Tous les ans, quand le rugby se présente à la
mi-juillet pour les feux d’artifice, le bal populaire et les flonflons,
Jean-Pierre Rives, qui ne chante pas La Marseillaise et son « son
sang impur » qui « abreuve nos sillons » par
conviction personnelle - lui qui a tellement saigné sur les terrains, s’y
jetant à corps perdu au point d’y laisser un oeil et une épaule - évite de
répondre au téléphone et se délecte de l’entrée des bateaux de pêche dans la
péninsule de Tiburon.
Les capitaines du XV de France qui lui ont succédé depuis Philippe Dintrans l’avouent : « notre modèle, c’est Jean-Pierre Rives ». Ce qui ramène le flamboyant ensanglanté à sa condition de panthéonisé de son vivant. « J’ai plutôt l’impression qu’ils se sont fait une idée de moi, constate l’ancien troisième-ligne aile. Parce que, pour vous dire la vérité, je m’en suis sorti grâce aux autres. » Il parviendrait presque à nous faire croire qu’il fut objet et non sujet, à l’écouter : « ce sont mes coéquipiers qui s’en sont sortis, pour moi. »
Par une de ces coïncidences qui fait passer le sportif au rang de héros malgré lui, l’apport de Jean-Pierre Rives est gravé dans le marbre des commémorations obligées quand s’annonce, chaque année, le 14 juillet. Eden Park d’Auckland, sa lumière dorée, ses mouettes. 1979. Mes vingt ans. Gallion, Codorniou, Joinel, Dintrans, Dubroca, Aguirre, les autres, et Rives. Catalyseur. « Sans doute parce que j’avais concentré en quelques phrases l’espèce de sentiment qui émanait de l’équipe, reconnait-il. Mais je peux vous assurer que n’importe qui d’autre que moi aurait pu dire ou faire ce que l’on m’a prêté… »
Juillet, ses listes et son calendrier qui ne nous laissent pas souffler tellement la perspective d’août annonce trop vite une nouvelle saison, devrait se nourrir de vide alors qu’il nous remplit de vacuité. C’est bien pourquoi la légende est toujours plus belle que la réalité. «Et il vaut mieux rester dans la légende, lâche Rives. Finalement, je ne sais pas si ce serait sympa de passer une soirée avec Marilyn Monroe. Mieux vaut rester avec l’idée que l’on se fait d’elle… » D’ailleurs, elle m’attend, alanguie, sur la plage.
Nous observons, autant que nous sommes, mais que voyons-nous ? Jusqu’à quel point sommes-nous décalés de la réalité de ce jeu ? Rives, encore, pour conclure cette pause vacancière, remarquait, étant sorti du terrain, que le public « ne comprend pas ce qui se passe réellement » car « il voit autre chose. » C’est donc ce qui constitue la légende ? « On ne peut pas voir la même chose parce qu’on ne regarde pas dans la même direction, note-il. Les spectateurs regardent les joueurs, les joueurs regardent le ballon, le ballon ne regarde personne et il rebondit où il veut. En plus, maintenant, tu as des stewards, dos au match, qui regardent le public. Finalement, dans un stade, il y a plein de gens qui regardent des choses différentes. Et tout ça tient à un regard. »
Pourquoi le rugby nous parle-t-il ? Et surtout de quoi nous parle-t-il ? Qu’y a-t-il dans ce miroir qui capte notre regard ? Depuis une lointaine province méditerranéenne au sud de laquelle je vais bientôt retrouver notre Tautor national, j’aurais envie d’écrire que nous aimons ce sport parce qu’il prolonge l’idée que nous nous faisons de nous-même dans l’adversité et dans la solidarité, dans les questions que nous nous posons et les réponses que nous souhaitons y apporter. Délocalisés sur une autre aire de « je ». Mais constitués en équipe. Je vous en prie, fête.
Message aux abonnés : laissez une adresse mail sur votre profil afin que nous puissions entrer en contact et échanger directement si besoin. C'est l'idée.
Les capitaines du XV de France qui lui ont succédé depuis Philippe Dintrans l’avouent : « notre modèle, c’est Jean-Pierre Rives ». Ce qui ramène le flamboyant ensanglanté à sa condition de panthéonisé de son vivant. « J’ai plutôt l’impression qu’ils se sont fait une idée de moi, constate l’ancien troisième-ligne aile. Parce que, pour vous dire la vérité, je m’en suis sorti grâce aux autres. » Il parviendrait presque à nous faire croire qu’il fut objet et non sujet, à l’écouter : « ce sont mes coéquipiers qui s’en sont sortis, pour moi. »
Par une de ces coïncidences qui fait passer le sportif au rang de héros malgré lui, l’apport de Jean-Pierre Rives est gravé dans le marbre des commémorations obligées quand s’annonce, chaque année, le 14 juillet. Eden Park d’Auckland, sa lumière dorée, ses mouettes. 1979. Mes vingt ans. Gallion, Codorniou, Joinel, Dintrans, Dubroca, Aguirre, les autres, et Rives. Catalyseur. « Sans doute parce que j’avais concentré en quelques phrases l’espèce de sentiment qui émanait de l’équipe, reconnait-il. Mais je peux vous assurer que n’importe qui d’autre que moi aurait pu dire ou faire ce que l’on m’a prêté… »
Juillet, ses listes et son calendrier qui ne nous laissent pas souffler tellement la perspective d’août annonce trop vite une nouvelle saison, devrait se nourrir de vide alors qu’il nous remplit de vacuité. C’est bien pourquoi la légende est toujours plus belle que la réalité. «Et il vaut mieux rester dans la légende, lâche Rives. Finalement, je ne sais pas si ce serait sympa de passer une soirée avec Marilyn Monroe. Mieux vaut rester avec l’idée que l’on se fait d’elle… » D’ailleurs, elle m’attend, alanguie, sur la plage.
Nous observons, autant que nous sommes, mais que voyons-nous ? Jusqu’à quel point sommes-nous décalés de la réalité de ce jeu ? Rives, encore, pour conclure cette pause vacancière, remarquait, étant sorti du terrain, que le public « ne comprend pas ce qui se passe réellement » car « il voit autre chose. » C’est donc ce qui constitue la légende ? « On ne peut pas voir la même chose parce qu’on ne regarde pas dans la même direction, note-il. Les spectateurs regardent les joueurs, les joueurs regardent le ballon, le ballon ne regarde personne et il rebondit où il veut. En plus, maintenant, tu as des stewards, dos au match, qui regardent le public. Finalement, dans un stade, il y a plein de gens qui regardent des choses différentes. Et tout ça tient à un regard. »
Pourquoi le rugby nous parle-t-il ? Et surtout de quoi nous parle-t-il ? Qu’y a-t-il dans ce miroir qui capte notre regard ? Depuis une lointaine province méditerranéenne au sud de laquelle je vais bientôt retrouver notre Tautor national, j’aurais envie d’écrire que nous aimons ce sport parce qu’il prolonge l’idée que nous nous faisons de nous-même dans l’adversité et dans la solidarité, dans les questions que nous nous posons et les réponses que nous souhaitons y apporter. Délocalisés sur une autre aire de « je ». Mais constitués en équipe. Je vous en prie, fête.
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