Quel lien entre Flair Play,
les élections présidentielles de la FFR, le rugby français amateur, les Côtes
de Gasgogne et Michel Crauste ? Un passionné, Philippe Chalvet,
ancien première-ligne du RC Plaisir jusqu'en 1984, dont il est le vice-président
bénévole depuis quinze ans ; aussi secrétaire général du comité
départemental des Yvelines de 2000 à 2010, et dont le grand projet, mené à
bien, fut d'accompagner des enfants handicapés mentaux et physiques à
l'ensemble des matches de la Coupe du monde 2007 disputés au Stade de France et
au Parc des Princes.
Philippe, je l'ai rencontré au
travers de sa collection d'ouvrages commencée il y a une dizaine d'années sur
le rugby, «plus de quatre cents références, des ouvrages de langue
française, à partir du Grand Combat» jusqu'à La Confrérie des Gros
qu'il trimballe avec lui chaque fois qu'il passe par L'Equipe afin de le faire
dédicader par Jean-Chrisophe Collin.
Parce que la particularité
de sa collection c'est que chaque ouvrage est dédicacé par son auteur. C'est
ainsi que Philippe Chalvet tisse du lien. Supporteur inconditionnel du FC
Lourdes, lui l'ancien pilier et talonneur de Plaisir, il a créé une relation
privilégiée avec Michel Crauste. «J'ai rencontré Christophe
Schaeffer après avoir acheté son livre, Le rugby raconté à mon fils...» En
quête de dédicace. «Ce livre je l'ai envoyé à André Boniface, Guy Novès, André
Herrero et Michel Crauste, qui l'a relayé auprès de ses amis, à Lourdes.
Christophe et lui se sont rencontrés et de là est né Le Testament du Mongol,
sorti l'an dernier.»
Vous imaginez bien que Flair
Play, Philippe, il va aider à sa sortie (ne manquent que 5 % de budget pour lancer le premier numéro en décembre) en allant oeuvrer sur https://www.kisskissbankbank.com/flair-play-le-magazine-aux-regards-uniques-sur-le-rugby. «Car Christophe est un homme d'engagement. Et en plus on a joué dans le même
club, Plaisir.» Plaisir, Fédérale 3. Ecoutez plutôt ce qu'il a à dire, comme
Tautor avant lui, du rugby. A toi, Philippe !
Sur le rugby amateur en général, pour commencer ? «Hors des zones
«historiques», trop de clubs font le yoyo d’une division à l’autre. Les assises
financières sont difficiles à trouver. Des montées rapides sont suivies de
descentes toutes aussi rapides. C’est épuisant pour les dirigeants et les
joueurs. Qui plus est, il n’y a toujours pas de lecture de feuilles de match à
code-barres. On remplit ça comme lors d’un tournoi de pétanque de quartier. L’informatique,
ça soulagerait. Et ça gommerait les histoires de fausses licences. Entre autres...»
Concernant
la crise du bénévolat, Philippe Chalvet alerte : «Il faut du sang neuf.
Mais on ne trouvera plus quelqu’un au service d’un club pendant soixante ans.
On vit dans la civilisation des loisirs. Le samedi, on appelle les dirigeants
et on s’entend répondre : «Ah, non, je ne peux pas venir, je vais à la
piscine… » Le rugby, c’est un sport d’engagement et pas seulement pour se
balader habillé en Eden Park…» Les voilà habillés, du coup.
Au
sujet du calendrier amateur : «Il serait souhaitable d'éviter de jouer de novembre à
février, assure notre collectionneur. On n’attire personne. Ce serait plus
sympa d’organiser le Championnat à partir du printemps, avec des saisons plus
courtes et des distances moins grandes. Car on fait l’étoile, un coup au nord,
puis au sud, puis à l’est. Pour un trésorier, c’est terrible. Le meilleur
sponsor du club, c’est le propriétaire d’une compagnie de bus. Sur un budget, toutes
équipes confondues, c’est 50 000 euros car un bus coûte entre 700 et 1000
euros à chaque fois.»
Concernant
les élections : «Les clubs ont des difficultés à exprimer leurs difficultés,
avoue ce dirigeant bénévole. Parce qu’à l’intérieur, on ne se rend pas compte de tout. Je
regarde en quoi les candidats se distinguent. Mais les promesses
sont électorales. Pas un ne dit : «La première année, je fais un audit des
clubs. La deuxième année, j’obtiens une aide du ministère pour avoir des
conseillers techniques,» et ainsi de suite. Il y a des effets
d’annonce mais pas de langage de vérité. Mieux vaut cinq clubs dans un petit
périmètre que dix. Mais il faut préserver les dix écoles de rugby. Si les cinq
clubs élèvent leur niveau, on élèvera le niveau de formation et donc de
technique individuelle. Cela dit, si on appelle formation se rentrer dedans en
utilisant la différence de gabarit, c’est pas comme ça qu’on rattrapera le
décalage qu’on a avec d’autres nations.»
Alors
qui choisir comme président de la FFR ? «Les trois qui se présentent
ne sont pas des hommes neufs dans le rugby, note comme nous tous celui qui s'occupe de tenir la buvette et de préparer le déjeuner, chaque dimanche, quand Plaisir évolue à domicile. Alain Doucet a été Secrétaire Général de la FFR pendant 14 ans. Pierre
Camou, son seul fait d’arme c’est d’avoir rapproché Saint-Jean-Pied-de Port et
Saint-Etienne de Baïgorry. Bernard Laporte, c’est un meneur d’homme, mais en
dehors de ça ? J’ai l’impression qu’on est dans une logique de
Clochemerle. Une élection, ça se prépare deux ans avant avec un projet explicité.
Ca ne consiste pas à envoyer un courrier aux clubs.»
Nous
avons terminé notre café, puis récupéré des pages Vintage à L’Equipe, Salut, Sitjar, Guillard, Fourniols, Lafond, Herrero, Conquet, Barrière... Philippe
m’a offert une bouteille de Côtes de Gasgogne de chez Joël Pellefigue, un
domaine jadis cultivé en vigne par les Romains. Merlot, Cabernet Sauvignon et
Cabernet franc. Avec quoi me conseillez-vous de le déguster à notre santé et à celle de tous les bénévoles et passionnés qui peuplent le rugby ?
lundi 31 octobre 2016
lundi 24 octobre 2016
Ordo ab chao
World Rugby va devoir modifier sa nomenclature qui veut
que trois tiers constituent le tissu mondial. Cette hiérarchie instruit
principalement les records et si les All Blacks comptent désormais une nouvelle
ligne à leur palmarès, à savoir le nombre de rencontres remportées d’affilée -
dix-huit depuis samedi dernier - ça évite d’avoir à signaler que c’est faux puisque
le record absolu appartient à Chypre, vingt-quatre victoires consécutives.
A placer dans les miscellanées ovales, certes, mais rafraîchissant par les
temps qui courent aussi vite que Julian Savea.
Depuis que
le rugby s’est mondialisé sont apparus les Japonais ; et Ohata en tête des
meilleurs marqueurs d’essais devant David Campese. Il a fallu donc modifier la hiérarchie et c’est heureux puisque les Brave Blossoms sont capables de faire chuter
l’Afrique du sud en match officiel, comme ce fut le cas à Brighton, l'année dernière à pareille époque. On hésitera
cependant à faire se rencontrer les Chypriotes et les All Blacks. En parlant de
rencontre, j’avais eu le temps de discuter avec Daisuke Ohata à Brighton,
justement. Il était assis aux côtés de François Pienaar et de George Gregan,
très courtisés par les médias dans cette salle de presse du Falmer Stadium dont
je garde un chouette souvenir.
Ohata stoïque,
visage émacié, regard ébloui comme celui d’un faon dans les phares d’une
voiture en pleine nuit, réduit à se placer dos au mur pour ne pas déranger,
accompagné d’une traductrice qui ne connaissait rien au jeu de balle ovale et
souffrait pour nous proposer une version anglaise des propos de celui qui est
considéré comme une relique sacrée au pays du soleil levant, mais incapable d’aligner
deux mots dans la langue du rugby.
Un débit façon Kazuo Ishiguro pour la douceur du phrasé, lumière pâle sur la colline de
Brighton, l'allure de Yukio Mishima pour la confession poussive derrière le masque
et la posture raidie par l’embarras d’avoir à se livrer. Pour vous dire que les
records ne sont pas ce qu’on leur donne, c’est-à-dire beaucoup de pouvoir d’évocation
dans ce rugby contemporain marqué par les statistiques, les analyses chiffrées et
les géolocalisations par GPS. Que tout cela est très satellite...
Je préfère
aux créations assistées par ordinateur le lâcher prise d’un Clermont – Bordeaux
en version européenne, désaxé à l’heure de jeu, cette libération soudaine des
carcans pour laisser libre cours à l’imagination, à l’improvisation et aussi
au bricolage d’un Rougerie troisième-ligne centre réalisant une performance de
premier choix, lui le remplaçant décentré.
A l’origine,
je pensais vous livrer ce qui ressemble à un cauchemar, celui des joueurs
bientôt casqués avec deux écouteurs intégrés pour écouter les directives du
coach et prendre connaissance de statistiques et d’indications. Du genre, à
Clermont : «Morgan, tente la pénalité, elle nous qualifie pour la phase
finale» ; à Montpellier, «Jacques, jump on 3, they’ll throw there» ; à
Toulouse, «Jean-Marc, l’ailier côté ouvert est avancé, tape profond !»
Tout
est parti d’une phrase de Mike Ford, le nouveau manager du RC Toulon en lieu et place de Diego Dominguez, vendredi dernier, dans L’Equipe : «Il faut jouer à partir du
chaos. La clé est qu’au premier coup d’œil chaque joueur sache ce qu’il doit
faire.» Le ordo ab chao des Anciens, chaos conçu comme l’opposé du cosmos, construction
divine et parfaite. Ce chaos qui permit l’explosion de onze essais, autant d’irruptions
volcaniques. Je vous laisse avec cette pensée : déstructurer pour (re)créer. En nous y prenant bien, ça peut nous occuper la semaine.
Post scriptum, ce rappel au soutien du nouveau magazine rugby, Flair Play, bimestriel qui attend votre obole
pour assurer sa parution, début décembre. Plus que 13 % de budget à trouver. Œuvrez en allant sur https://www.kisskissbankbank.com/flair-play-le-magazine-aux-regards-uniques-sur-le-rugby.
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