On ne peut que s'en désoler. Car il n'y a rien de réjouissant à voir Guy Novès quitter la plus haute fonction sportive par une porte dérobée, comme un pestiféré. Après Philippe Saint-André, c'est au tour du manager toulousain multi-titré de constater à ses dépends à quel point il est difficile pour le XV de France d'exister dans un contexte presque tout entier tourné vers les clubs d'élite. On ne lutte pas contre une entité économique de cette puissance, qui a son propre mode de fonctionnement et même un style estampillé qui alterne le jeu debout virevoltant et celui à une passe franchement lénifiant.
Que Novès, qui est grand-père, soit remplacé par plus ancien que lui ne place donc pas l'explication de ses échecs sur le terrain de l'abîme générationnel. On peut seulement considérer que depuis la Coupe du monde 2011 que lâcha Marc Lièvremont en proie à des soucis personnels bien plus épais que la défense tongienne, le XV de France est en roue libre, sans projet novateur susceptible d'intéresser les internationaux qui le composent et se coltinent tous les jours en club des plans de jeu bien mieux dessinés.
Marcoussis, formidable outil, n'a pas su actualiser son mode d'emploi et le mettre au goût d'une modernité qui avance plus vite qu'un ballon porté au pas de charge. Il y a trop de retard dans les méthodes de management et de préparation, dans la réflexion autour des tactiques bleues depuis huit ans pour qu'un homme, aussi charismatique soit-il - et Guy Novès en est l'illustration - puisse inverser le courant devenu contraire. Comme ses prédécesseurs, celui que ses pairs avaient considéré comme le meilleur entraîneur d'Europe, a ramé.
Son échec, six défaites et un match nul depuis juin dernier, est le nôtre, tous autant que nous sommes. Il est celui du rugby français : des bénévoles qui déforment des mômes à force de rentre-dedans jusqu'aux médias qui volent au secours de la victoire et font du premier gamin un peu doué une star à la une pour attirer le lecteur lambda de la télé réalité.
Il convient ici d'éviter l'ingratitude et, en cette période troublée, - une de plus - rendre au championnat de France ce que l'équipe nationale lui doit. De 1910 à 1990, c'est parce que les clubs français étaient structurés, culturellement ancrés, formateurs et riches de fortes personnalités et de particularités tactiques bien comprises que les Tricolores, à savoir la crème de cette émulsion, purent exister dans le concert international et s'illustrer à de nombreuses reprises.
Des leaders hors normes - citons Marcel Communeau, Jean Prat, Lucien Mias, François Moncla, Michel Crauste, Walter Spanghero, Jacques Fouroux, Jean-Pierre Rives, Serge Blanco - surent fédérer un amalgame autour d'une haute idée de ce que pouvait représenter le XV de France, le Tournoi des Cinq nations, Colombes puis le Parc des Princes. Aujourd'hui, pour les deux dernières générations qui se sont succédées pour porter le coq sur le cœur, une pintade aurait tout aussi bien pu faire l'affaire.
Quelque chose s'est brisé, une certaine idée de la sélection nationale, de l'équipe de France, de l'engagement, de l'honneur et de la fierté qui vont avec, la capacité à se sublimer dans ces moments privilégiés. Fred Michalak s'en est allé, il avait débuté en 2001, et avec lui part l'insouciance et la joie de jouer. Il était le dernier du genre. Depuis, sont arrivés à Marcoussis des joueurs soucieux de leur image avant même d'avoir réussi quelque chose de remarquable sur le terrain.
Le nouveau manager tricolore et son staff de pigistes pourront-ils changer cet état d'esprit ? Auront-ils le temps de construire un plan tactique viable d'ici le coup d'envoi de France-Irlande ? Outre choisir quinze joueurs compatibles et conscients du haut niveau, le problème reste structurel, pas conjoncturel. Tant que LNR et FFR, clubs et équipe nationale, ne travailleront pas en bonne intelligence sur un projet commun, les fusibles sauteront les uns après les autres sans que la lumière soit.
Si tout cela, et d'autres choses encore, nous lassent profondément, nous restons néanmoins attachés à ce sport et à sa culture, aux vertus qu'il véhicule, aux traits qui le caractérisent. Il reste tant à transmettre... Les être creux et veules qui tournent autour de son axe ne viendront pas à bout d'une idée ovale dont la forme pointe bien au-dessus des petites magouilles, des calculs d'apothicaires et des propos de basse cour.
En attendant de vous retrouver pour une nouvelle chronique lundi 16 janvier 2018 (peut-être avant, selon inspiration), je vous souhaite tout le bonheur du monde pour la nouvelle année !
dimanche 24 décembre 2017
lundi 18 décembre 2017
Petite note bleue
Etage entre les joutes domestiques parfois obtuses et peu fécondes et le niveau international dont on sait qu'il ne fonctionne plus désormais - pour notre plus grand plaisir - que sur les longues séquences de jeu debout, la Coupe d'Europe a parfaitement rempli sa fonction qui consiste à alimenter le spectacle de la meilleure des façons, à savoir en additionnant les initiatives et les essais. J'ai surtout aimé le couplet de l'arbitre irlandais, M. Clancy, admonestant les Rochelais Rene Ranger et Vincent Pelo coupables de critiques envers son arbitrage : «Messieurs, gardez votre calme ! Le jeu est plus important que nous...» Tout est dit.
La nostalgie est une maladie, c'est acté, mais on peut avoir aimé ce qui se jouait avant et apprécier ce qui nous est proposé aujourd'hui. Tout en veillant à ce que demain ne bascule pas dans l'idolâtrerie et le préfabriqué, à ce que les valeurs hormonales vantées par le Docteur Pack, alias Lucien Mias, ne deviennent pas l'hormone de croissance du docteur Jabuse, c'est-à-dire un assommoir pour bêtes de somme.
Pourquoi donc appuyer sur la touche rembobinage ? Parce qu'il était question samedi dernier, Racingmen et Olympiens mêlés, de dire adieu à Colombes entre tribunes d'Honneur et Marathon, sur ce terrain meuble et bombé large à n'en pas voir la ligne de touche, long comme le souvenir d'un match des Cinq Nations perdu dans un virage vide d'apparence mais chargé d'histoires puisque nombreux furent ceux, comme François Moncla, qui découvrirent l'endroit et la magie du Tournoi debout dans cet arrondi de ciment.
Je vous parle de François Moncla parce que dans un entretien qu'il m'a accordé pour lequipe.fr, l'ancien capitaine du XV de France et sociétaire du Racing-Club de France, club d'élégance aujourd'hui disparu et remplacé par une entreprise de spectacle sportif, a fait sonner chez le musicien que je suis une petite note bleue dont l'harmonique ne cesse de m'interroger depuis, et que je voudrais vous faire entendre.
Imaginez les Tricolores espacés au moment des hymnes, chacun dans son monde intérieur pensant qui à son père, qui à son premier éducateur, que sais-je encore. Quand c'est au tour de La Marseillaise, aucun joueur ne chante. C'était ainsi à l'époque et ça n'a changé qu'en 1977 à l'instigation de Jacques Fouroux. François Moncla, qui compte déjà une poignée de sélections, constate dès la première mesure que l'une des tribunes a commencé deux temps plus tard et deux tons plus bas.
Artiste dans l'âme derrière une rude écorce de Béarnais intransigeant, rigoureux et secret, Moncla a gardé ces mesures dans son armoire aux souvenirs à la plus belle place. Etonnant, émouvant. Voilà comment quelques notes captées dressent en creux le portrait intimiste et subtil d'un sportif visiblement hors du commun qui a, entre 1959 et 1961, remporté dans ce stade olympique trois Tournois consécutifs et fait trembler les Springboks d'Avril Malan, mais considère la musique comme le meilleur des viatiques.
Chacun d'entre nous garde en lui son Colombes intime. Pour moi, c'est un premier et minuscule compte-rendu de quatre phrases pour L'Equipe en septembre 1985 lors de la visite du Stade Toulousain en Challenge Du-Manoir. Puis la montée au terrain en passant par le fameux tunnel à l'initiative d'Eric Blanc et de Franck Mesnel. Plein de flotte, le tunnel, pas éclairé, glissant, étroit, courbe. Mais quelle récompense de sortir en pleine lumière derrière l'en-but gauche...
Nous avions hurlé comme des gamins les prénoms de plusieurs de nos héros, «Dédé! Jo ! Jeannot ! Walter ! Benoît ! Pierrot !», et ces cris du cœurs résonnent encore en moi. J'avais vingt-cinq ans et découvrais qu'écrire sur ce que ce jeu a de plus noble, de plus profond, de plus riche et de plus généreux, allait me remplir d'éthique, de réflexion, d'expérience et d'altérité à un point que je commence juste aujourd'hui à mesurer.
Joueur à oublier devenu par chance et culot passeur de mots, j'ai essayé depuis cette inoubliable sortie du tunnel de rester un honnête messager, honnête dans le sens de fidèle. Fidèle à mes premières convictions, lesquelles sont souvent les plus belles : soit, pour résumer, le rugby comme un art de vivre, le rugby au centre, le ballon au milieu et tout autour des êtres passionnés, habités, certains - peu mais choisis - devenus des amis.
La chance d'utiliser tous les quinze jours, samedi matin, le terrain annexe numéro 1 avec l'équipe de la presse - Deltéral, Schramm, Rivière, Calmejane, Lemoine, Bouzinac, Margot, Danne, Planquart, Clévenot, Crépin, Tynelski, Holtz - et d'avoir pris possession du vestiaire de l'équipe de France pour enfiler un maillot ; d'avoir partagé sur le terrain olympique chaque lundi la séance de jeu à toucher du Racing-Club de France version showbiz et apprécié les monstrueux appuis de Mesnel, les géniales inspirations de Cabannes, les «cab-debs» irrésistibles de Lafond, tel est mon Colombes, mémoires sauvés du temps.
Le magazine Flair Play devient désormais Intercalé. Pensez à vous abonner : c'est la meilleure façon de le recevoir. http://flair-play.com/
La nostalgie est une maladie, c'est acté, mais on peut avoir aimé ce qui se jouait avant et apprécier ce qui nous est proposé aujourd'hui. Tout en veillant à ce que demain ne bascule pas dans l'idolâtrerie et le préfabriqué, à ce que les valeurs hormonales vantées par le Docteur Pack, alias Lucien Mias, ne deviennent pas l'hormone de croissance du docteur Jabuse, c'est-à-dire un assommoir pour bêtes de somme.
Pourquoi donc appuyer sur la touche rembobinage ? Parce qu'il était question samedi dernier, Racingmen et Olympiens mêlés, de dire adieu à Colombes entre tribunes d'Honneur et Marathon, sur ce terrain meuble et bombé large à n'en pas voir la ligne de touche, long comme le souvenir d'un match des Cinq Nations perdu dans un virage vide d'apparence mais chargé d'histoires puisque nombreux furent ceux, comme François Moncla, qui découvrirent l'endroit et la magie du Tournoi debout dans cet arrondi de ciment.
Je vous parle de François Moncla parce que dans un entretien qu'il m'a accordé pour lequipe.fr, l'ancien capitaine du XV de France et sociétaire du Racing-Club de France, club d'élégance aujourd'hui disparu et remplacé par une entreprise de spectacle sportif, a fait sonner chez le musicien que je suis une petite note bleue dont l'harmonique ne cesse de m'interroger depuis, et que je voudrais vous faire entendre.
Imaginez les Tricolores espacés au moment des hymnes, chacun dans son monde intérieur pensant qui à son père, qui à son premier éducateur, que sais-je encore. Quand c'est au tour de La Marseillaise, aucun joueur ne chante. C'était ainsi à l'époque et ça n'a changé qu'en 1977 à l'instigation de Jacques Fouroux. François Moncla, qui compte déjà une poignée de sélections, constate dès la première mesure que l'une des tribunes a commencé deux temps plus tard et deux tons plus bas.
Artiste dans l'âme derrière une rude écorce de Béarnais intransigeant, rigoureux et secret, Moncla a gardé ces mesures dans son armoire aux souvenirs à la plus belle place. Etonnant, émouvant. Voilà comment quelques notes captées dressent en creux le portrait intimiste et subtil d'un sportif visiblement hors du commun qui a, entre 1959 et 1961, remporté dans ce stade olympique trois Tournois consécutifs et fait trembler les Springboks d'Avril Malan, mais considère la musique comme le meilleur des viatiques.
Chacun d'entre nous garde en lui son Colombes intime. Pour moi, c'est un premier et minuscule compte-rendu de quatre phrases pour L'Equipe en septembre 1985 lors de la visite du Stade Toulousain en Challenge Du-Manoir. Puis la montée au terrain en passant par le fameux tunnel à l'initiative d'Eric Blanc et de Franck Mesnel. Plein de flotte, le tunnel, pas éclairé, glissant, étroit, courbe. Mais quelle récompense de sortir en pleine lumière derrière l'en-but gauche...
Nous avions hurlé comme des gamins les prénoms de plusieurs de nos héros, «Dédé! Jo ! Jeannot ! Walter ! Benoît ! Pierrot !», et ces cris du cœurs résonnent encore en moi. J'avais vingt-cinq ans et découvrais qu'écrire sur ce que ce jeu a de plus noble, de plus profond, de plus riche et de plus généreux, allait me remplir d'éthique, de réflexion, d'expérience et d'altérité à un point que je commence juste aujourd'hui à mesurer.
Joueur à oublier devenu par chance et culot passeur de mots, j'ai essayé depuis cette inoubliable sortie du tunnel de rester un honnête messager, honnête dans le sens de fidèle. Fidèle à mes premières convictions, lesquelles sont souvent les plus belles : soit, pour résumer, le rugby comme un art de vivre, le rugby au centre, le ballon au milieu et tout autour des êtres passionnés, habités, certains - peu mais choisis - devenus des amis.
La chance d'utiliser tous les quinze jours, samedi matin, le terrain annexe numéro 1 avec l'équipe de la presse - Deltéral, Schramm, Rivière, Calmejane, Lemoine, Bouzinac, Margot, Danne, Planquart, Clévenot, Crépin, Tynelski, Holtz - et d'avoir pris possession du vestiaire de l'équipe de France pour enfiler un maillot ; d'avoir partagé sur le terrain olympique chaque lundi la séance de jeu à toucher du Racing-Club de France version showbiz et apprécié les monstrueux appuis de Mesnel, les géniales inspirations de Cabannes, les «cab-debs» irrésistibles de Lafond, tel est mon Colombes, mémoires sauvés du temps.
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lundi 11 décembre 2017
Un déclic, pas des clics
Après la vilaine collection d'automne, le défilé des essais, des bonus et des victoires en Coupe d'Europe raconte à quel point le XV de France est un fiasco en soi qui n'est pas totalement imputable au reste du rugby français. Car enfin voici que les internationaux atones de novembre se transforment après quelques jours de repos en attaquants tranchants. Prenez l'exemple de Damian Penaud : transparent sous le maillot tricolore, étincelant dans celui de Clermont. De quoi nous interroger.
Les courses de soutien demeurent le meilleur moyen de bonifier les brèches ouvertes. Quand je vois des percussions aveugles, tant de bêtise me commotionne. Apprécions plutôt l'art de viser les intervalles entre deux défenseurs, puis les convergences de joueurs autour du porteur du ballon, les leurres pour écarter les adversaires. Les Wasps, par exemple, surclassés par les Rochelais, ont néanmoins inscrit leur premier essai sur une action semblable à celle créée en première main par les All Blacks face au pays de Galles deux semaines plus tôt...
L'agenda de la FFR n'est pas calqué sur celui des supporteurs du XV de France. Après avoir obtenu de haute lutte l'organisation du Mondial 2023 en France, puis savouré une victoire à la soviétique - onze sur treize - lors des récentes élections au sein des nouvelles régions, Bernard Laporte se penche maintenant, avec l'aide de Serge Simon, sur le cas de Guy Novès, de son staff et du jeu tricolore. Car il n'est pas possible que l'équipe de France, vitrine de notre rugby, soit ainsi éteinte quand partout ailleurs il fait jour.
Montpellier, sous la houlette de Vern Cotter, parvient en quelques mois à passer du rugby serré à la sud-africaine à une partition plus épanouie, en témoigne son succès bonifié à Glasgow. La Rochelle donne une leçon de vivacité, de pertinence tactique et de rugby complet aux Wasps, dans le sillage de Priso, Bourgarit, Jolmes, Balès, Doumayrou, Rattez et Aguillon. Clermont ridiculise les doubles champions d'Europe en titre comme jamais ils ne l'ont été dans leur histoire. Comme quoi, il est n'est pas encore l'heure de désespérer. A condition de trancher dans le vif avant le Tournoi 2018.
Certes, la construction tactique des équipes nationales est sans doute plus sophistiquée que celles de clubs. Mais je ne suis pas certain qu'il faille tout compliquer en ce qui concerne le XV de France. J'apprends, à travers quelques échanges, que nos internationaux seraient fatigués d'avoir été trop préparés au mois d'août ? Je les ai trouvé plutôt fringants, au contraire, à l'image de Chat, Bastareaud ou Doumayrou, pour ne prendre qu'eux trois. Le souci est ailleurs.
Trop d'analyses vidéo, de statistiques et de combinaisons leur sont infusées à Marcoussis en un laps de temps trop court pour être consacré à cette partie informatisée qui ne sert surtout qu'à rassurer un staff qui n'a pas l'air de fonctionner en interne sur la même longueur d'onde. Quant à la figure tutélaire de Guy Novès, il apparait qu'elle tétanise les joueurs au lieu de les galvaniser, l'effet inverse de ce qu'avait souhaité avec conviction l'ancien coach toulousain à sa prise de fonction.
Une décision sera prise fin décembre. La FFR l'a inscrite sur son agenda et en maîtrise l'annonce. Rien n'a fuité, si ce n'est un tour de table avec les acteurs du rugby français. Au regard des récentes performances, il faudrait plutôt penser à débaucher pour une pige de trois mois le duo rochelais Collazo-Garbajosa, ou le kiwi Cotter, qui a déjà fait des miracles à Clermont et en Ecosse. Le Tournoi des Six Nations 2018 approche à grandes enjambées : il est trop tard pour annoncer un grand projet fédérateur des toutes les strates rugbystiques françaises.
Le XV de France, désormais en situation d'urgence, a besoin d'un défibrillateur, d'un entraîneur entraînant qui libère les énergies, d'un technicien qui parle aux hommes et aux âmes. Car on voit bien qu'elles sont nombreuses, ces forces vitales, à n'avoir besoin que d'un déclic pour s'exprimer, plutôt que d'un projet enregistré sur ordinateur dans lequel risquer, une nouvelle fois, de s'engluer à l'heure où se présente déjà l'Irlande. Ce sera samedi trois février d'une année qu'on espère vraiment nouvelle.
En guise d'épilogue. Après la venue de Castres en Champions Cup, plus aucune rencontre de rugby de haut niveau ne se déroulera sur la grasse pelouse bombée du stade Yves-du-Manoir de Colombes dont la particularité demeure pour l'éternité ce tunnel creusé sous le terrain et qui mène du couloir des vestiaires jusque derrière l'en-but gauche et qui vit sortir plusieurs générations d'internationaux. Ceci clos un chapitre de notre histoire : le Racing 92 va désormais évoluer dans une salle de spectacle. Difficile d'imaginer métaphore plus parlante.
A noter : le magazine Flair Play s'appelle désormais Intercalé. Pensez à vous abonner : c'est le meilleur moyen de le recevoir. http://flair-play.com/
Les courses de soutien demeurent le meilleur moyen de bonifier les brèches ouvertes. Quand je vois des percussions aveugles, tant de bêtise me commotionne. Apprécions plutôt l'art de viser les intervalles entre deux défenseurs, puis les convergences de joueurs autour du porteur du ballon, les leurres pour écarter les adversaires. Les Wasps, par exemple, surclassés par les Rochelais, ont néanmoins inscrit leur premier essai sur une action semblable à celle créée en première main par les All Blacks face au pays de Galles deux semaines plus tôt...
L'agenda de la FFR n'est pas calqué sur celui des supporteurs du XV de France. Après avoir obtenu de haute lutte l'organisation du Mondial 2023 en France, puis savouré une victoire à la soviétique - onze sur treize - lors des récentes élections au sein des nouvelles régions, Bernard Laporte se penche maintenant, avec l'aide de Serge Simon, sur le cas de Guy Novès, de son staff et du jeu tricolore. Car il n'est pas possible que l'équipe de France, vitrine de notre rugby, soit ainsi éteinte quand partout ailleurs il fait jour.
Montpellier, sous la houlette de Vern Cotter, parvient en quelques mois à passer du rugby serré à la sud-africaine à une partition plus épanouie, en témoigne son succès bonifié à Glasgow. La Rochelle donne une leçon de vivacité, de pertinence tactique et de rugby complet aux Wasps, dans le sillage de Priso, Bourgarit, Jolmes, Balès, Doumayrou, Rattez et Aguillon. Clermont ridiculise les doubles champions d'Europe en titre comme jamais ils ne l'ont été dans leur histoire. Comme quoi, il est n'est pas encore l'heure de désespérer. A condition de trancher dans le vif avant le Tournoi 2018.
Certes, la construction tactique des équipes nationales est sans doute plus sophistiquée que celles de clubs. Mais je ne suis pas certain qu'il faille tout compliquer en ce qui concerne le XV de France. J'apprends, à travers quelques échanges, que nos internationaux seraient fatigués d'avoir été trop préparés au mois d'août ? Je les ai trouvé plutôt fringants, au contraire, à l'image de Chat, Bastareaud ou Doumayrou, pour ne prendre qu'eux trois. Le souci est ailleurs.
Trop d'analyses vidéo, de statistiques et de combinaisons leur sont infusées à Marcoussis en un laps de temps trop court pour être consacré à cette partie informatisée qui ne sert surtout qu'à rassurer un staff qui n'a pas l'air de fonctionner en interne sur la même longueur d'onde. Quant à la figure tutélaire de Guy Novès, il apparait qu'elle tétanise les joueurs au lieu de les galvaniser, l'effet inverse de ce qu'avait souhaité avec conviction l'ancien coach toulousain à sa prise de fonction.
Une décision sera prise fin décembre. La FFR l'a inscrite sur son agenda et en maîtrise l'annonce. Rien n'a fuité, si ce n'est un tour de table avec les acteurs du rugby français. Au regard des récentes performances, il faudrait plutôt penser à débaucher pour une pige de trois mois le duo rochelais Collazo-Garbajosa, ou le kiwi Cotter, qui a déjà fait des miracles à Clermont et en Ecosse. Le Tournoi des Six Nations 2018 approche à grandes enjambées : il est trop tard pour annoncer un grand projet fédérateur des toutes les strates rugbystiques françaises.
Le XV de France, désormais en situation d'urgence, a besoin d'un défibrillateur, d'un entraîneur entraînant qui libère les énergies, d'un technicien qui parle aux hommes et aux âmes. Car on voit bien qu'elles sont nombreuses, ces forces vitales, à n'avoir besoin que d'un déclic pour s'exprimer, plutôt que d'un projet enregistré sur ordinateur dans lequel risquer, une nouvelle fois, de s'engluer à l'heure où se présente déjà l'Irlande. Ce sera samedi trois février d'une année qu'on espère vraiment nouvelle.
En guise d'épilogue. Après la venue de Castres en Champions Cup, plus aucune rencontre de rugby de haut niveau ne se déroulera sur la grasse pelouse bombée du stade Yves-du-Manoir de Colombes dont la particularité demeure pour l'éternité ce tunnel creusé sous le terrain et qui mène du couloir des vestiaires jusque derrière l'en-but gauche et qui vit sortir plusieurs générations d'internationaux. Ceci clos un chapitre de notre histoire : le Racing 92 va désormais évoluer dans une salle de spectacle. Difficile d'imaginer métaphore plus parlante.
A noter : le magazine Flair Play s'appelle désormais Intercalé. Pensez à vous abonner : c'est le meilleur moyen de le recevoir. http://flair-play.com/
mardi 5 décembre 2017
Légende d'automne
Sur ce plateau, la température est tombée de plusieurs degrés. Saturé de buzz et de brèves, j'y effectue un retour aux sources, moi dont le père est natif de Lembras. Belvès reçoit Sarlat. Recevoir prend là tout son sens profond. De cette chaleur humaine qui donne au rugby de terroir une saveur sans pareille. Quand s'est ouverte peu après midi la salle de réception sur de longues tables achalandées depuis déjà un bon quart d'heure autour d'un potage bouillant, montait le brouhaha des échanges passionnés, dirigeants, invités, visiteurs et partenaires mêlés. Une invitation à ne pas manquer.
Nous sommes quelques amis choisis par Montaigne et La Boétie, serrés comme liés, et autour de nous défilaient les bénévoles dans un ballet de plats copieux à passer. Nos échanges peinent à prendre voix, couverts par les annonces des résultats de la bourriche dont on sait au moment de sortir nos billets que les bénéfices vont directement dans les caisses de l'école de rugby. Personne n'est venu là pour prendre mais bien pour donner. Servir. Ce verbe trouve échos dans cet avant-match embué, terminé par un café soutenu.
En lever de rideau, la réserve de Belvès prend la leçon, donnée par celle de Sarlat; mais son avance au score est telle que ces juniors barbus se laissent aller au plaisir du jeu sans contingences sous les applaudissements d'un public déjà compacté dans l'unique tribune aux bancs de bois, rehaussés par quelques cris d'encouragements dont on remarque qu'ils émanent d'une brochette de jeunes filles bourgeonnantes venues se faire entendre et capter un regard.
Le soleil disparait à la mi-temps. Et du coup la température descend encore d'un cran. Mais pas l'intensité du match entre équipes premières. Menés à la pause, les joueurs de Belvès ne se sont pas réchauffés dans le vestiaire, non, ils sont revenus illico sur le terrain, visages fermés, vexés. Décidés. Il y avait là un Géorgien sosie de Gorgodze, deux Iliens vite blessés, dont l'un - centre casqué - sur commotion, et quelques beaux gabarits. Une chandelle, un groupé-pénétrant et une bagarre générale plus tard, Belvès prenait son match en mains. Mais perdait un de ses piliers sur carton rouge, note artistique décernée pour un crochet du droit devant l'arbitre.
En supériorité numérique, Sarlat remontera une partie de son handicap au score, 34-25, fiertés intactes des deux côtés. Un fiston est sur la feuille de match, et son père partage avec moi un corona. Chacun des spectateurs a d'ailleurs un ami, un voisin, une relation ou un membre de sa famille sur le terrain. Le jeu ? Plaisant. Du rugby engagé et pas seulement frontal, de belles percées proprement conçues, des ballons portés à dix et plus quand il le fallait, du jeu au pied d'occupation, de gros tampons, de la solidité dans les rucks, de la solidarité partout.
Ce dimanche de Fédérale 3, personne autour de moi n'a évoqué le XV de France ou l'affaire Laporte/Flessel qui alimentent pourtant les médias. Les événements d'en haut n'influent pas sur le rugby d'ici, lequel relie toujours avec autant d'élans les êtres par un dimanche d'automne qui ressemble déjà à l'hiver. On se donne rendez-vous au match retour, pour ce qu'il promet. La veille, Castres a écrit son histoire à Ernest-Wallon, mais je n'ai pas vu - mais pas cherché non plus - le grand écran plat qui doit servir dans les campagnes à suivre la dernière rencontre de Top 14 de la journée.
Nous sommes quelques amis choisis par Montaigne et La Boétie, serrés comme liés, et autour de nous défilaient les bénévoles dans un ballet de plats copieux à passer. Nos échanges peinent à prendre voix, couverts par les annonces des résultats de la bourriche dont on sait au moment de sortir nos billets que les bénéfices vont directement dans les caisses de l'école de rugby. Personne n'est venu là pour prendre mais bien pour donner. Servir. Ce verbe trouve échos dans cet avant-match embué, terminé par un café soutenu.
En lever de rideau, la réserve de Belvès prend la leçon, donnée par celle de Sarlat; mais son avance au score est telle que ces juniors barbus se laissent aller au plaisir du jeu sans contingences sous les applaudissements d'un public déjà compacté dans l'unique tribune aux bancs de bois, rehaussés par quelques cris d'encouragements dont on remarque qu'ils émanent d'une brochette de jeunes filles bourgeonnantes venues se faire entendre et capter un regard.
Le soleil disparait à la mi-temps. Et du coup la température descend encore d'un cran. Mais pas l'intensité du match entre équipes premières. Menés à la pause, les joueurs de Belvès ne se sont pas réchauffés dans le vestiaire, non, ils sont revenus illico sur le terrain, visages fermés, vexés. Décidés. Il y avait là un Géorgien sosie de Gorgodze, deux Iliens vite blessés, dont l'un - centre casqué - sur commotion, et quelques beaux gabarits. Une chandelle, un groupé-pénétrant et une bagarre générale plus tard, Belvès prenait son match en mains. Mais perdait un de ses piliers sur carton rouge, note artistique décernée pour un crochet du droit devant l'arbitre.
En supériorité numérique, Sarlat remontera une partie de son handicap au score, 34-25, fiertés intactes des deux côtés. Un fiston est sur la feuille de match, et son père partage avec moi un corona. Chacun des spectateurs a d'ailleurs un ami, un voisin, une relation ou un membre de sa famille sur le terrain. Le jeu ? Plaisant. Du rugby engagé et pas seulement frontal, de belles percées proprement conçues, des ballons portés à dix et plus quand il le fallait, du jeu au pied d'occupation, de gros tampons, de la solidité dans les rucks, de la solidarité partout.
Ce dimanche de Fédérale 3, personne autour de moi n'a évoqué le XV de France ou l'affaire Laporte/Flessel qui alimentent pourtant les médias. Les événements d'en haut n'influent pas sur le rugby d'ici, lequel relie toujours avec autant d'élans les êtres par un dimanche d'automne qui ressemble déjà à l'hiver. On se donne rendez-vous au match retour, pour ce qu'il promet. La veille, Castres a écrit son histoire à Ernest-Wallon, mais je n'ai pas vu - mais pas cherché non plus - le grand écran plat qui doit servir dans les campagnes à suivre la dernière rencontre de Top 14 de la journée.
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