dimanche 9 juillet 2023

Ce jeu de Barrett

L'été n'est pas en pente douce pour tous. Tandis que dans la nuit de Pretoria les champions du monde ont envoyé samedi au reste de la planète un message clair en se jouant de l'Australie comme s'il s'était agi d'un sparring-partner d'occasion, les All Blacks attaquaient leur ascension vers le sommet Webb-Ellis depuis ce qui pourrait être considéré comme leur camp de base, à Mendoza, aux pieds de la Cordillère des Andes. L'occasion pour nous de savourer un verre de ce malbec fruité qui fait la légende des lieux, quand bien même la période serait plus propice au rosé bien frais.

Nous voilà réfugiés sous le parasol tandis que le groupe France, au banc d'essai mais ballons remisés, aligne les sprints au rupteur en pleine canicule afin d'atteindre le plein niveau de stress. Les coéquipiers d'Antoine Dupont emmagasinent actuellement à Monaco les toxines tandis que Springboks et All Blacks, eux, additionnent les points avec une facilité déconcertante dans un Rugby Championship aux allures de répétition générale d'avant Mondial. Quels parcours plus contrastés que ce chemin de souffrance et ces voies du grand large...

A ce rugby de défi frontal inscrit à leur patrimoine génétique, les Springboks ont ajouté l'exquise dilution du jeu de passes en recherche d'intervalles, tendance esquissée lors du Mondial 2019 - mais en fin de rencontres - et qui a été samedi à Pretoria exprimée dès les premières minutes, en témoignent le "coup du chapeau" tiré par leur ailier de poche Kurt-Lee Arendse, transfuge du 7 capable de mystifier à trois reprises la défense wallaby, certes poreuse, mais quand même... Ils ont aussi offert à leur trois-quarts centre polyvalent André Esterhuizen toute latitude pour, à 29 ans, s'imposer en leader d'attaque, gabarit de troisième-ligne aile (1,94m, 110 kg) doté d'un jeu au pied subtil propre à semer le trouble dans les rangs adverses.

Quelques heures plus tard, les All Blacks n'ont pas attendu longtemps, eux aussi, pour enclencher leur premier match de l'année face à des Pumas aux griffes trop élimées. Et ce n'est pas forcément une bonne nouvelle pour le XV de France qui sera sur leur route, le 8 septembre prochain. Car on a retrouvé des Néo-Zélandais vifs et inspirés dans le sillage de leurs trois frères qui font du rugby un jeu de Barrett. A toi, à moi, et surtout à la nôtre, semblaient-ils dire en se transmettant le ballon comme un mot de passe. Fidèles en cela à une tradition visiblement remise au goût du jour. 

Depuis la parution d'un ouvrage, l'ABC du rugby, dans lequel Charlie Saxton, ancien demi d'ouverture international devenu entraîneur puis manager dans les années 60 concentrait en une formule la méthode de jeu qu'il pensait la meilleure pour les hommes en noir, ceux-ci disposent d'un référent commun qui met en arborescence trois principes-clés : le placement des joueurs, la possession du ballon et le rythme de jeu. Samedi à Mendoza, ils ont de nouveau consacré cette formule. Saxton écrivait en exergue de son ouvrage : "Le rugby est un jeu d'attaque." Bien lu, bien reçu.

Nous avons ensuite savouré la montée du Puy de Dôme, théâtre d'une petite page épique dans le dernier kilomètre entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, nos Anquetil-Poulidor des temps modernes, au milieu desquels n'est pas parvenu à se glisser l'inimitable Julian Alaphilippe. Avant de retrouver les jeunes pousses bleus, ces "fils de" opposés à l'Angleterre, avant-dernier obstacle sur la route d'un sacre promis en finale face à l'Irlande, vendredi prochain en apéritif propre à calmer notre appétit le temps d'un été qui monte en température. 

16 commentaires:

  1. Été en pente douce pour certains, été les pieds dans l'eau pour d'autres.
    Pour d'autres encore le physique et les mains dans le stress afin de coller au mieux le collectif, le je et le nous, comme on colle les impuretés d'un vin afin de clarifier au max son Je et son bon goût.
    Bref, les anses des vacances ne sont pas encore là, mais tout le monde vaque à ce qu'il doit faire de mieux en terme de potes en ciel, histoire de se la jouer au mieux, histoire de faire partie (ou encore partie...) de l'histoire. Bien qu'elle ne dise pas la finalité, nous laissant le soin de supputer sur ce blog ou ailleurs à toutes sortes d'imaginations, de scènes à Rio ou ailleurs.
    En tout cas les favoris devraient s'abaisser à mettre en scène l'ABC du rugby auquel ils auront loisir d'adosser les variations ou nouvelles techniques de jeu pouvant faire la différence, significative évidemment

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    1. Ou tête au soleil et casquette obligée. L'ABC de la protection. Rio est à sec...

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  2. En attendant que les grands entrent vraiment en scène (les joutes d'été entre nations de l'hémisphère sud ne sont qu'un prélude à septembre, même si elles n'y cachent pas leurs intentions), nos petits jeunes surclassent les jeunes pousses anglaises, après avoir mis un quart d'heure pour rentrer dans la partie.
    Et ils semblent si forts, matures et sûrs de leur rugby que je me demande si ce ne sont pas eux qui hisseront le rugby français au plus haut, si la génération qui les a précédés et a depuis pris les commandes n'y est pas arrivée avant eux. Et encore, si l'équipe "première" leur avait laissé les Gailleton et Bielle-Biarrey, en plus d'un pack puissant, joueur et dominateur et d'une charnière déjà rompue au plus haut niveau, qu'est-ce que ça aurait donné sur le terrain derrière...
    En tous cas, une finale entre français et irlandais, si elle ne préfigure pas nécessairement ce que sera la Coupe du Monde des grands, montre que le rugby de l'hémisphère sud, à tous les échelons, marque le pas.
    Les 2 ans de pandémie, là-aussi comme ailleurs, ont fait de gros dégâts.

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    1. Il y a quelques pépites dans cette équipe : la troisième-ligne dans son ensemble et la charnière Jaunaud-Reus, un petit gars de Riberac. C'est-à-dire chez moi, du moins du côté de mon père. Il a tout pour lui, ce dix. Sans parler de l'énorme Tuilagi, sorte de nouveau "homme et demi", et d'un drôle de gaillard de pilier remplaçant nommé Julien Lino et tout en muscles... Si on ajoute, effectivement, Gailleton et Bielle-Biarrey, il y a quoi rêver pour 2027 en Australie.

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  3. N'oubliez jamais la règle des trois P les gars.
    Rythme-Conquête-Soutien !
    Rires garantis mais Monsieur André était un malin nous n'avons pas oublié.
    Allez, un jeu d'attaque, oh combien, mais pas que.

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    1. Ou la règle des trois C : cerveau, coeur et couilles. Parce que de la qualité hormonales chère au Docteur Pack (Lucien, pas Serge), ils en ont à revendre, ces gamins aguerris au Top 14 et à la ProD2...

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    2. Pour sur !
      Le fabulous Fab devrait avoir des problèmes de riche ces prochaines saisons.
      Parce que la génération Toto ne sera pas à l'epad en 2027 !
      Allez les jeunes

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  4. Et maintenant, direction vendredi soir et samedi matin. Pour la dernière chronique de la saison. L'été ne sera pas en pente douce pour moi mais en côté refermé le temps d'une descente à Gruissan (exposition des oeuvres de mon épouse d'artiste-peintre au pays de Didier Codorniou et de Gérard Bertrand) et d'un séjour à Mougins pour savourer quelques rhums de première qualité accompagnés des cigares ad hoc.
    Retour prévu tout début septembre.

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  5. Les rhums de la Famille !
    Et un petit tour au Moulin, histoire de réécrire dans l'assiette les lettres de mon Mougins.
    Allez en vacances, la reprise sera copieuse !

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  6. les grandes nations de l'hémisphère ont compris la leçon reçue en France et ils savent adapter leur jeu en conséquence.
    cela nous promet une belle coupe du monde avec un excellent jeu déployé tout en puissance à tous les niveaux et malheur à ceux qui n'ont pas compris.
    on peut tout de même se féliciter de la formation française qui truste les titres depuis un certain nombre d'années chez les jeunes. Ce qui augure bien de l'avenir puiisque ces jeunes ont acquis la culture de la gagne.
    quand je pense enfin que ces belles équipes de l'hémisphère sud arriveront en France fatiguées, lasses et usées, c'est le coeur encore plus serré que d'habitude que nous attendrons le retour de septembre....Enfin, nous pouvons l'espérer

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    1. Bien vu, Philippe. Le jeu qui va gagner se rapproche de celui des All Blacks contre l'Afrique du Sud.

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  7. Le calendrier impose des conditions bien différentes entre les deux hémisphères, c'est vrai.
    Alors préparation discrète des nordistes ou compétition acharnée du Sud, qui arrivera à point ?
    Juste une piécette pour le Nord, tiens, ça coûte pas cher!
    Ce qui commence à faire dispendieux pour le reste de la (petite) planète ovale, c'est les cinquante grains annoncés des que les bleuets sortent du couloir.
    Merci les Jiifs,encore une fois, et bisous à tous les préz de la Ligue qui annonçaient l'apocalypse à l'époque.
    D'ici que nos amis d'outre Channel , pas que, nous proposent une de ces modifications perfides des règles dont ils ont le secret....
    Allez, m'reste une piécette.

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    1. Tout le monde arrivera à l'heure au bon endroit, question prépa physique. Mais il ne faut pas se tromper de jeu.

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  8. Il y a juste des mecs plutôt sur le coq qui sont là a faire chier dès 5 h du mat et ça continue sur le terrain. Au sud, c'est moins le sud, hein Nino... Plutôt El Nino

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  9. On tourne cette page pour basculer sur la chronique suivante.

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