dimanche 27 septembre 2020
Imola, inoubliable
Enlevez-lui casque et lunettes, et voilà qu'il ressemble soudain à un jeune Poilu revenu du front, cette ligne qui fait basculer au hasard les combattants. Sur la bande d'arrivée il s'offre, crucifié par la portée d'un exploit qu'il ne parvient pas encore à cerner, à mesurer, à s'approprier vraiment. A peine descendu de selle, il demanda à joindre sa "maman" parce qu'au plus fort moment de votre existence, vous appellez toujours ceux qui vous ont mis au monde.
Julian Alaphilippe a été sacré champion du monde à Imola, dimanche, là même où un autre immense champion, Ayrton Senna, a perdu la vie au volant. Le sort les associe à distance, au bout d'un virage. Marié à la sueur et aux larmes, le sport a en commun avec l'art une puissance évocatrice qui touche à l'essentiel, au sublime de simplicité à travers l'immense effort consenti pour accéder au sommet, cette action extra-ordinaire qui consiste à séparer le commun du superbe pour finir par les associer, sans avoir l'air d'y toucher.
Au coeur de la crise sanitaire qui nous plombe, le sport a été le grand oublié de cette affaire politico-médicale. Passe encore qu'il n'existe pas de ministère concerné, c'est amer, mais nous survivrons à cet oubli volontaire. En revanche, le sort fait à cette activité, à ceux qui l'aiment et la pratiquent, qui transmettent ses valeurs comme ses vertus, a de quoi nous interroger à défaut de nous révolter puisque d'autres sujets sont prioritaires. Mais qu'on y réfléchisse : que nous dit la victoire de Julien Alaphilippe ?
Elle magnifie un sport perpétuellement décrié, elle raconte l'opiniatreté d'un homme marqué par les déboires, les échecs et les peines, elle pose une douce lumière sur l'équipe de France alors même que les meilleurs spécialites et les plus grandes figures regrettaient, naguère, la décrépitude du cyclisme français et le peu de charisme de ses meilleurs pédaleurs. Elle nous dit qu'il n'y a jamais d'espoir éteint ni de fatalité promise. Qu'un homme seul, échappé volontaire, n'est rien sans la préparation de tous, les choix du sélectionneur, le plan stratégique, l'intelligence tactique collective, le sacrifice de ses pairs et l'esprit d'équipe insufflé dans chaque tour de mollet.
Nous avons vécu image par image son attaque fulgurante, son écart resté minime - entre dix et treize secondes - pendant quinze kilomètres, c'est-à-dire une éternité, et c'est long une échappée pour l'éternité quand elle roule au ralenti. Nous avons appuyé chaque coup de pédale avec lui, nous nous retournions comme lui, un tas d'idées nous ont traversé l'esprit pendant que nous descendions sur Imola et son circuit d'amplitude et de larges courbes dans une Emilie-Romagne valonnée qui restera gravée sur son pédalier.
Le succès de Julien Alaphilippe nous parle de nous, de sport, d'équipe, de la capacité du champion à se sublimer devant la meute, d'aller chercher au plus profond de son être les ressources inconnues, oubliées, cachées, qui séparent la performance de l'exploit, ce long trajet des machoires serrées à la coupe, de la descente en soi forcément égoïste le temps de l'effort jusqu'au partage sans fard, au naturel. Et c'est bien cette force désarmante, une fois la ligne franchie, qui nous a inondé de bonheur, tous autant que nous étions.
Puisse ce titre mondial dans un sport individuel décerné au plus grégaire des cyclistes français, puisse l'aboutissement de toute une carrière posée sur le socle d'une équipe de France dévouée à la cause d'un seul avant même le départ fictif inspirer le XV de France, lui aussi composé de personnalités, d'égos, d'individualités, dans sa quête du trophée Webb-Ellis. Puisse ce moment puissant - où seul au moment de franchir la ligne d'arrivée pour l'emporter Julian Alaphilippe était rempli de pensées vers tous ceux qui l'ont construit et constitué - servir de référence à tous les internationaux tricolores qui se cherchent un présent et imaginent leur futur.
Longtemps, le rugby français a été un modèle quand il s'agissait d'évoquer ce que le sport avait de meilleur, de plus sain, de moins trafiqué. Aujourd'hui, il a tout intérêt à puiser sans restriction dans ce que ses cousins du football, du handball et du cyclisme lui offrent depuis deux décennies s'il veut enfin quitter l'ornière dans laquelle il reste plongé par sa propre faute, miné qu'il est par les affaires, les querelles de pouvoir, les rapports de force, les luttes intestines, les intérêts divergents et les petites phrases assassines.
Bras en croix, regard levé au ciel, exalté par l'effort jusqu'au bout de lui-même, s'offrant quelques secondes d'éternité, Julian Alaphilippe n'était pas seulement un cycliste, dimanche : il symbolisait ce que le sport a de plus attachant à nous transmettre, une intention silencieuse, un rai de lumière, un petit miracle soudain désarmé. Si tranchante est la lame qui sépare le déclin du prestige qu'elle nous pousse parfois au renoncement, Imola nous rappellera longtemps, sur cette ligne d'arrivée, qu'il ne faut jamais oublier nos rêves en route.
mercredi 23 septembre 2020
A tous coeurs
Si l'actualité rugbystique domestique s'articule autour de gardes à vue qui obstruent la perspective des demi-finales européennes - lesquelles représentent la loi du terrain sans laquelle rien ne palpite - notre coeur ovale bat heureusement au rythme des passions. Quand tout s'emballe et dérape, nous avons besoin de garde-fou et quoi de mieux que de beaux instants de lecture prolongée pour retrouver l'essence de ce jeu.
C'est ainsi que l'ouvrage ciselé du duo Borthwick-Fernandel intitulé Au coeur de la fougère (éditions Au vent des îles) débarque à point nommé. Ian Borthwick, mon ami, nous a tous initié aux subtilités et aux arcanes du rugby kiwi dès son arrivée en France il y a trente-cinq ans. Professeur d'histoire, ses origines écossaises pur malt imposaient que le voyage initiatique engagé avec son compère commence à Dunedin, "la colline d'Odin", petite soeur d'Edimbourg (Edinborough), foirtification calédonienne dédiée à ce dieu des sagas scandinaves.
A ma grande surprise, ce n'est pas l'ancien grand reporter de L'Equipe, passé par Midi-Olympique et Libération, qui a plongé sa plume dans l'encre noire mais Vincent Fernandel, fils de Franck et petit-fils du célébre acteur dont il creuse la veine dans le théatre et l'audiovisuel. Ian, lui, dont je connais l'étendue des talents, nous gratifie de photos vibrantes posées avec délicatesse dans un texte à la fois sensible et hilarant, émouvant et décalé, privilège de profane tombé soudain amoureux d'un territoire, d'une histoire, d'une fusion entre rugby et tradition.
Jamais ces îles du long nuage blanc n'ont été ainsi mises en valeur, c'est-à-dire labourées et parcourues jusqu'à faire naître pour le lecteur des fruits étonnants et uniques qu'il ne nous reste qu'à cueillir délicatement au fil des pages, de surprises en découvertes. Nous nous arrêtons chez Graham Mourie et Brian Lochore à leur invitation, nous retrouvons Kees Meeuws, Dan Carter et Michael Jones, nous redessinons la légende de Nepia et celle d'Ellison. Si ce n'était que cela, ce serait déjà remarquable. Mais il y a tout le reste.
Tout le reste, c'est justement le coeur de la fougère, la culture Pacifique, l'héritage maori mais pas que ; c'est une vibration qui relie la terre, les êtres et le ciel que j'avais juste captée dans Rugbyland en 2011 (éditions Philippe Rey), que l'écrivain Charles Juliet avait si subtilement pénétrée dans son journal Au pays du long nuage blanc (POL, 2005) et que le duo Fernandel-Bortwhick magnifie là au point qu'il est possible d'en être traversé par le simple fait d'ouvrir ce magnifique document au hasard d'une page.
Ce voyage ne se raconte pas, il se vit. Et c'est l'exploit des duettistes que de nous faire partager, en compagnon, cette route du sud au nord, de Dunedin à Cap Reinga. Je le suppose, ils avaient cent haltes à effectuer, mais ils ont choisi une ligne conductrice en dix-sept stations tracée telle une veine qui palpite et nous irrigue, une chemin qui nous initie à l'ovalité quand elle ne porte haut que de forts symboles - transmission, filiation, respect, engagement, humilité.
A l'heure où le rugby français s'encalamine dans la crasse et la basse politique, où nos instituations entrent en guerre fraticide, où l'équipe de France doit se conformer à la loi de l'élite, où l'économie de marché passe avant toute considération humaine, où la rentabilité s'impose à l'appel du maillot, un tel livre nous invite à retrouver la source, celle de nos émerveillements, de nos plaisirs. Cette source un peu houblonnée qu'on déguste à Puhoi, accoudé au comptoir d'un pub de bûcherons et de piliers entre Auckland et Whangarei.
On dit souvent qu'en Nouvelle-Zélande, le rugby est une religion. C'est vrai. Une religion non pas transcendante mais immanente, une religion qui aide à regarder autour de soi, une foi dans l'horizontalité, là où se trouvent les autres, tes coéquipiers, tes adversaires, tes partenaires, ceux qui te font parce qu'en rugby, tout seul tu n'es rien. Une croyance ovale qui s'enracine comme les crampons s'accrochent au sol, à la terre, au terrain, à ce qui nous porte. Et nous tient. Finalement.
lundi 14 septembre 2020
L'un dans l'urne
C'est comme si nous voulions l'éviter. Comme si cette élection fédérale encombrait le paysage dévasté par le coronavirus. Comme s'il ne suffisait pas de combattre la contamination, voilà qu'une lutte supplémentaire s'impose dans un calendrier déjà surchargé par la querelle des test-matches, le casse-tête des reports sur fond de jauge sanitaire et de mise à disposition des internationaux. On a connu contexte plus serein sans qu'il faille y ajouter la perspective d'une lutte politique entre deux candidats à la présidence de la FFR dont on perçoit que les éclats de voix montant crescendo risquent malheureusement d'atteindre un paroxysme à l'heure même où le XV de France - qui bénéficiait d'un petit crédit après dix ans de galère - sera engagé sur le terrain dans la voie du rachat, histoire de finir dans le chapeau des têtes de série lors du tirage au sort des compositions de poules de la Coupe du monde 2023 que, justement, la France organise sur son territoire.
C'est malheureusement bien là où tout s'emmêle. Jamais dans l'histoire du rugby français un entraîneur national n'a affiché aussi clairement que Fabien Galthié son soutien au président sortant. Il existe une frontière entre le sportif et le politique : elle a été franchie et je suis surpris que personne ne s'en émeuve vraiment. Que l'ancien demi de mêlée et capitaine tricolore fasse preuve de gratitude envers celui qui l'a nommé, rien que de très normal, Marc Lièvrement et Guy Novès le firent avant lui en direction de Pierre Camou, et nous ne parlerons pas du lien quasi-filial qui existait entre Albert Ferrasse et Jacques Fouroux jadis. Mais que le sélectionneur du XV de France mette son poste dans la balance a de quoi déstabiliser. C'est peut-être tout l'objet de cette annonce, d'ailleurs.
Sans Bernard Laporte, prenant le meilleur sur Pierre Camou en décembre 2016, jamais la France n'aurait été capable de remporter une candidature pour organiser de nouveau après 2007 une Coupe du monde. Pas sûr, aussi, que les clubs, tous les clubs, auraient eu la possiblité de s'exprimer par le vote comme c'est le cas aujourd'hui, Pierre Camou et son "gouvernement" préférant assurer à l'époque une démocratie censitaire avec l'aide des gros porteurs de voix, caciques régionaux en charge de baronnies, toile politique inventée par les Jeunes Turcs en 1966, Moga, Laurent, Pébeyre, Dassé, Batigne, Bourrier, Basquet, Ferrasse...
Quoi qu'il advienne le 3 octobre, qu'elle que soit la légitimité de Florian Grill à contester la politique fédérale actuelle, quels que soient les griefs adressés à l'actuelle gouvernance, aussi logique que soit la volonté de l'actuel président de la FFR à poursuivre encore quatre ans des actions qu'il a eu le mérite d'initier, et donc qu'elle que soit l'issue du vote, Coupe du monde 2023 et démocratie participative resteront gravées au crédit de Bernard Laporte.
Mais le calendrier, dans une concentration inédite de dates et de rendez-vous sportifs autant que politiques, n'avait pas besoin d'un mélange des genres pour signaler sa violence, voire la redoubler. On entend chaque semaine via les différents meetings sonner les critiques que s'adressent les deux camps, relayées par les réseaux sociaux comme des milliers de clairons sur le champ de bataille. La ligne de front se rapproche jour après jour sur fond de sondages en trompe-l'oeil, et si le 3 octobre nous semble encore loin, ce n'est qu'une illusion d'optique : le choc est imminent. Et voilà que le XV de France se place au milieu du clash...
A trois ans du coup d'envoi de la Coupe du monde en France, Fabien Galthié serait donc prêt à abandonner son poste, s'éloignant d'un si beau rêve qu'il a caressé depuis tant d'années comme on soigne une cicatrice ? On peut en douter. Mais l'annonce, elle, est bien réelle. Rien qu'en une phrase, le sélectionneur national a ébranlé l'édifice dont il avait contribué à assurer l'équilibre jusque là instable. Et comme ce ne sont pas un Top 14 et une ProD2 soumis quotidiennement aux reports sur fond de guerre LNR/World Rugby qui nous apportent volupté, j'avoue qu'il ne nous reste peu d'espoir de retrouver un début de calme d'ici la fin de cette année mouvementée.
Depuis que Fabien Galthié a prononcé cette petite phrase comme on instille un poison subtil, nombreux sont les entraîneurs qui s'imaginent de nouveau - et sans aucun doute à leur corps défendant - un destin en bleu. Ce qui ajoute à la confusion ambiante. Car tout comme Bernard Laporte avait assuré que Guy Novès n'était pas menacé s'il était élu, Florian Grill a déclaré n'avoir rien contre Fabien Galthié. Les déclarations de campagne ressemblent parfois à des promesses. Comme l'a déclaré un jour Henri Queuille, trente fois ministre, elles n'engagent que ceux qui les écoutent. Parce qu'elles ne valent que pour ceux qui y croient.
lundi 7 septembre 2020
Debout, l'effort
Le retour de l'Ovale s'accompagnerait donc d'une tendance au sifflet, et les pénalités - ainsi que les cartons - se sont davantage multipliées que les décalages en bout de ligne durant cette si attendue première journée d'un Top 14 dont nous avions perdu le goût depuis plus de six mois. La faute, entend-on derrière les talenquères, à la nouvelle - une de plus - interprétation de la règle du jeu au sol. Cette fois-ci, elle privilégierait le défenseur et non plus l'attaquant.
J'adore le rugby pour de multiples raisons, dont les premières remontent à l'enfance et la dernière à l'attitude très digne de Romain Ntamack à l'issue d'un match que son caractère domina. Mais aussi - c'est plus récent car il m'a fallu le comprendre comme un changement de paradigme vital par essence - pour ses contre-pieds incessants, ses inflexions, ses réadaptations au règlement tellement complexe qu'il peut alimenter mille subtilités pour qui veut bien les replacer sur l'enclume.
L'arbitre est au marteau ce que le sifflet est à la philosophie : si vous n'y comprenez pas grand chose, on vous l'inculquera de force que vous le vouliez ou non, à grand renfort de pénalités pour ce qui nous concerne, et elle furent nombreuses. N'allez donc pas imaginer que les joueurs soient devenus par nature plus indisciplinés, à l'exception notable le week-end dernier - mais c'est un peu endémique quand même - des Toulonnais noyés dans leur élan désordonné entre ces deux tours du port de La Rochelle que sont Skelton et Vito.
La résolution de ce souci qui hache les matches est pourtant d'une étonnante simplicité : il suffit de décréter le jeu debout ! Tout devient alors plus simple et plus fluide. Car enfin, pas besoin d'avoir un BE2 pour comprendre que la fin du jeu au sol, cette solution de facilité, cette pauvre tactique conservatrice, a été décrétée. Etait-ce d'entrée si difficile à formaliser balle en mains ?
Le législateur, à l'évidence, a décidé d'éradiquer "la guerre des étoiles", ces arrivées en planches avec gros coups de casques dans les cervicales du gratteur. Elle annonçait un drame de plus en plus probable pour qui voulait disputer au sol le ballon. Je reste surpris qu'il faille un tel temps d'adaptation pour comprendre que le choix réflexe de se coucher devant un défenseur pour protéger son ballon plutôt que de rechercher intelligemment l'intervalle ou le créer pour un partenaire lancé, est désormais périmé.
Cette première journée aura vu les succès du Racing 92, de Pau et de Castres à l'extérieur, trois équipes "caméléon", c'est-à-dire excellentes dans l'adaptation et la reconfiguration, trois équipes qui disposent de points forts, à savoir des facteurs X côté francilien, une mêlée puissante chez les Béarnais et une charnière manœuvrière en ce qui concerne les Castrais. Sans doute trop proches de ce qui faisait leur charme il y a six mois, Lyon, Montpellier et Agen se sont inclinés devant leur public, ce qui toujours vexant.
Puisqu'aucun bonus offensif n'a été décroché, les Rochelais se trouvent en tête de l'expédition. Go West ! Comme le jeune prodige Antoine Hastoy à l'ouverture de la Section et le génie calédonien du Racing 92, Finn Russell, le zébulon néo-zélandais au prénom de héros de collection verte, Ihaia, a tranché les défenses, boosté ses partenaires, additionné les points et régalé les connaisseurs. Aucun doute là-dessus, le jeu debout favorise les prises d'initiatives, et s'il subsiste quelques rucks, qu'ils passent aussi vite que l'éclair tant le sol se dérobe.
En écrivant cela, je pensais au Stade Toulousain qui a fait du jeu debout son viatique depuis presque quarante ans quand surgit dimanche au bout de la nuit l'essai fulgurant d'Antoine Dupont génialement initié par deux ouvreurs : Thomas Ramos et Romain Ntamack, avec le relais sur un pas de Sofiane Guitoune et sa passe laser sans laquelle rien n'aurait été possible. Apprécions, en ces temps de retour à la normale, le rugby quand il remet son avenir entre des mains.
mardi 1 septembre 2020
Ordre dispersé
Depuis la controverse pied/main qui anime le rugby et rééquilibre en permanence sa pratique, alimentée par la fameuse déclaration du génie gallois Barry John qui assurait que "une bonne attaque à la main se prépare au pied", axiome que tous les ouvreurs du monde valident, les réflexions sur la finalité de ce jeu ne cessent d'enrichir nos réflexions. Décalage versus combat, conquête avant utilisation, contact contre évitement, priorité à l'avancée des avants ou au déploiement des arrières, l'exploitation de la balle ovale par l'homme - et la femme - en short et en crampons recèle des trésors de contradictions et d'antagonismes, et c'est bien tout son charme.
De la même façon qu'il n'existe pas de démocratie véritable sans liberté d'expression et donc de débat contradictoire, le rugby ne peut vivre, c'est-à-dire aujourd'hui respirer sous masque, sans s'alimenter d'avis contraires. Rien dans sa structure, et c'est son charme si l'on veut bien s'extraire des visions partisanes, ne favorise le conservatisme, né qu'il est d'un profond dédain pour les us et coutumes qui consistaient à frapper du pied dans le ballon et de courir pour le rattraper à la volée, ancêtre du up-and-under si cher à nos adversaires Anglo-Saxons éduqués sous la pluie et dans le vent froid.
Pour autant, à l'heure où débute les Championnats professionnels après six mois d'arrêt complet pour cause de virus chinois, les clubs de Top 14, principalement, attaquent en ordre dispersé cette première journée alors même que la solidarité s'imposerait ne serait-ce que pour faire face à cette adversité sournoise et destructrice qu'est le Covid-19 et ses effets liberticides, ses craintes sanitaires, son stress environnemental. Au lieu de quoi se multiplient les petites phrases assassines tant elles jettent le doute là où devrait naturellement s'extraire des médias un front commun, un rideau hermétique ou seulement une position soudée, à l'image de ce que dessine une équipe en défense.
Alors que personne ne sait aujourd'hui quelle sera la réalité du Championnat à la fin de l'année, et que chacun s'interroge sur le nombre de matches reportés à Noël - savoir donc si le Top 14 sentira le sapin -, à l'heure où l'économie du rugby professionnel pourrait souffrir de la jauge imposée aux spectateurs même si certains préfets s'arrangent pour la hausser, l'image renvoyée par le rugby pro français depuis le début de la crise Covid ne s'est pas améliorée. Double langage, interets personnels, critiques incessantes, silences assourdissants, calculs d'apothicaires, menaces de scission : l'arsenal a de quoi faire tout exploser.
Heureusement, des mains tendues enrichissent la palette. Celles d'Ovale Citoyen, pour ne prendre qu'un exemple, actives malgré la distanciation sociale. Les effets du coronavirus ne sont pas tous néfastes ni anxiogènes. Et si le rugby d'élite a perdu en ce débl'occasion dont'rimer des vertus, à commencer par le devoir d'exemplarité en direction des jeunes générations qui prendront un jour prochain le relais, le monde amateur et associatif reste, silencieux et discret, ce socle sans lequel aucune pratique ne peut se targuer d'exister.
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