jeudi 17 octobre 2024

V.

Ainsi donc, V est une piste à suivre jusqu'à Stockholm ? Un dédale de suppositions décalées transportant le real deal madrilène dans les froidures suédoises et les dorures d'un poulailler de luxe ? Le séducteur a plaidé la défense de ses adducteurs et profité d'un répit accordé pour jet setter dans le froid gras tandis que ses copains les coqs poussaient péniblement le rond de cuir sans lui... Trouvera-t-on plus pathétique que cette escapade en bonnet enfoncé jusqu'au nez, volée à l'âge adulte par un millionnaire du short, enfant prodige sans but aux lacets lassés ?

J'aime V., son univers déjanté, foisonnant, extravagant, tribulant, déconcertant, pétaradant, débordant, ambitieux, intriguant ; cette quête aux confins de la folie épistolaire, quand l'imagination copule avec l'énigme. Mais qui est V ? Un pays, un femme ? Un homme ? Un secret, à coup sûr. Une interrogation qui grossit à mesure qu'elle défile. Une parodie, plus certainement, comme si Louis-Ferdinand Céline, James Joyce et John Kennedy Toole avaient décidé de s'en jeter un derrière la cravate chaque fois qu'ils accostaient dans un port ou croisaient un alligator dans les égouts.

Allez, jetez-vous sur vos étagères. Qui connait V. ? Ce roman de Thomas Pynchon large comme un fleuve, furieux comme un dégel, bardé de mille écueils, riche de références, rédigé à la dynamite quand elle pulvérise les cloisons. Ceci n'est pas une discothèque. Et personne n'a tracé de trait d'union entre une incartade pour réseaux sociaux et cet authentique chef d'œuvre. Triste époque. Franchement, qu'avons-nous à faire d'un capitaine dégradé quand la littérature nous offre en miroir l'un des romans les plus kaléidoscopiques du genre, qui ne manque pourtant pas d'étrangetés dans le genre ?

Pas un jour sans une ligne, scandait le peintre. Puis l'écrivain. Chaque phrase est un dessein. Ou une ligne mélodique selon qui trace le chemin. Allons-nous évoquer l'urne ou la rune, le vote ou la magie, l'élection ou l'incantation ? Jamais campagne ne fut si tourmentée, comme si un mauvais génie avait tordu la lande sur laquelle nous jouons, ce terreau naguère propice aux bonnes graines sur lequel ne poussent désormais que fiel, amertume et ressentiment, crainte et rejet. 

Samedi à midi et demi, la FFR se sera dotée au forceps d'un président, ancien ou nouveau, sortant ou débutant. Il en sera de quelques voix, d'une poignée de clubs passés de l'un à l'autre au moment de choisir, ou d'éviter de le faire. Qui saura ? Le rugby amateur se meurt. Il crève de primes et de transports, de règlements et d'assurances. Dans dix ans, si n'est pas rendu au rugby des villages ce qu'il a offert au XV de France, ne survivront que les grandes usines ovales conçues pour préparer de la chair à rucks.

Ils iront vomir dans les couloirs, uriner dans leurs lits, croupir dans des geôles ; ils dépasseront la ligne, hurleront grossiers quand la nuit tombe, s'imagineront arrivés alors qu'ils ne sont pas encore partis; ils confondront s'enflammer et se consumer, la gloire et l'éclat, la transformation et l'essai. Ils entreront dans une discothèque sans savoir que ce qui scintille aux néons à l'entrée d'un bouge kitsch porte le nom d'une œuvre écrite au noir de l'encre mythique.

Il y a un an et quelques jours - je ne suis pas amateur d'anniversaires - le XV de France s'inclinait en quart de finale face aux Springboks, plus rusés. Quatre ans plus tôt, les Gallois nous avaient ramassés. Et avant eux les Néo-Zélandais nous avaient humiliés. Le Quart ! Ah, Nikos Kavvadias... Voilà trois fois consécutivement que nous passons à la trappe et, visiblement, personne ne s'en inquiète. Ce Top 14 cache la forêt et quand La Rochelle reçoit l'UBB, Marcel-Deflandre affiche complet pour la quatre-vingt-seizième fois d'affilée. Ainsi va notre rugby.

Nous disposons du meilleur joueur du monde, auréolé de sa médaille d'or. Du championnat le plus lucratif et aussi le plus indécis. Le plus chronophage. Exigeant. C'est notre force et, il faut le croire, notre limite. Avant de partir vers le Bharat la semaine prochaine, je vous livrerai les noms des sept nominés pour le prix La Bibliotèca du meilleur ouvrage de rugby pour l'année 2024. Qui succèdera à Didier Cavarot et à Benoit Jeantet ? Sans doute aurez-vous quelque idée. En attendant qu'elle jaillisse,  sachez que "la littérature, écrivait Alfred Capus, n'a pas été créée pour servir la vie, ni même la traduire, mais pour lui échapper." Courage, fuyons !

15 commentaires:

  1. Quand même un bout de temps que nous crions au fou, ici et ailleurs sur le fossé toujours plus large entre l'élite, né des étreintes coupables de la NFL et des jeux de Rome, et le monde des modestes pratiquants .
    Ce ne sera pas la première fois qu'un altruiste concept sera dévoyé sur l'autel des profits.
    Ils peuvent bien garder leur timbale aux grandes oreilles si d'aventure la FFR produisait deux ou trois millions de jeunes ( comme Tintin, jusqu'à 77 )s'écharpant joyeusement sur tous les prés du pays.
    Allez, courage, il est des braves types dans tous nos clubs qui ne fuient pas!

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    1. Jau Lou, c'est en lisant ton commentaire en fin de précédente chronique que la lumière s'est allumée au fond de mon esprit, hier soir, après un belle dégustation de whisky, Laphroaig et Bowmore.

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  2. "Sur la vie, on ne peut écrire qu'avec une plume trempée dans les larmes" Emil Cioran.

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  3. Jan lou... Quand même un bout de temps aussi que Richard Escot n'avait pas replongé au goût de la chronique.
    Nul doute que si les éditions Passiflore voulaient faire une réédition, ils rajouteraient cette chronique.
    Escot c'est comme Dupont, si on le met à l'herbage, il revient encore plus affûté, plus maître de son art.
    Je suis bien peu qualifié pour juger des points de vue de Richard sur tant de sujets différents (sa marque de fabrique) au sein d'une chronique unique.
    Mais je crois Richard que tu peux partir tranquille, on a de la matière à réfléchir.
    Comme toujours maintenant, j'attends aussi la réaction de notre aventurier des mers😉
    J'espère juste que tu arriveras à faire le deuil de ce graal inaccessible aux Français et Irlandais.
    Il y a quelque chose d'inexplicable. Ou dexplicable c'est selon.
    A partir du moment où tu parles "Du championnat le plus lucratif et aussi le plus indécis. Le plus chronophage. Exigeant. C'est notre force et, il faut le croire, notre limite. " tu dois en tirer les conclusions qui s'imposent.
    Notre championnat domestique, son économie, son spectacle n'a que faire du rugby amateur qui sert de prétexte à ne pas louper un Dupont dans un trou paumé d'un village, ou même espérons le d'une "cité sensible".
    Notre top 14 consent à faire des efforts pour le XV de France car c'est devenu du gagnant-gagnant, même s'il reste de bon ton de pleurer sur le nombre d'internationaux absents lors de matchs doublons.
    Kolisi explique les choses autrement et nous fait comprendre que résultats en top 14 et excellence en équipe nationale sont incompatibles. Cf lien ci-dessous :

    Kolisi l'explique bien

    Seul un Dupont peut se permettre de montrer la voie même si ça a causé beaucoup de contrariété chez toi (comme le cas Aldritt d'ailleurs) et chez Mola sans doute.
    La blessure l'a probablement empêché d'être à son meilleur lors du quart. Il a dû repartir sur le champ de bataille un peu trop tôt.
    Désormais tout le monde connait et parle d'Antoine Dupont, même mon épouse qui se désintéresse pourtant d'une telle force au rugby que après en avoir été désolé, j'ai fini par m'en amuser.

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  4. Personnellement j'ai fait mon choix. C'est désormais clair que le top 14 me procure plus d'émotions et de spectacles de manière régulière. Comme une série dont les saisons se succèdent sans que j'en sois lassé. Jacques Verdier parlait de ce plaisir feuilletonnesque de notre championnat d'élite.
    Le XV de France, bizarrement, j'ai l'impression qu'il passera au second plan d'un Toulouse UBB équilibré ou d'un Vannes La Rochelle, ou d'un Bayonne Pau et pourquoi pas Biarritz, puisque la pro D2 n'est pas en reste question suspens et aussi beaux matchs.
    Le manque de renouvellement à la tête du staff, les discours identiques, l'objectif renouvelé de gagner la prochaine coupe du monde, encore et encore, me dégoûtent presque.
    Le pire c'est que j'ai apprécié la fraîcheur de cette jeune équipe lors du premier test en Argentine. Ça nous montrait la richesse de notre vivier, la capacité d'une équipe à se transcender et à surprendre. Et puis patratas, pas bien malins du sol au plafond et certains bien bas du plafond à qui il faudrait donner comme pénitence, lors d'une troisième mi temps à l'eau gazeuse, de parcourir le blog de Richard Escot pour s'aérer les neurones et expérimenter par la même, la sublimation chère à Freud qui nous éviterait des excès et débordements fâcheux.
    Est-ce que Richard arrivera à me redonner goût au XV de France, au cœur de l'hiver lors de notre tournoi ancestral?
    Dire qu'on ne pourra plus jamais espérer une tournée d'été en Afrique du Sud avec deux tests matchs et deux matchs contre des provinces avec les 42 meilleurs joueurs français au pic de leur forme.
    Il nous reste les tournées des Lions britanniques tous les quatre ans (pour combien de temps encore?) pour trouver la saveur et l'exigence de ces tournées ou une triple confrontation à une semaine d'intervalle n'a rien à envier à un match couperet de coupe du Monde.

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    1. Je note, cher Christophe, que tu ne choisis pas de mentionner un USAP/MHR, dont certes la rivalité toute récente n'existe qu'entre supporters et accouche rarement de joutes rugbystiques fécondes.
      A l'inverse de Richard je ne vois pas de lumière au bout du tunnel de l'argent-roi, mon naturel mélancolique ne me portant pas à l'optimisme. Il me porte par contre vers des volutes d'alcool tourbé (loin de la tourbe, de l'iode et du fumé, point de salut), ce sera là mon point de concorde. Pour une quarantaine d'euros il n'y a pas meilleur choix qu'un Laphroaig, fut-il la cuvée de base de 10 ans d'âge. Leur quarter cask n'est pas beaucoup plus onéreux et apporte un petit supplément de rondeur fruitée glanée au contact des fûts de Sherry. Tout un programme.

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    2. Intéressant mais certain d'aimer les retours de vanille et de noix de coco du quarter cask. Je reste pour l'instant sur la basique. Pour le bizarre, j'ai dégoté du Zagat.

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  5. V. ou l'occasion de convoquer de beaux souvenirs quand Benoit et moi partagions nos lectures toutes les semaines pour construire ce qui allait devenir "Le désir de lire - cent romans contemporains", édité par notre désormais ami Jean Pruvost chez Honoré Champion.
    Ah, les cafés prolongés boulevard Saint-Michel et Saint-Germain jusqu'à ce que la lumière du jour tombe. D'où Thomas Pynchon et Nikos Kavvadias...
    Mais aussi Kazuo Ishiguro et Mario Vargas Llosa...

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    1. Pas réussi à entrer dans V.
      J'en avais entendu monts et merveilles, mais ça m'a cassé les pieds au bout d'un moment, ce type de roman à clés avec références ésotériques pour initiés finit par passer pour un truc d'ado attardé; même la langue (en traduction, déjà) ne m'a pas accroché.
      Dans la longue histoire de la littérature américaine et de cette idée du roman ultime de l'"Americana", il y en d'autres qui m'ont bien plus marqué (Harrison avec "Dalva", tiens par exemple, lu grâce à toi et Benoît).
      Bon, comme je suis têtu et que j'aime faire les choses jusqu'au bout, je lirai quand même "Vente à la criée du lot 49", des fois que au cas où...

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  6. Une complainte qui dépote, et aussi déVote à ce grâaaaal, ce summun premium VVebb Ellisien. Et qui fait que la plume Escotienne reste trempée d'éternels regrets à défaut de larmes, mais trump aussi dans le Beau more, l'affreux aig(re) ou un de ces vieux rhum des tropics.
    Bref un truc gaulois à la V ercingétorix, mais pour la V ictoire Finale la potion magique n'existe que dans la plume BD de Goscinny et Uderzo.
    L'amateurisme grillera t'il sur l'hôtel Code or new ? Allez, la FFR c'est "rien qu'un cirque de puces"... excitées plus par le pouvoir que par la raison. Et peut-être un doublé Benoit Jeantet à la Biblioteca.
    Sinon, "Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir" (Montesquieu).

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  7. Richard , je ne connais pas les auteurs dont tu parles , seul Vargas Llosa est dans ma bibliothèque , la Tante Julia est à coté du Bouc ...et c'est ainsi , on ne peut tout connaitre et c'est très bien car on peut découvrir ....
    le XV de France , le top 14 , parfois c'est loin de moi et parfois il y a des pépites comme l'UBB qui gagne à Toulouse...
    Ce qui est très pénible dans ce top 14 c'est que sur 7 matchs par journée , il y a souvent 4 finales potentielles , et quand arrive la finale , bof bof car on a déjà vu ....où est le temps ou arrivaient en finale , des Bagnères , des Colomiers, des Montauban, Dax, etc etc ...
    Le XV ne peut pas gagner car les joueurs ne vibrent pas pour la maillot , ils ne sont plus près à mourir comme ils l'étaient en AF sud en 58 ou 61, seuls quelques joueurs surnagent mais l'ensemble qui fiat le groupe portent des casquent aux oreilles et sont devenus autistes aux vrais valeurs de ce sport ...la différence avec les autres nations , c'est qu'eux donnent tout pour la fougère , l'antilope ou le trèfle à qui il manque quelques millions d'habitants pour être champions tous les 4 ans ...c''est simple nous sommes 70 millions d'habitants ; plus de 300 000 licenciés , ils sont 5 millions d'habitants avec 95 000 licenciés ; pourquoi sont ils meilleurs que nous ?
    si quelqu'un à la réponse alors la France pourra espérer un jour le titre ...
    La dessus , tout le monde se tu .....

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  8. Bon allez, c'est le moment de se jeter à l'eau.
    Les élections seront closes samedi à midi.
    Qui voyez-vous l'emporter ? Florian Grill ou Didier Codorniou ? Et avec quelle marge ?

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    1. Se jeter à l'eau, pas la peine en ce moment.
      Suffit de sortir un peu le nez dehors, on est douchés.
      Allez, je tente: Grill= 1 Codorniou = 0 (les élections à la FFR, c'est comme la boxe pour le copain de Coluche: il a jamais gagné, mais une fois il a fait 2ème...)
      En fait je m'en fous un peu, tout ce qui compte c'est de savoir si enfin, un candidat va faire (un peu) ce qu'il a promis; soit oublier le rugby du Top14 et donner des pépètes au rugby amateur qu'en a ben besoin.

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  9. J’suis inquiet , on aurait vu Ritchie sortir du Macumba avec un bonnet sur la tête alors que ses coéquipiers du journal faisaient un tiercé au PMU des Copains.

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    1. A mon âge, un tiercé, Pierrot - pour ceux qui ne savent pas, Pierre-Marie Martinay est l'instigateur, l'orchestrateur et la légende vivante de "Comme Fous", voyage à l'intérieur de la Terre du Grand Canyon en 2002. Une odyssée qu'auraient aimé Jack Kerouac, Charles Bukowski, Henry Miller et Hunter S. Thompson.
      Boss, juste une précision : ici il n'y a plus de pseudo.
      Essaye, stp, de voir comment tu peux faire pour apparaitre dans toute la splendeur de ton magnifique patronyme... .-)

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