Ou comment parvenir à susciter en deux ans à peine de l'indifférence au mieux, du dégoût au pire. Dimanche, pour ses débuts à l'Altrad Stadium cette saison, Montpellier s'est incliné face à Clermont et sort des clous. J'ai entendu comme un énorme éclat de rire, des persifflements aussi. Ca taille et ça coupe. Cette défaite s'inscrit dans un chemin de croix, le genre de station où le battu se fait poser une couronne d'épines et, regardant autour de lui pour trouver un linge afin de sécher ses plaies, ne peut qu'essuyer des quolibets.
A Rennes, lors des demi-finales de la saison passée encore toute proche, personne en tribune autour de moi n'avait envie que les Héraultais déboulent à Barcelone. En cherchant un peu, la raison de ce rejet finit par apparaitre : le MHR si peu Du-Manoir personnifie l'extrémité du rugby professionnel telle que les nostalgiques du ballon en cuir beige la craignent. A l'évidence sa destination sur la voie empruntée depuis 1995 et la renaissance du Stade Français associé pour la gangue au CASG.
Il a fallu que Toulon recrute une équipe internationale de Barbarians en fin de carrière pour parvenir au titre de champion de France après avoir d'abord laminé trois fois l'Europe en guise d'apéritif s'éternisant. Le Stade Français de Max Guazzini l'avait fait avant lui, mais dans un autre registre, récupérant d'abord autour de Laporte les laissés pour compte, les bannis, les oubliés, puis la crème du vieux continent, Dominguez, Parisse, Haskell (par exemple) avant de faire éclore sous Savare le repreneur une très belle génération bleue capable de soulever Brennus. Rien ne se perd.
En juin, ce fut au tour du Racing d'être sacré à l'issue de dix saisons d'investissements recrutés tous azimuts, de Chabal à Carter, de Berbizier aux Lolos pour finalement trouver la martingale qui consiste à jouer à quatorze avec un demi de mêlée néophyte et finir avec un droitier à gauche, ce que d'aucuns coquins exploiteraient en métaphore si le temps n'était pas au politiquement correct. Il se dit, du côté du Plessis-Robinson, que ce titre offre enfin au président-contributeur le sommeil de la reconnaissance.
Alors imaginez la tête de Mohed Altrad. Lui aussi a sauvé par ses deniers un club en péril, lui aussi a recruté et dégraissé comme rarement on l'a vu dans le rugby français, lui aussi rêve du bouclier pour se donner légitimité, et d'abord celle de l'entrepreneur. Comme ses prédécesseurs. Tout engagement financier mérite récompense, croit-il, précepte capital. Car libéralisé, avec son hymne, sa constitution (on dit convention en langue d'ov), sa planification stratégique à sept ans, et pourquoi pas bientôt son drapeau, le rugby pro souhaite valoriser les actions. Altrad, qui a fait signer de conserve des sévèrement burnés, attend donc avec impatience que la bourse lui soit favorable.
La défaite de Montpellier fait jaser. C'est de bonne guerre et j'avoue m'être enrôlé dimanche soir. Mais il y a quelque chose d'inéluctable dans l'injection d'euros, nonobstant cet accroc en ouverture à domicile. Après le Stade Français glamour, Toulon barbarian et le Racing béton, Montpellier est le modèle quatrième génération qui a choisi une veine pour s'imposer, sud-africaine du coach au capitaine au prénom de chancelier impérial que l'on ne nomme pas mais qui règne dans le vestiaire et au cul des ballons portés.
Montpellier sera champion de France, c'est inscrit sur les tables de multiplication. Cette saison, ou la suivante, après l'incurie, quand débarquera le successeur de Jake White. Qu'après, satisfait, repu et las, Mohed Altrad quitte son stade pour une autre aventure est dans l'ordre des choses, et Montpellier deviendra alors le Biarritz de la Méditerranée, menacé par la police Fédérale. Carrières rugbystiques refermées, Trinh-Duc, Tomas, Picamoles et Ouedraogo seront consultants pour la télévision, et on se demandera entre nous en les écoutant ce dont le MHR des piqués de Saint-Loup aurait été capable avec eux conservés.
lundi 29 août 2016
dimanche 21 août 2016
Tous Hansen
On peut
apprécier le coup d’envoi du Top 14 du côté de Jean-Bouin,
Marcel-Deflandre et Jean-Dauger, et se demander quel jeu pratiquent les All
Blacks ; à l’instar des Fidjiens à 7 olympique, c’est un rugby qui désormais leur
appartient, un rugby qu’ils ont défriché, peaufiné, affiné, et qu’ils expriment
à la perfection, même si on entend déjà, en Nouvelle-Zélande, leur coach Steve
Hansen n’apprécier que la première période, façon de demander à ses joueurs,
qui recevront l’Australie samedi à Wellington, d’accélérer jusqu’au coup de
sifflet final.
Il est
ainsi, Steve Hansen, subtil, calme, posé, malin. Passé par La Rochelle - ce qui
forme son homme (je sais, c'est facile) -, à un poste, trois-quarts centre, dont il n’a ni le physique,
ni la vitesse, ni la vista, et policier de son état, il est surtout polissé.
Urbain, quoi. Et modeste avec ça. Son passé de joueur l’y encourage, certes, mais c’est
d’abord dans ses gènes, la modestie. Champion du monde en 2015, la légende
urbaine l’accompagne.
Hansen est
un coopératif empathique. Il pose des questions à ses joueurs et attend des réponses.
Sans impatience. A son contact, les plus intelligents de ses sélectionnés
deviennent des leaders et quand ils sortent de réunions - vous savez cet
endroit dans l’hôtel des All Blacks où l’équipe adverse a caché un micro -, ils
ont l’impression d’avoir fait avancer leur équipe, d’avoir trouvé des solutions
tactiques, posé et cimenté une pierre à l’édifice, cette maison noire dont
ils sont les locataires.
Chez Hansen,
on s’exprime. Raisonnablement. Et on ressent la confiance qu’il met en vous,
surtout si vous travaillez avec lui comme adjoint, par exemple. Ceux qui le
connaissent de près ont une expression pour définir son action : «l’entraîneur
hélicoptère». Il survole. Ne prend pas de recul mais de la hauteur.
Pour mieux laisser le staff dont il a la charge gérer les entraînements.
Après Graham
Henry, champion du monde en 2011, puis Hansen, son adjoint devenu à son tour
orchestrateur et sacré en 2015, les Néo-Zélandais devront se choisir un nouvel
entraîneur dans trois ans, une fois le prochain Mondial terminé. Ils sont nombreux en lice : Joe Schmidt (Irlande),
pour commencer, Warren Gatland (Galles), Jamie Joseph (Japon). On parle aussi
de Vern Cotter (Ecosse) et de Dave Rennie (Glasgow Warriors). Mais, d’après mes
confrères néo-zélandais, la continuité sera la clé de l’avenir.
Il a été l’un
des meilleurs ouvreurs (on dit « first five-eight », en langue ovale)
de la Nouvelle-Zélande entre 1985 et 1998. Jamais sélectionné avec les All
Blacks, ce qui fait de lui le Patrick Nadal ou le Eric Blanc du rugby kiwi.
Depuis 2012, il est un discret adjoint d’Hansen. Il ? Ian Foster. S’ils
remportent le titre mondial en 2019, les All Blacks pourront dire qu’ils ont
trouvé une martingale. Et souhaiteront l’utiliser encore.
Quand nous
avons cassé le début de dynamique créée par Pierre Villepreux (finale de Coupe
du monde en 1999) en intronisant Bernard Laporte, puis de nouveau brisé huit
ans du fêlé de Gaillac - qui avait néanmoins su construire une structure autour de Jacques
Brunel - en lançant le néophyte Marc Lièvremont (finale 2011), rattrapé par PSA
et son mauvais plan, il est évident que le rugby français de la FFR conçu à
Marcoussis fonctionne en rupture, sans vision, sans transmission. Les
Néo-Zélandais, eux, font exactement l’inverse. Et quand une génération
magnifique (Carter, McCaw, Smith, Nonu, Mealamu, Vito) tourne la page, une nouvelle
écrit immédiatement après la sienne de façon tout aussi brillante. Dans le même grand livre.
Comme
twittait si justement, avec l’humour qu’on lui connait, mon ami Antoine Aymond (renvoi
aux 22), ce n’est pas un micro qu’il fallait poser dans la salle de
réunion des All Blacks à Sydney, la semaine dernière, mais bien une caméra
au-dessus du terrain d’entraînement de la Grammar School d’Auckland, vivier de
l’équipe nationale néo-zélandaise.
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