musclés et quelques mercenaires bien tanqués aussi. Et un ou deux Blancos si t’en trouves!".
Car le peuple de la LNR aime ça : une France musclée, testostéronée ; pas une France de Blancos, juste bonne à alimenter la machine à remonter le temps d’un ramassis de blogueurs nostalgiques, amoureux transis des trajectoires du corps céleste du divin ailier, en orbite autour de son étoile, l’en-but.
Concernant la faculté que possède Serge Blanco a récupéré des rebonds favorables, nombreux étaient ceux qui appelaient ça de la chance. Quand la chance se répète aussi souvent, je crois que l'on peut appeler çela le talent.
RépondreSupprimerRitchie nous fait une belle passe croisée, entre une légende de rugby qui se propose de transmettre à des jeunes, et la fin de la carrière internationale d'un jeune professionnel en pleine force de l'âge est en pleine maturité. Concernant ce dernier, même si cela peut surprendre, il avait annoncé à ses plus intimes, à son président et à son entraîneur, qu'il allait certainement arrêter sa carrière internationale à l'issue de la saison 2019-2020. Certaines mauvaises langues, dont je pourrais faire partie, pourraient argumenter en disant que c'est un choix qu'il a dû faire face a une concurrence plus vives, plus jeune. Au regard des derniers matchs de l'équipe de France force est de constater qu'il était un peu sorti du groupe. La vraie question qui se pose est de savoir si aujourd'hui nos jeunes professionnels du rugby possède cette résilience qui transcende l'homme?
La transmission ou l essence même de l homme, la vie en groupe, le don du savoir et l entraide. Une vie en société donc.
SupprimerMais pour donner, il faut avoir soit même reçu
Avant toute résilience je dirai qu il faut de la Patience et de la confiance en soit, recevoir des chocs et reprendre sa forme sans intégrer de tensions sous-jacente, le propre même des métaux les plus coriaces, afin de ne pas rompre à un moment face aux multiples sollicitations.
C est un traitement à cœur. Mais malgré tout, aucune structure n est parfaite, il y a toujours une sollicitation, un phénomène d erosion qui peut arriver. Personne n est à l abri.
Quand à M. Blanco, je suis d accord avec toi Mr Aneersion, il y a plus que de la chance
De ma fenetre, Il y a une conscience de soi de ses aptitudes, et une maîtrise de l espace et du temps.
Cet infime fraction de seconde qui permet à l œil de saisir ce que le commun des mortels ne voit pas et d orienter sa course dans la bonne direction, sa vitesse au bon curseur.
Et puis, il y a l attraction... la volonté de le rattraper ce ballon.
Joli, Oliv79. 1979, à cette époque, Serge Blanco n'avait pas encore compris ce qu'il fallait mettre d'implication pour atteindre le haut niveau, c'est à dire déloger JM Aguirre de ce poste d'arrière en équipe de France. Heureusement que Rives lui a passé un soufflon monstre en fin de tournée en Nouvelle-Zélande
SupprimerPeut-être trop doué justement ? Jusqu'à au moment.t ou on te fait comprendre que ça ne suffit pas. Ou alors le train passe.
SupprimerBien sur le talent,le don, la qualité des connexions, ce qui sépare des autres, même les plus besogneux.
RépondreSupprimerBlanco au rebond, Sella toujours premier sous les ballons,mais aussi Fédérer, Wood, Senna, Rossi....
Allez, fuoriclasse quoi!
« Voie escarpée, puiser dans ses failles pour atteindre le sommet ». Serges Blanco serait il au rugby ce que Petracque fut à la poésie. Le club de Biarritz sera t il pour lui le dernier à porter la férule papale.
RépondreSupprimerAh ah ah, bien vu. C'est exactement ce à quoi je pensais en l'écrivant...
SupprimerAu fait, Georges, connait tu la cave (caviste) BBR à Monte au Ban. Moins escarpée que le Ventoux, mais la descente rapide... Belle cave à priori, où il y a du bio des vieux cépages. Il y a eu une animation le Week-end dernier, à priori.
RépondreSupprimerOn devrait jamais quitter la cave BBR !
RépondreSupprimerAllez les verres
Après un petit break ovale depuis la Belgique, je reviens pour m'intercaler... Je vois qu'en mon absence virtuelle, le dialogue n'a pas été très soutenu. C'est dans l'histoire de ce blog la chronique la moins prolongée...
RépondreSupprimerL'effet déconfinement peut-être.
SupprimerOu un coup de blanco
RépondreSupprimerBlanco m'a raconté qu'un jour, il était junior, Biarritz avait effectué un déplacement à Lourdes dans le cadre du challenge Du-manoir que les clubs invités disputaient aussi avec leurs juniors (La Rochelle n'a jamais été assez "huppé" dans les années 70 pour y être invité). Serge avait marqué tous les points de son équipe, soit douze. Mais Lourdes l'avait emporté 16-12.
RépondreSupprimerMichel Celaya, qui s'occupait de la première et aussi des juniors, ancien capitaine et homme de terrain du XV de France, s'approcha de lui et lui dit : "C'est bien, Serge, tu dois être content. Tu as marqué tous les points." Blanco acquiesce, apprécie le compliment et se rengorge un peu. "Oui, oui, je suis content." Celaya insiste : "c'est bien, tu as marqué tous les points. Tu es content ?" Blanco : "oui, oui, bien sûr..."
SupprimerEt Celaya de continuer : "Tu as tout marqué. Combien, déjà ?". Blanco compte : "Douze !" Celaya lui rétorque : "Non. Pas douze." Blanco étonné insiste : "Si, Douze." Alors Celaya répliqué : "Non, tu en as marqué vingt-huit..." Et il tourna les talons, laissant Serge Blanco tout seul avec ses réflexions.
SupprimerAujourd'hui, Serge m'a dit : "Tu vois, ce sont des hommes comme lui qui m'ont fait réfléchir et progresser. Oui, j'avais inscrit les douze points de mon équipe mais j'avais aussi sans doute laissé Lourdes en marquer seize en n'étant peut-être pas assez rigoureux et précis par ailleurs." Un silence. "Je peux te dire que je n'ai jamais oublié ce moment-là, à Lourdes, à la sortie du vestiaire..."
SupprimerLes cadets de Biarritz vont sans doute avoir pas mal de moments à la fin desquels ils auront de quoi réfléchir... Peut-être même pour toute une vie.
SupprimerAnecdote ayant son piment d'espelette qui te remet en jeu... Et le feu au cul !!! 🤣 😂
SupprimerUn bijou que cet article d'Aurélien Bouisset ( aux bons soins de Lady Gariguette )dans l'équipe,et tout particulièrement la vidéo de ce jeune gallois ( né en Angleterre, comment c'est possible? )sur la Coupe du monde des Bocks.
RépondreSupprimerAllez Erasmus.
Et 1 vidéo d'époque sur la finale rugby aux J. O. 1924 entre France et USA perdue 17-3🙄😫😖😩
SupprimerOù l'on voit à quel point les footballeurs américains des campus, des universitaires, donc, pour la plupart de Stanford, étaient athlétiquement un cran au dessus des Tricolores qui n'étaient pourtant pas à cette époque les premiers venus, genre Piquiral, Bioussa, Lubin-Lebrère, Cassayet, Dupont, Got, Béhoteguy, Jauréguy...
SupprimerCinq essais à un... et, particularité, deux mi-temps de 45 minutes. Allez savoir pourquoi ?
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