Pianiste virtuose éclectique, il était inclassable tant il embrassait tous les styles et toutes les formes. En trio - avec basse et batterie-, il ne demandait rien d'autre que de la fusion. Il n'effectuait aucune annonce, pas même le titre du morceau qu'il souhaitait interpréter. Ses "coéquipiers" devaient posséder l'oreille absolue et le rythme dans la peau (de leurs caisses claires). Une fois lancé, il changeait de thème et passait à un autre standard, choisissait une tonalité différente, modifiait le rythme, ajoutait ou retranchait des mesures. Ses solos s'étiraient jusqu'à ce qu'ils aient tout livré.
Ses accompagnateurs, sur la même longueur vibratoire, ont évoqué une "structure élastique" pour parler de ses multiples faces. Martial Solal, pianiste solaire, nous a quitté. Mais c'est le privilège des artistes que de rester avec nous tant que nous partageons leurs œuvres. En écrivant ses lignes comme on écoute une mélodie s'enrichir d'accords, j'ai pensé au rugby que j'aime, rugby d'improvisation, c'est-à-dire forgé par la maîtrise technique, la précision, la justesse, mais aussi la fusion, la joie et le partage.
Pourquoi les relances et les contre-attaques me parlent-elles davantage que les ballons portés et les pick-and-go ? Sans aucun doute parce qu'elles sont l'expression d'une inspiration initiée en toute liberté, reprise par quelques coéquipiers de proximité à l'écoute d'un changement de cap. Magie de la réunion, l'initiative d'un devient la clé de tous, la mélodie choisie s'enrichit et devient partition. Rien n'était prévu, tout se dessine dans l'instant.
Pour cela, il faut rester debout. Au sens propre et comme au figuré. Je ne déteste rien tant que les joueurs qui se jettent au sol pour assurer la conservation du ballon après avoir franchi un mètre ou deux, têtes baissées, comme si le jeu commençait et s'arrêtait à eux et avec eux. Ce que le rugby moderne a construit pierre après pierre, c'est un esprit collectif. La décision de William Webb Ellis de prendre le ballon à la main et de courir seul avec jusque vers l'en-but adverse - ce qui était fortement déconseillé à défaut d'être interdit - fut une trainée de poudre qui enflamma ce jeu. Derrière lui s'est engagé un coéquipier et puis un autre, tête haute, buste droit.
Le rugby est un sport de combat collectif - combat au sens philosophique. Il s'agit de dépasser nos propres limites, de penser d'abord, de concevoir ensuite, de réaliser enfin. D'accepter le contraire, l'adversité et l'opposition : elles sont structurantes et permettent d'avancer. Jouer au milieu des contraintes - adversaires, passe en arrière, règlement - s'apprend, et sans cette transmission de savoirs, celui qui n'a jamais tenu un ballon de rugby entre ses mains au milieu de partenaires, face à des défenseurs, sous la férule d'un arbitre et dans la compréhension du passage par l'arrière pour aller de l'avant, aura de quoi rester paralysé.
Combat, on le voit, livré avec pléthore d'options : jeu au pied long, court, haut, transversal ; jeu à la main dans l'axe ou au large, au ras ou en profondeur ; leurre, feinte, crochet, débordement ; affrontement ou évitement... Du premier regroupement difforme effectué sur le Big Side de l'université de Rugby au tout début du XIXe siècle jusqu'aux arabesques du French Flair dont le dernier avatar prend son envol dans l'en-but du Stade de France à l'initiative de Romain Ntamack face aux All Blacks il y a trois ans, le rugby a toujours su renouveler ses formes, se métamorphoser.
Ci-devant entraîneur du RC Toulon dont la culture est ancrée dans l'âpreté des packs, Pierre Mignoni avouait ce qu'il fallait de courage pour ajouter au combat frontal le défi latéral, approche "deleplacienne" qui nourrit désormais nombre d'équipes. Il n'y a aucune contradiction à situer le champ d'affrontement d'une ligne de touche à l'autre, au contraire. C'est à travers cette complexité - le tout est davantage que la somme des parties, tel que théorisé par Edgar Morin - que le rugby nous permet d'entrevoir ce qui fait un quand quinze s'agrègent.
Avancer, franchir, ballon en main, le porteur et les soutiens, proches ou lointains, tous adhérant à l'initiative, pour ma part que ce soit une succession de pick and go, dès lors que le mouvement reste continu, que ce soit un maul qui avance, structuré et rassemblant le collectif vers toujours le même objectif de la ligne adverse, ou un déployé grand côté qui trace l'arabesque sinueuse d'une chevauchée au rythme harmonieux, plein et délié à la fois, tout me va et j'apprécie l'ensemble.
RépondreSupprimerLa construction d'un maul ballon porté par exemple suite à touche, reste une mise au point tactique et technique de haut vol, qui n'ont rien à envier à des combinaisons plus aériennes et visuelles des lignes arrières, mais les uns et les autres relevant du même jeu et des mêmes objectifs. L'oeil certes, sélectionneur trompeur embrasse mieux et plus complétement les chevauchées plein champ, mais ce jeu est un tout et dans ce tout on ne peut séparer ce domaine-là plutôt que celui-ci.
Je viens de regarder ce matin le dernier match ST/ULSTER, exemple parfait de ce qu'un collectif au service du jeu peut produire, à la main ou au pied, sur les grandes largeurs ou l'axe profond plus resserré, avec un petit n°.9 toulousain, exemple parfait d'une charnière d'un passeur d'un transmetteur du ballon et du jeu, qui devrait faire parler de lui à l'avenir !!!!!!!!!!!!!!!
Je plussoie à cette remarque sur les joueurs qui commencent à tomber alors que le premier opposant est encore à 1 mètre, vite revenir à la vérité du jeu, à savoir que c'est à l'adversaire de tenter de te faire tomber, ce qui me semble bien le moins, non, et fidèle à W.W.Ellis.
A part ça, et Ô combien plus important ce soir Grenoble reçoit le CAB, et même si Broncan fait beaucoup tourner, je crois que les joueurs retenus ont une balle carte à jouer contre des Isérois qui apparaissent quand même comme un gros morceau en ces périodes de fêtes et d'agapes.
B
RépondreSupprimerChapeau/chapô l'artiste!
J'ai toujours aimé les chapôs😉
"Le chapeau (souvent écrit chapô dans le milieu de la presse) est un texte généralement court, présenté en plus gros et/ou en caractères gras, précédant le corps d'un article de presse1 et dont le but est d'en encourager la lecture, par exemple en résumant le message."
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chapeau_(presse_%C3%A9crite)
La particularité de Richard dans son blog, est de nous gratifier de titres et chroniques "travaillées". Et pour nous annoncer la parution de sa dernière chronique, certain.es reçoivent ce qui pourrait s'apparenter à un chapô.
Le message du jour était donc
"Improviser, c'est maîtriser. Du clavier au terrain, la partition n'est qu'un point de départ et certainement pas une finalité, quand jazz et rugby battent l'amble."
Auquel je répondrai de manière plus triviale par l'expression de Pierre Danos "Au rugby, il y a les déménageurs de piano... et ceux qui en jouent "
Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Danos
S'ils ont la même partition le concert peut être à la hauteur, et être à la hauteur en rugby c'est déjà pas si mal, toujours mieux que d'être un soliste, de plus pas toujours brillant, n'est-il pas.
SupprimerRichard, en te lisant , il m'est revenu le souvenir d'un concert dans mon village quand j'étais président du festival de musique , un concert d'Higelin en trio ...lui, juste magnifique au piano , une soirée de rêve ..
RépondreSupprimeret je peux affirmer que pour avoir passer toute la journée avec lui , Higelin était un 3/4 centre de génie car tu ne savais jamais où il allait déborder , cadrer , taper en touche; gentil, amical comme tous les grands joueurs de musique et de rugby ...mais si difficile à suivre ...
Pour retrouver un rugby d'évitement il faudrait que world rugby impose aux joueurs de ne plus dépasser 90 kgs et 1m90 ; autant dire aller à Lourdes et espérer un miracle pour que Bayrou ne soit pas censuré avant deux ans ....j'ai envie de rire tellement l'actualité est triste a pleurer ...bises à tous les amis et je ne vous oublierai pas dimanche avec le pape pour qu'il réalise vos prières ......ahahahhah
Richqrd en chef d orchestre ad efini les partitions le jeu mecanique repetitif et souvent absurde a lapproche de l en but des avants me fais penser a cette musique du rap au rythme monocorde repetitif scandant ses paroles ponctuees de rimes pauvres alors que le jeu ouverti ncite a la symphonie a l harmonieet les folles cavalcades de Bielle barrays assimile a des fugues la Walkirie du gazon nous spectateurs ont ne demandent qu a vibrer aux joueurs de rester bons interpretes
RépondreSupprimerQue dans les vestiaires on chante des psaumes offensifs
tout cela illustre la philosophie du grand BARCA OUI ON PREND DES BUTS MAIS ON SAIT QUE L ON PEUT EN MARQUER PLUS
N'étant pas plus grand connaisseur que ça in Jazz, ce Martial là je le connaissais pas sur la route des touches ivoires, à Marciac ou ailleurs.
RépondreSupprimerJe suis resté à Thelonious, Petrucciani, ou Keith Jarrett.
Depuis que le Jazz est jazz, certains sont bien sur sortis des sentiers battus pour le faire évoluer vers de nouvelles pistes, un autre La où la note invente d'autres volutes différentes apportant une autre agréabilité à l'ouïe, à l'encéphale.
J'aime bien l'image du rap et titif. Après, c'est comme les zests, c'est pour donner du goût. Point trop n'en faut.
L'in pro c'est l'impro, lorsque c'est adéquat et spectaculaire aux yeux, aux oreilles, c'est comme la pluie qui fait des claquettes.
Quand ça jazze, évidemment.
Jouer n'est pas gagner. Et quand tu connais les objectifs et impératifs de la gagne.
Avant le professionnalisme ça jouait beaucoup au pied pour avancer, pour le résultat. Depuis, avec la défense en ligne c'est une autre idée de la conquête, de l'avancée beaucoup plus musclée comme celle de l'ASB des années 70, des mammouths grenoblois de Fouroux.
Les évitements, les tchics tchacs, c'était pour les freluquets
Aujourd'hui le point d'ancrage c'est la défense loin d'être qu'un trompe l'oeil, qui a beau jeu à faire valoir la raison.
Quant à faire perdre la raison, il y a toujours ces aventuriers de Mars ou Vénus, sol air, pour décrocher la lune. De la fête, de l'agape, quoi.
Mais comme dans tout il y a pain blanc et pain noir, comme les touches d'un piano.
Et avoir de bons maîtres queux...
Pour moi, le premier c'est Erroll Garner. Dont j'ai écouté les disques à l'âge de 13 ans. Je me suis précipité sur la clavier pour essayer de comprendre comment il faisait et le copier.
SupprimerEt après Bill Evans.
Mais pour ce qui est d'apprécier les rois du clavier, il y en a tellement, Oscar Peterson me semble avoir toutes les qualités, il synthétise tous les styles.
Et bien sur Thélonious Monk, inclassable, créatif, décalé.
Erroll Garner devrait être remboursé par la Sécu.
SupprimerEt pourtant quand tu regardes des vidéos de ses concerts (par exemple le "Sweet and Lovely de 1963), cette fameuse main gauche qui marque si intensément les 4 temps n'a l'air de rien; mais quand tu écoutes, ça balance furieusement de tous les diables.
Après, Tatum bien sûr (Dieu !), Fats Waller, Nat Cole, Jamal, Newborn, Monk bien sûr.
Mais mon Dieu à moi, c'est Basie, pour la vie !
Ah le Jazz, pas que,de nos quinze ans.
RépondreSupprimerMartial Solal, Vander et les purs cinglés de Magma qui traînaient dans la vallée a l'époque, auront été les pygmalions qui nous amèneront aux grands anciens de la bas, aux States qu'on disait.
C'était pas salut les copains, pouvez m'en croire !
Et pour l'instant une grosse, une énorme pensée à mon VIP ( Véry Important Pillard) préféré, Léo, un de nos lecteurs , dans le dur à Mayotte pour l'instant.
Allez, une île oublié du bon dieu celle là !
Pensée vers toi et tes amis, Jan Lou
SupprimerL'UBB met du temps pour se mettre en place et faire taire l'Ulster.
RépondreSupprimerLBB le seul pour le moment comme Dupont à avoir de la marge de progression pour devenir 1 grand s'il n'a pas de grosse blessure.
Bien aimé la bonne agressivité de Retière.
Et Tatafu combattant
Ouaip,remuant le garçon, et Penaud sur le chemin du retour.
SupprimerAllez, un bon Bordeaux
Quel match, des rigolos ce Stade Français, et l'ensemble des 2 équipes du niveau de notre Federale...
RépondreSupprimerAbsolument d'accord avec toi : indigne d'une compétition inter-continentale.
SupprimerTu as raison Jan Lou , une pensée pour Mayotte car a coté de ce que vivent les mahorés , le rugby européen indigeste avec ces scores de "m..." est une peccadille
RépondreSupprimerNotre ami est en sécurité et travaille sans relâche pour sécuriser son école.
RépondreSupprimerUn chaos indescriptible, ou la chronique d'une catastrophe annoncée !
Allez Mamoutzou