Primaire. Le mot nous parle d’instincts, bas ; de réaction.
Côté droit, comme côté gauche d'ailleurs, la tenue est en ce moment aux démêlés. Ca va se prolonger jusqu'à samedi, début
d’après-midi, quand le rugby français des 1889 clubs votera pour une nouvelle
figure à sa tête. Ou pas. Reste que la campagne, avec des vertes et des pas mûres,
aura laissé des traces qui ne sont pas d’or, tissu déchiré qui ne se raccommodera
pas de sitôt.
Les
présidents de clubs ont choisi. Certains souhaitent conserver Pierre Camou, président
depuis deux mandats. Il avait promis de ne pas dépasser cette date
de péremption. Mais le pouvoir aveugle. Camou n’est pas Ferrasse: il n’en a ni la
rondeur, ni la poigne, ni l’aura. Mais il s’accroche. Principalement à son Grand Stade, projet
que la Cour des Comptes juge inviable financièrement. 600 millions d’euros de
mise initiale pour sans aucun doute finir au milliard dans quatre ans.
Cette
construction pharaonique, si mal desservie, est la pierre d’achoppement
d’élections tripartite. Que le sortant le veuille ou non. Bernard Laporte et Alain Doucet ne veulent pas de cet éléphant blanc, au cœur des choix. Alors le chœur du changement se partagera principalement entre les
partisans de l’aventure ouverte par Bernard Laporte et ceux de la voie médiane
représentée par Alain Doucet. Il se dit que les jeux sont faits et que Bernie le Dingue est certain de l'emporter.
Sur le fond, les trois programmes sont relativement proches. Le rugby
amateur, en manque de reconnaissance, a besoin de décentralisation, d’une
refonte de ses compétitions fédérales, d’un soutien financier, d’une aide
technique régulière et d’une simplification administrative des licences. Il suffit de discuter avec quelques dirigeants de clubs pour le saisir. Je me demande pourquoi
de tout cela il n'en a pas fait cas, Camou. Et s'il était trop occupé, alors que faisait son équipe en place depuis huit ans ? Bref, passons.
Comme
l’équipe de France. Passons donc. Beaucoup. Trop. Pour si peu. Un essai
derrière une chistera. Pendant que les maîtres du monde arrivés au bout de leur saison aspirent au repos mérité et parviennent à inscrire trois essais
quand ils le décident, nous laissant prendre la tête et la perdre dans
l’occupation du terrain, la possession du ballon et les statistiques. Lesquelles ne veulent pas dire grand-chose, c'est confirmé.
Les All Blacks ne voulaient pas passer par l’infirmerie avant de s'éclater en troisième mi-temps puis s'éloigner en
vacances, mais ils nous ont blessés. Dixit capitaine Guirado, porte parole des victimes de la morgue noire. Sans parler de ce que certains nomment de le suffisance, c'est-à-dire
ne pas tenter trois buts de pénalité bien placés quand on n'a que cinq points d'avance. Ils ont juste livré le minimum syndical pour l’emporter face à une équipe de France «unchained»
mais sectionnée par une interception au moment où elle se libérait. Terrible constat.
Pour tenter
de saisir la substance stratégique du test de samedi dernier, vous pouvez vous
reporter au 30-0 de Christchurch du 15 juin 2013. Presque un copier-coller.
Dominer n’est pas vaincre. A l’évidence, les All Blacks ont lu Sun Tzu et son Art
de la guerre. Ils jouent avec l’obliquité quand leurs adversaires n’ont que le
frontal et du latéral à s’offrir, y laissant leurs articulations et leurs
vertèbres. Aussi leurs espoirs interceptés.
On ne le répétera jamais assez, les racines du jeu néo-zélandais poussent à cinq ans : «Créer un
amour du rugby qui durera toute la vie». Telle est la philosophie de
l’opération Small Blacks au sein de la fédé kiwi. Bases apprises à travers une
version ludique : «Attraper le ballon, le passer, courir et esquiver». Recyclé samedi au Stade de France. Pour en arriver là, pas
de plaquage avant l’âge de 7 ans, jeu au pied interdit avant 11 ans, pas de
mêlée contestée ni de lift en touche avant 14 ans, catégories open selon le
poids et non l’âge jusqu’à 16 ans. Vous trouverez cela, et encore davantage, dans
l’essentiel ouvrage* de Borthwick, play it again, Ian.
Bernard
Laporte élu, l’avenir de Guy Novès devient incertain. Le technicien
toulousain quittera-t-il de lui-même Marcoussis avant d’être viré ?
Fabien Galthié, épaulé par Fabrice Landreau, sera-t-il le prochain
sélectionneur en chef du XV de France ? Les élans offensifs entrevus cet
automne sont-ils feuilles mortes de saison ? Et Evry le nouvel épicentre
français du rugby ? Réponse samedi. Menace, l'orage s'approche ; d'ici là de la météo ovale suivez les bulletins.
* All Blacks, au coeur de la magie noire. Par Ian Borthwick. Editions Hugo Sport. 224 pages.