vendredi 29 décembre 2023
ça, c'est 2024 !
jeudi 21 décembre 2023
Débordons d'amour pour ce jeu
mercredi 29 novembre 2023
Jeantet à toutes jambes
Après la déconvenue d'octobre, rien ne devrait mieux et plus sûrement irriguer désormais le XV de France que le rugby amateur, ses vertus, ses épopées picaresques et ses ressorts humains. Aux sortilèges arbitraux chassés du bunker succède la perspective du Tournoi et c'est bien de joute dont il s'agit ici, phase finale littéraire très disputée qui opposa pour le meilleur Mourir fait partie du jeu (Philippe Chauvin), L'affaire Cécillon (Ludovic Ninet), Dans la peau d'Albaladejo (Philippe Darmuzey) et Le ciel a des jambes (Benoit Jeantet). Quatre ouvrages différents par le style, le thème, la forme et le développement, quatre auteurs qui laissent une trace placée très au-dessus de l'ordinaire des parutions convenues en période de Mondial.
lundi 6 novembre 2023
Lettre ouverte aux ami(e)s
Après La Rochelle à l'invitation de Jean-Pierre Elissalde dans son fief Aux Vieux Crampons jeudi 16 novembre, puis Paris deux jours plus tard dans les magnifiques locaux de la librairie Pédone, rue Soufflot, je serai à Auch mercredi 22 novembre à la librairie Page à Page pour dédicacer Côté Ouvert. Avant de filer à Saint-Pierre-de-Trivisy, via Toulouse et Castelnaudary, remettre en compagnie du jury La Biblioteca, le prix du meilleur livre de rugby 2023. Avec Jean Colombier, Pierre Berbizier, David Reyrat, Laura Di Muzio, Emmanuel Massicard, Max Armengaud, Jean-Christophe Buisson, Didier Cavarot et sous la présidence du sénateur Philippe Folliot, nous avons choisi parmi la trentaine d'ouvrages parus cette année quatre demi-finalistes, à savoir Benoit Jeantet (Le ciel a des jambes), Philippe Chauvin (Mourir fait partie du jeu), Philippe Darmuzey (Dans la peau d'Albajadejo) et Ludovic Ninet (L'affaire Cecillon). Nous y reviendrons dès mon retour.
Pour un auteur, je ne connais rien de plus touchant que de remettre son ouvrage sur le métier puis le porter sur les fonds éditoriaux. En ce qui me concerne, depuis 1984 et Rugby au centre, c'est un bonheur renouvelé. Tenir l'objet-livre me procure l'émotion d'une première fois, mélange d'excitation et de plaisir après avoir trempé pendant huit saisons ma plume dans ce blog. Bleu comme le maillot du XV de France, Chroniques d'un sacre reporté s'ouvre sur une phrase tirée du Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson qui raconte ce que ce livre contient d'amitié, de signification et de liberté.
C'est une belle histoire que celle contenue dans cet ouvrage, à commencer par l'idée glissée par un blogueur d'ici, Christophe Bedou, qui consistait à relier quelques-unes de mes chroniques, projet au soutien duquel Patricia Martinez, directrice des éditions Passiflore encrées à Dax, s'est immédiatement portée sans lever le moindre doute sur la réussite de cette entreprise, convaincue comme moi que notre communauté ovale saurait promouvoir ce recueil à la mesure du lien créé il y a plus de douze ans, déjà.
Ecrire, c'est chérir ceux qui nous inspirent, nos premiers modèles, nos références, ceux qui gravent en nous les premières phrases de jeu. D'où l'importance accordée au voyage à Cardiff aux côtés de mon père Jean-Claude. Relater cette odyssée, du moins en partie, constitue sans aucun doute la trace la plus intime laissée dans Coté Ouvert version papier. Je sais à quel point vous partagez ce trait d'union car une figure paternelle ovale est accrochée à nos cœurs.
Au fil des lectures, retrouver la méthode d'Edgar Morin, les axiomes bienveillants de Michel Serres, l'altérité dessinée par Emmanuel Levinas, les préceptes de Jean Dauger et les confessions de Raoul Barrière, revisiter le festin de 1973 à l'Arms Park de Cardiff avec Georges Domercq et admirer une nouvelle fois l'Outrenoir en compagnie de Pierre Soulages, constituent un délice de fins gourmets que j'associe, verres levés haut pour trinquer, à la mémoire d'un glorieux ainé, Denis Lalanne, et de quelques pairs envolés - Jean Cormier et Jacques Verdier. Vous découvrirez au fil des pages - deux cents - la présence de nombreux amis du blog, célèbres et moins connus, écrivains ou internationaux de renom qui nous font l'honneur d'être fidèles à ce rendez-vous hebdomadaire.
Durant le périple de deux semaines que j'ai effectué loin de l'actualité ovale, l'épisode malheureux du quart de finale perdu par le XV de France face à l'Afrique du Sud, il y a déjà un mois de cela, n'a cessé de me poursuivre : amis proches ou lointains croisés n'ont cessé de m'interroger sur les raisons de l'échec. A l'évidence, personne n'a fait le deuil de ce fiasco. Et même si Fabien Galthié assure que la France l'a finalement emporté 37-29 dans le métavers des datas, ce meilleur des mondes dont le XV de France serait le champion, la frustration demeure.
samedi 28 octobre 2023
Et de quatre !
Quatre buts de pénalité signés Handré Pollard, rappelé en cours de compétition pour palier la déficience de Manie Libbok, meilleur attaquant mais buteur imprécis. Lui n'a pas tremblé. Les All Blacks, plus entreprenants, ont refusé de convertir deux pénalités face aux poteaux sud-africains, Richie Mo'unga a manqué une transformation en coin sur son bon pied et Jordie Barrett un but longue portée. 29-28 face à la France en quart, 16-15 devant l'Angleterre en demie, et 12-11 en finale face aux All Blacks : les Springboks, qui savent pratiquer le "rudeby", ont maîtrisé le suspense à grands coups d'épaules et de mental.
J'en connais, des Tricolores, qui se sont mordus les doigts à défaut d'autre chose devant leur téléviseur vendredi soir au moment où les Anglais d'Owen Farrell - sifflés au Stade de France dans une triste unanimité anti-sportive - accrochèrent autour de leur coup cette dérisoire médaille de bronze mais si importante pour eux, remontés des enfers dans lesquels ils étaient descendus en mars dernier, humiliés à Twickenham dans le Tournoi des Six Nations par le XV de France pour finir par reconquérir La Malvinas au terme d'un remugle qui correspond bien à leur genre de beauté.
En attendant la sortie de Côté Ouvert prévue le 2 novembre, et pour diverses raisons dont la première touche à la défaite française en quarts de finale, j'ai repris "Le Grand Combat du Quinze de France" et relu ceci de saisissant : "Il est bien entendu que le rugby est une petite guerre anglaise, aux règles et aux dimensions anglaises, une guerre où les Anglais ont tiré les premiers parce qu'elle ne se réinvente pas comme les autres guerres", écrivait ainsi Denis Lalanne durant l'été 1958. Ce constat n'a, malheureusement, pas pris une ride.
Et le Pape d'Ovalie de poursuivre : "Le petit empire du rugby dans le grand empire britannique, les Français en ont fait pendant plus de cinquante ans le tour, musique en tête, sans être plus avancés (...) Les Français croyaient jouer au rugby parce qu'ils jouaient avec un ballon ovale, ils croyaient même un peu vaniteusement avoir réinventé ce jeu en l'adaptant à leur "tempérament latin", ce sacré bon vieux tempérament latin qui nous a si souvent servi d'excuse. La vérité, la triste vérité, c'est qu'ils n'avaient pas encore pénétré le véritable sens du rugby." Soixante-cinq ans plus tard, un extrait du compte-rendu d'Afrique du Sud - France à Saint-Denis n'aurait pas été mieux rédigé.
En conclusion de la première tournée victorieuse du XV de France sur la terre des Springboks, Denis Lalanne livrait ce mode d'emploi qu'il serait sans doute bon d'inscrire dans tous les vestiaires si d'aventure nous souhaitons, un jour, remporter le trophée Webb-Ellis : "Ce n'est jamais la dispersion des inspirations qui pourraient rendre ce jeu plus amusant, mais au contraire une méthode stricte et dépouillée : demandez plutôt aux vainqueurs. Notre rugby ne doit plus tant se nourrir de fantaisie et d'improvisation que de technique et de sobriété. L'inspiration viendra toute seule, à qui ne la recherche pas à tout prix."
A l'heure où l'organisation retrouvée a permis aux Anglais de se hisser à la troisième place, où la rigueur tactique demeure la matrice dans laquelle les Springboks forgent leurs victoires, la disparition jeudi soir de Guy Camberabero, à l'âge de 87 ans, nous rappelle qu'il fut, et d'abord au pied, l'artisan du premier Grand Chelem français dans le Tournoi des Cinq Nations 1968 aux côtés de Jo Maso, Jean Gachassin et Pierre Villepreux, Jean Trillo mais aussi Jean Salut et Walter Spanghero, mémoires vivantes de cet exploit en quatre actes étalés sur deux mois. La LNR, mieux que World Rugby, lui rendra hommage dimanche sur les terrains de reprise du Top 14.
Jeudi 2 novembre sort le livre Côté Ouvert, recueil des meilleures chroniques de ce blog sur deux cents pages, aux éditions Passiflore. N'hésitez surtout pas à le commander chez votre libraire !
samedi 21 octobre 2023
Rendez-vous en 2027
Suivre cette Coupe du monde, bien entendu, mais désormais de loin. Nous manque le carton d'invitation pour le dernier carré, celui des VIN, very important nation. Un ressort s'est brisé, il affaisse nos emportements. Nous en venons à ressentir les aspérités d'une route qui mène au titre mondial. Un voile de tristesse recouvre nos émotions ovales, lesquelles ont perdu de leurs éclats de voix. Depuis vendredi dernier, l'automne nous enveloppe à mesure que le thermomètre descend de plusieurs degrés. La nuit tombe vite en cette fin octobre. Seule la perspective, vendredi, d'un derby entre les Falklands et Las Malvinas nous redonne un peu le sourire.
Quand vais-je arrêter de me demander ce qui a manqué au XV de France pour franchir l'obstacle sud-africain. Deux points, c'est certain. Mais où sont-ils ? Dans la transformation contrée de Thomas Ramos par Cheslin "Usain" Kolbe ? Sûrement pas. Ce serait choisir le mauvais côté de la lorgnette et c'est pourtant la petite musique que l'on entend trop. Sérieusement, durant ce quart final, les lacunes, les faillites et les erreurs françaises furent beaucoup trop nombreuses et récurrentes pour que nous recentrions notre amertume et notre déception sur un seul fait de jeu, fut-il le plus saillant.
Fabien Galthié, qu'on présentait comme un maître tacticien, s'est fait manger le cerveau par le duo Erasmus-Nienaber. Après cela, il a débriefé en visio pendant deux heures avec Florian Grill et Jean-Marc Lhermet sa Coupe du monde mais plus sûrement ses quatre premières saisons comme sélectionneur et entraîneur en chef. Avant qu'il éteigne l'écran de son laptop et reparte pour un deuxième mandat jusqu'au Tournoi 2028, remercions-le d'avoir redonné au XV de France le lustre qu'il avait perdu après huit ans de calamités, et félicitons-le d'avoir encouragé l'éclosion d'une génération talentueuse.
Mais que restera-t-il de cet échec en quarts ? Car il faut bien appeler les choses par leur nom : perdre à ce stade de la compétition face à l'Afrique du Sud, ce n'est pas une défaite, c'est une rupture. Aucun élément de langage ne peut masquer la réalité dans toute sa brutalité : les Tricolores sortis très tôt de leur Coupe du monde, ne restera que le résultat sec. C'est cruel. Comme en 1991, 2015 et 2019, l'évidence s'impose : la France n'est pas invitée. Et encore, est-on certain que le XV de France l'aurait emporté en demie face à cette équipe d'Angleterre à Saint-Denis sous la pluie et dans le vent comme en 2003 à Sydney ? Finalement, mieux vaut en rester là.
Quatre ans, c'est impalpable. C'est surtout une façon de se réfugier dans un nouveau rêve pour éviter l'agression du réel. Quels Tricolores, parmi les battus de Saint-Denis, auront gardé en 2027 assez de vitalité pour postuler et s'inscrire à coup sûr dans la conquête du trophée Webb-Ellis ? Face aux Springboks, beaucoup ont disputé leur dernier match d'un Coupe du monde. Cyril Baille, Reda Wardi, Dorian Aldegheri, Julien Marchand, François Cros, Anthony Jelonch, Sekou Macalou, Charles Ollivon, Jonathan Danty, Gaël Fickou et Thomas Ramos auront dépassé la trentaine, et pour certains très largement...
Se projeter trop vite en Australie, c'est fermer les yeux aujourd'hui sur ce qui n'a pas fonctionné. La liste n'est pas exhaustive : un staff tricolore qui n'a pas toujours été sur la même longueur d'onde, des blessures à répétition au terme d'une préparation physique trop éprouvante après une longue saison domestique, un plan de jeu éventé axé sur la dépossession et la reconquête du ballon au sol, des leaders bien discrets sur le terrain, de mauvais choix dans la composition du banc et la gestion des remplaçants en cours de match. Ca fait quand même beaucoup, non ?
Reste maintenant à espérer que le titre mondial des poids-lourds entre All Blacks et Springboks nous offrira un final à la hauteur de l'histoire associée à cet affrontement. Le rugby mondial souffre de consanguinité, c'est acté. Si l'on excepte l'Argentine et que l'on retranche l'Irlande, les demi-finales ont toujours été animées par les mêmes nations depuis 1987. Cette fois-ci, Néo-Zélandais et Sud-Africains se dirigent vers un quatrième titre mondial, quand nous n'avons toujours pas été capables - nous devons quand même être un peu plus cons que la moyenne - d'en décrocher un. C'est long, quatre ans.
Dans moins de deux semaines sort le livre Côté Ouvert, recueil des meilleures chroniques de ce blog sur deux cents pages, aux éditions Passiflore. N'hésitez surtout pas à le commander dès maintenant chez votre libraire...
dimanche 15 octobre 2023
Les Tricolores boksés hors du Mondial
C'était dimanche soir le test-match le plus important de l'histoire du rugby français. Pas historique, non - celui-là remonte en 1958 à Johannesburg - mais crucial puisqu'il ouvrait aux Tricolores une voie royale pour atteindre cette finale tant fantasmée. Pour la troisième fois après 1991 et 2007, la France accueillait cette compétition ; ce devait être la bonne mais le dicton l'a emporté : jamais deux sans trois. Trois, chiffre maudit, trois comme les éliminations successives en quarts de finale. Nation majeure depuis sa première victoire en série de tests au pays des Springboks, la France du capitaine Dupont n'est peut-être pas aussi forte que ses supporteurs l'imaginent, et quand on additionne vingt-quatre victoires à domicile en vingt-cinq matches depuis 2020, il faut d'abord s'assurer de remporter les plus importants.
dimanche 8 octobre 2023
Boks en stock
mercredi 4 octobre 2023
En résonnance
Jusque-là, tout va bien : les stades sont pleins, les pintes de bière se vident plus vite que les travées au coup de sifflet final, les adversaires s'enlacent une fois le match terminé et les supporteurs fraternisent dans les estaminets... Comme en 1991 et en 2007, cette édition démontre que la France sait recevoir. Mais ce n'est pas nouveau: depuis que le rugby existe et que le public a été admis à pénétrer dans l'enceinte d'un stade puis à payer sa place, pas une rencontre internationale n'a dégénéré.
On peut attribuer sans se tromper cette osmose aux vertus et aux valeurs que véhicule ce sport, discipline éducative par excellence et à l'origine. Ses supporteurs sont pour la plupart des pratiquants voire des connaisseurs à l'image des aficionados, doctes analystes de la chose tauromachique capables de disséquer une passe jusqu'au petit matin. Même s'il est encore un peu tôt pour tirer un bilan de l'édition 2023 - la seule entièrement organisée sur nos territoires - l'évoquer à mi-parcours, c'est aussi l'occasion de rendre hommage aux milliers de bénévoles qui s'activent pour rendre plus belle cette tranche de vie.
Mais il est long ce calendrier augmenté d'une semaine afin d'offrir cinq jours incompressibles de repos aux joueurs engagés dans des affrontements de plus en plus intenses. Mis à part la blessure, l'attente, l'opération et le retour d'Antoine Dupont auprès du groupe France, piétiner deux semaines d'un bout à l'autre de ce tunnel sans action dans lequel sont versés les Tricolores a douché l'enthousiasme populaire des premiers jours. D'autant que les mères de famille se demandent s'il est bon, au moment où la santé des joueurs est au cœur de toutes les problématiques - médicales, sportives, arbitrales -, d'insister pour faire rejouer notre capitaine fracassé, même casqué de cuir...
Interrogeons-nous, aussi, sur la multiplication des scores fleuves qui emportent dans leurs flots tout suspense au bout d'une demi-heure de match à sens unique. On ne compte plus les victoires qui dépassent cinquante points et décrédibilisent les oppositions présentées à grand renfort de mauvaise foi comme équilibrées. Depuis 1987, vingt-cinq nations ont disputé une Coupe du monde - ce qui est peu - et seuls Fidji, Samoa, Canada et Japon sont parvenus à s'immiscer en quarts de finale au milieu du Big Nine composé des historiques du Tournoi des Cinq Nations et des quatre de l'hémisphère sud.
A l'évidence, le rugby mondial souffre de consanguinité. Nonobstant le plaisir que nous avons à voir ces sélections nationales proposer un jeu de mouvement sans calcul, l'injection du Chili aux côtés de l'Uruguay et du Portugal ne va pas modifier le déséquilibre existant entre les ténors, qui attirent télévisions et partenaires commerciaux, et le reste du chœur soumis au bon vouloir financier et à l'aide logistico-sportive de World Rugby. On remarquera au passage que mis à part l'Angleterre et l'Irlande, toutes les autres fédérations souffrent de déficits budgétaires plus ou moins importants. En France, la note à régler s'élève à douze millions d'euros.
Si cette dixième Coupe du monde brille par son cadre festif, ses affluences à guichets fermés et sa médiatisation à défaut de nous offrir dans sa première partie une symphonie sportive digne des meilleures compositions, elle marque, du moins à mes yeux, la fin d'un cycle. Le concept étalé aujourd'hui devant nous arrive à son point critique. Les caciques de World Rugby vont devoir renouveler en profondeur le système s'ils ne veulent pas connaître une cruelle désillusion en Australie dans quatre ans.
En attendant de monter dans le quart face aux Springboks, de nombreux affluents ont irrigué l'idée même d'une Coupe du monde. Ainsi a-t-elle été déclinée en version militaire à Vannes, scolaire à Pontlevoy et universitaire à Pessac. Celle des clubs amateurs a été remportée par les Sud-Africains d'Hamilton Sea Point, victorieux des Chiliens samedi dernier au stade Jean-Rolland de Digne-les-Bains. Tout cela fait résonnance et, paraphrasant le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa, réveille notre capacité à nous laisser atteindre et éventuellement transformer par de nouvelles formes de rapport au monde, expérience de connexion qui est "l'essence même de l'existence".
Début novembre, les éditions Passiflore publieront Côté Ouvert, recueil des meilleures chroniques du blog depuis 2016.
jeudi 28 septembre 2023
Passage Dupont
La peur n'évite pas le danger, et c'est souvent au moment où on s'y attend le moins, par exemple dans le déroulé fluide de l'instant anodin, qu'un choc brise la fameuse flèche du temps dont on nous rebat les oreilles depuis que cet élément de langage a été placé par Fabien Galthié sur notre voie sémantique. Au coup d'envoi du match contre la Namibie et en attendant celui qui va placer les Italiens sur notre chemin avant de clore la phase de poules, les médias français s'allumaient les neurones pour trouver la meilleure façon d'éclairer le long tunnel de treize jours sans XV de France. Ils n'auront eu qu'à attendre le début de la seconde période pour capter à quel point le temps allait nous sembler long et court à la fois, en fonction du poids de l'absence et de l'espoir de guérison.
Avant le début de ce Mondial et souvent au détour d'une conversation qu'on souhaitait courte et légère pour conjurer le mauvais sort, l'idée qu'une blessure vienne contrarier le sacre annoncé de l'équipe de France passait comme un nuage sombre vite chassé par le vent. Les blessures, ce XV de France les additionne pourtant comme aucun autre : Romain Ntamack, Jonathan Danty, Paul Willemse, Cyril Baille, Julien Marchand, Grégory Alldritt, Charles Ollivon et désormais Antoine Dupont dont la mâchoire est devenue, à l'échelle du rugby mondial, aussi fameuse que le fut pour l'Empire romain et la civilisation égyptienne le nez de Cléopâtre.
La tirade a donc sauvé de l'endormissement un pays vibrant désormais au rythme des bulletins de santé du plus fameux de ses demis de mêlée. "Aucun coup ne peut, mâchoire si belle, te briser tout entier, excepté ce Deysel." Parodiant Pirame en un titre accroché à la première page : "Le voilà donc ce zygomatique qui des traits de son maître a détruit l'harmonie ? Il s'est fracturé, ce traître !" D'une façon plus pratique en plaçant la barre haut : "Voulez-vous le mettre en loterie ? Assurément, monsieur, ce sera le gros lot !" Ce que le XV de France a surtout tiré d'un coup de tête placé au maxillaire, c'est un tracas supplémentaire dont il se serait bien passé.
Visiblement, jamais autant de personnes, une équipe, un staff et des supporteurs - paraphrasons Winston Churchill - n'a dû autant à un seul homme. Un comble pour ce sport collectif qu'est le rugby où même Jonah Lomu ne fut jamais plus fort que les All Blacks lesquels, parfois, le sevrèrent de ballons histoire de faire comprendre au public et aux médias demandeurs de héros qu'il est possible de jouer et de vaincre sans pouvoirs hors-normes. Super Dupont, c'est l'inverse, à croire qu'il n'est de grâce qu'avec lui. On espère que Lucu et Couilloud ne s'en vexent pas, sans parler de l'infortuné Serin resté en rade.
Du peintre Apelle, quatre siècles avant notre ère, Pline l'Ancien soulignait l'ardeur et la constance au travail en termes choisis : Nulla dies sine linea. Autrement traduit, pas un jour sans Dupont, l'importance de ce demi de mêlée ôtant, aurait pu ajouter Cicéron, l'espoir d'y égaler le reste de l'équipe. Dans l'histoire du XV de France, l'excès n'est pas orphelin : on trouvera un autre demi de mêlée toulousain, Philippe Struxiano, appelé au chevet tricolore par les maréchaux de France au sortir de la Première Guerre mondiale, puis Walter Spanghero sélectionné en 1969 par Georges Pompidou, futur président de la République, et Denis Charvet vingt ans plus tard par François Mitterrand.
Un seul hêtre vous manque et tout est dépeuplé, certes, mais Antoine Dupont ne serait-il pas alors l'arbre qui cache le perchis ? Avec lui, chacun l'assure, tout est appelé à éclore, mais qu'il manque et voici que sans lui, sort contraire, le futur s'amincit. Nous serons bientôt fixés, une fois pour toutes, en quarts de finale face à l'Afrique du Sud sur la place réelle ou fantasmée qu'occupe l'enfant de Castelnau-Magnoac dans le dispositif tricolore. Tout ce qui est excessif n'est pas signifiant. Mais en attendant, de quoi l'absence de Dupont est-elle le nom ?
Elle est d'abord le signe d'une grande fébrilité à croire cet homme providentiel. Elle est la déconstruction du principe d'équipe puisque, nous assure-t-on depuis l'école de rugby, personne n'est indispensable. Elle est peut-être l'opportunité - à l'exemple de Matthieu Jalibert depuis le forfait de Romain Ntamack - pour un "finisseur' de commencer à croire que son destin n'est pas d'assister aux coups d'envoi assis sur le banc. Petite histoire dans la grande, pourtant forts de Jonah Lomu en 1995 et 1999, jamais les All Blacks ne parvinrent ces deux fois à être sacrés champions du monde.
Dès la fin de cette Coupe du monde, le meilleur des chroniques de ce blog sera publié sous forme de recueil intitulé - ce n'est pas surprenant - Côté Ouvert, aux éditions Passiflore.
jeudi 21 septembre 2023
Celles et ceux qui aiment
jeudi 14 septembre 2023
Perdus sur Lille
Les bons sentiments ne construisent pas nécessairement les succès. On peut le regretter. Titulariser troisième ligne-centre Anthony Jelonch après plus de six mois d'absence et le nommer capitaine - geste fort qui a touché les cœurs - n'offre aucune garantie quand il s'agit de maîtriser l'Uruguay qui n'a plus rien d'une petite nation de rugby. Cette deuxième rencontre de poule, supposée relativement facile à négocier, avait tout d'un piège et Los Teros ont confirmé qu'il y avait grave danger pour une équipe de France "bis" à prendre ce match par l'envers, ce qui fut le cas.
Jean-Pierre Rives l'affirmait il y a de cela une vingt ans déjà et ça n'a pas vieilli depuis : "Tu prends quinze grands joueurs de rugby et tu les mets ensemble pour affronter une équipe qui joue avec un même cœur, et tu te fais cirer..." A l'évidence, le staff tricolore n'est parvenu, jeudi soir à Lille, qu'à composer une sélection nationale avec, certes, d'excellents joueurs mais pas de constituer une équipe. Manquaient l'âme, l'envie, l'engagement, le respect de l'adversaire, le liant et un objectif commun, autant dire l'essentiel. Si elle est parvenue de justesse à s'imposer, visiblement, son épine dorsale - à savoir Pierre Bourgarit, Anthony Jelonch, Maxime Lucu, Antoine Hastoy et Melvyn Jaminet - n'a jamais pu proposer un début d'organisation tactique.
Lourdement sanctionnée en mêlée et dans les rucks au-delà de la norme généralement admise - onze pénalités -, parfois maladroite dans l'alignement, fébrile partout ailleurs et bien peu inspirée derrière mis à part deux coups de patte, la réserve tricolore n'a jamais su surmonter l'écueil pourtant prévisible placée devant elle. Pendant plus d'une heure, elle s'est empêtrée toute seule dans ses approximations. Surtout, lui fut préjudiciable non pas l'absence de plan de jeu strict et clair - Fabien Galthié avait dû donner des directives - mais l'incapacité à le suivre. Ne l'oublions pas, c'est le fil qui fait le collier, pas les perles.
Mis à part Sekou Macalou, troisième-ligne d'aile arpentant prestement la pelouse et mal récompensé de ses percées lumineuses dans ce sombre match, aucun prétendant au label "premium" n'a attiré notre attention. Pis, certains ont, à nos yeux, reculé dans la hiérarchie, à l'image des centres Yoram Moefana et Arthur Vincent, et de l'ailier Gabin Villière, empruntés. Il est d'ailleurs inquiétant de constater un tel gouffre entre titulaires du XV de France et réservistes, soit les trente meilleurs joueurs d'une nation, la France, qui compte par ailleurs plus de trois cents mille licenciés.
Rien de bon, donc, à garder de cette rencontre. Après la polémique des chœurs en canon qui s'étiolent et se perdent, les soupçons de dopage ici et là mais sans qu'aucune preuve pour l'instant ne soit produite si ce n'est quelques blessures qui surviennent pour éviter peut-être un contrôle positif, après les blocages aux portiques laissant une partie des spectateurs sur les parvis et le prix du demi de bière qui est hors budget, la piètre prestation française face à l'Uruguay va relancer l'inquiétude. Car après cinquante minutes difficile en match d'ouverture, voici une rencontre entière négligée, balbutiée. Qu'il reste à évacuer.
La moindre des choses face à une sélection nationale qualifiée dans le dernier chapeau, et qui ressemble à un hybride italo-argentin dans ses attitudes, ses choix et sa hargne, aurait consistait, dans un monde parfait, à faire preuve d'humilité en acceptant de prendre les points au pied quand ils se présentaient, et surtout à soigner les conquêtes sans chercher à briller. Seul un collectif fort et soudé aurait pu s'en sortir avec les honneurs. Là, au contraire, le déchet l'emporte.
A paraître début novembre l'ouvrage "Côté Ouvert", aux éditions Passiflore, qui regroupera huit saisons de chroniques.
vendredi 8 septembre 2023
Ouvert vendredi soir
samedi 26 août 2023
A double tranchant ?
Après le résultat probant du XV de France face à l'Australie, dimanche (41-17) et puisque les observateurs invoquent la dimension historique de ce tour de chauffe après la défaite (35-7) qu'infligèrent les Springboks aux All Blacks vendredi à Twickenham et l'euphorie fidjienne sur cette même pelouse qui laissa les Anglais battus (22-30), aphones et inquiets, précisons que le Mondial a débuté quinze jours avant le coup d'envoi du match d'ouverture. Une première.
Angleterre, Nouvelle-Zélande... A l'occasion des matches de préparation - qui peuvent être aussi ceux de la déconstruction - nos meilleurs ennemis ont singulièrement perdu de leur superbe, un peu de leur jeu et surtout l'occasion d'enclencher la compétition avec cette confiance qui sied aux grandes équipes. J'écris "meilleurs ennemis" car depuis 1987, Néo-Zélandais et Anglais ont toujours été l'écueil contre lequel se sont brisées les illusions tricolores. Cette fois-ci, ils sont en plein bouillon, ballotés. Faut-il y voir un signe encourageant ?
Privée de son capitaine Owen Farrell pour affronter d'entrée l'Argentine dans une poule qui comprend aussi les Samoa, l'Angleterre est logée - comme la Nouvelle-Zélande - à l'hôtel des joueurs brisés, le staff kiwi devant pour sa part reconstruire une deuxième-ligne après le carton rouge récolté par Scott Barrett et l'absence de Brodie Retallick ; sans parler de la blessure au genou des piliers titulaires, Tyrel Lomax et de Ethan de Roodt.
A contrario, les avants springboks ne souffrent pas d'un manque de puissance. C'est même à grands coups d'épaules qu'ils ont concassé leurs homologues, vendredi soir, et il fallait voir le visage des All Blacks au coup de sifflet final pour mesurer l'intensité des impacts. Fidèles à leur ADN, les Sud-Africains ont ajouté ces appogiatures au large et dans les intervalles qui les rendent actuellement irrésistibles, en tout cas idéalement placés pour un doublé mondial.
Nos blogueurs ont du talent. "Pour une fois, tous d'accord pour expliquer qu'il n'y rien à dire, ce qui devrait quand même prendre un peu de temps !" lâche Jan Lou, habitué des lieux qui ne sont jamais communs. La déconfiture des Kiwis nous interroge, et il n'est pas avisé de s'en réjouir tant que n'aura pas été mesuré sur leur mental l'effet à double tranchant de cette large défaite face au grand rival. Les All Blacks ne perdent jamais longtemps leurs moyens et, même après s'être débarrassés sans coup férir de Wallabies courts sur pattes, les Tricolores s'attendent à une réplique de haute intensité dans deux semaines.
Sortira début novembre aux éditions Passiflore le recueil des meilleures chroniques de ce blog.
dimanche 16 juillet 2023
L'été en pente douce
Maintenant, on sait. Pour espérer remporter le dixième trophée Webb-Ellis dans deux mois, mieux vaut miser sur la conservation que sur la dépossession, jouer des appuis sur les "un contre un" pour éviter l'arrêt-buffet, aligner les temps de jeu pour rebattre la défense et poser le plus rarement possible le ballon au sol. Samedi 15 juillet face aux champions du monde sud-africain, les All Blacks ont donné le ton. Le jeu sera de mouvement ou ne sera pas, ou alors trop peu. Voilà le XV de France prévenu.
dimanche 9 juillet 2023
Ce jeu de Barrett
Nous voilà réfugiés sous le parasol tandis que le groupe France, au banc d'essai mais ballons remisés, aligne les sprints au rupteur en pleine canicule afin d'atteindre le plein niveau de stress. Les coéquipiers d'Antoine Dupont emmagasinent actuellement à Monaco les toxines tandis que Springboks et All Blacks, eux, additionnent les points avec une facilité déconcertante dans un Rugby Championship aux allures de répétition générale d'avant Mondial. Quels parcours plus contrastés que ce chemin de souffrance et ces voies du grand large...
A ce rugby de défi frontal inscrit à leur patrimoine génétique, les Springboks ont ajouté l'exquise dilution du jeu de passes en recherche d'intervalles, tendance esquissée lors du Mondial 2019 - mais en fin de rencontres - et qui a été samedi à Pretoria exprimée dès les premières minutes, en témoignent le "coup du chapeau" tiré par leur ailier de poche Kurt-Lee Arendse, transfuge du 7 capable de mystifier à trois reprises la défense wallaby, certes poreuse, mais quand même... Ils ont aussi offert à leur trois-quarts centre polyvalent André Esterhuizen toute latitude pour, à 29 ans, s'imposer en leader d'attaque, gabarit de troisième-ligne aile (1,94m, 110 kg) doté d'un jeu au pied subtil propre à semer le trouble dans les rangs adverses.
Quelques heures plus tard, les All Blacks n'ont pas attendu longtemps, eux aussi, pour enclencher leur premier match de l'année face à des Pumas aux griffes trop élimées. Et ce n'est pas forcément une bonne nouvelle pour le XV de France qui sera sur leur route, le 8 septembre prochain. Car on a retrouvé des Néo-Zélandais vifs et inspirés dans le sillage de leurs trois frères qui font du rugby un jeu de Barrett. A toi, à moi, et surtout à la nôtre, semblaient-ils dire en se transmettant le ballon comme un mot de passe. Fidèles en cela à une tradition visiblement remise au goût du jour.
Depuis la parution d'un ouvrage, l'ABC du rugby, dans lequel Charlie Saxton, ancien demi d'ouverture international devenu entraîneur puis manager dans les années 60 concentrait en une formule la méthode de jeu qu'il pensait la meilleure pour les hommes en noir, ceux-ci disposent d'un référent commun qui met en arborescence trois principes-clés : le placement des joueurs, la possession du ballon et le rythme de jeu. Samedi à Mendoza, ils ont de nouveau consacré cette formule. Saxton écrivait en exergue de son ouvrage : "Le rugby est un jeu d'attaque." Bien lu, bien reçu.
Nous avons ensuite savouré la montée du Puy de Dôme, théâtre d'une petite page épique dans le dernier kilomètre entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, nos Anquetil-Poulidor des temps modernes, au milieu desquels n'est pas parvenu à se glisser l'inimitable Julian Alaphilippe. Avant de retrouver les jeunes pousses bleus, ces "fils de" opposés à l'Angleterre, avant-dernier obstacle sur la route d'un sacre promis en finale face à l'Irlande, vendredi prochain en apéritif propre à calmer notre appétit le temps d'un été qui monte en température.