Si vous vous aventurez dans une pharmacie, ne demandez surtout pas un test EPCR : il risque de vous être refusé, avec match perdu. C'est le nouvel avatar ovale, le variant rugby qui sévit en Europe. Et qu'importe que vous puissiez aligner une équipe en ayant placés vos cas contacts à l'isolement... Il fallait s'y attendre : à force d'installer des terrains synthétiques, les clubs de rugby jouent maintenant leur destin sur tapis vert. Dans une compétition européenne au format plutôt alambiqué pour s'adapter aux contingences sanitaires, on peut regretter que ses classements se modifient au gré des forfaits et des annulations pour cause de contamination.
Et quand vous avez la chance de défendre vos chances sur le terrain, il vous faut compter avec un arbitre capable de vous pénaliser sans discontinuer pendant huit minutes, les dernières, alors que vous résistez devant votre ligne d'en-but avec courage et abnégation, et de dépasser de six minutes le temps réglementaire sans cesser de siffler à sens unique, voire inique, jusqu'à ce que votre adversaire parvienne enfin à marquer un essai synonyme de succès sur le fil, et encore l'arbitrage vidéo ne parviendra pas vraiment à le valider, ou du moins à l'invalider, ce qui est déjà une façon de faire son choix en amont...
Nul besoin de la cruelle mésaventure encaissée par un virulent Castres Olympique au Stoop Memorial de Twickenham, situé juste en face du grand stade de la Rose, une sorte de vol manifeste survenu vendredi soir face aux Harlequins, ou de la colère légitime des Toulousains privés - volés eux-aussi - de match contre Cardiff et surtout battus alors qu'ils semblaient avoir vaincu le virus, pour porter un regard critique sur les compétitions européennes, polluées par la Covid comme l'est notre société mise à l'arrêt forcé devant les variants qui surgissent, les uns après les autres, comme des vagues incessantes nous laissant, impuissants, sur la berge.
Comme naguère feu le challenge Du-Manoir et aussi celui de l'Espérance qui permettaient aux clubs engagés de récompenser quelques réservistes méritants ou de lancer des juniors prometteurs, les actuelles Coupes d'Europe ont pour principale vertu d'offrir du temps de jeu à ceux qui n'en ont pas, histoire de rebattre un large effectif en vue de la deuxième partie du Top 14. Car, franchement, en ce qui concerne leur pur intérêt sportif, noyé dans les circonstances contrariantes, il faut vraiment chercher pour le trouver.
De retour du Costa Rica après avoir croisé des crocodiles et des toucans, savouré le chant nocturne de la forêt tropicale éblouie de lucioles, j'avoue éprouver quelques difficultés à reprendre le fil des rencontres qui s'alignent ou s'annulent dans le marigot, au rythme des fadettes et des prières d'insérer, contexte délétère qui me rappelle les plus vilaines heures du rugby français telles que je pensais les avoir laissées derrière moi. Il y a bel est bien un paradigme qui ne parvient pas à céder, un changement qui ne s'opère pas alors même que la prochaine Coupe du monde s'annonce dans vingt mois.
Février s'avance et avec lui le championnat d'Europe de rugby-fauteuil qui se tiendra à la Halle Carpentier. A l'invitation de Sallem Ryadh, qui est le Thierry Dusautoir de la discipline, nous y reviendrons avec plaisir. D'autant que ce rugby qui sublime le handicap et celui, citoyen, qui intègre les laissés-pour-compte et les demandeurs d'asile seront, comme l'écologie et le développement durable, au coeur de la prochaine édition du trophée Webb-Ellis sur notre territoire. D'autres bonnes et belles nouvelles sont à venir ici, aux premières loges de ce théâtre ovale qui nous ré-enchante.
Car c'est bien d'émerveillement dont il s'agit lorsqu'on évoque la quête du bonheur. Pour cela, libre à chacun de dépasser les normes imposées, de sublimer un quotidien imposé, de ne pas hésiter - surtout que nous sommes assis sous la manne - à souligner le travail des hommes et des femmes qui construisent sans se plaindre et refusent de subir. Car nous l'oublions trop souvent, nous sommes toujours maîtres de nos choix, aujourd'hui comme hier : soit regretter que trop de cloisons nous plonge dans l'obscurité, soit dessiner de petits rayons de lumière.