Après avoir terrassé l'équipe de France des moins de vingt ans la veille à Béziers grâce à une mêlée dominatrice et une défense de fer, l'Italie était en condition de réaliser l'exploit, c'est-à-dire vaincre pour la première fois le XV de France sur ses terres dans le Tournoi. Certes, celle-ci était un peu excentrée au nord mais ça restait un match à domicile que les Tricolores ne surent pas emporter. Et l'inefficacité sur leurs temps forts interroge : c'est un signal qui rappelle les mauvaises heures passées sous Philippe Saint-André, Guy Novès - viré de Marcoussis par Bernard Laporte après un match nul contre le Japon - puis Jacques Brunel entre 2012 et 2019.
En rugby comme dans d'autres sports, le cerveau s'impose comme le muscle le plus important. Il détermine tout. En témoignent ces passes manquées, balancées dans le vide, adressées à n'importe qui et n'importe comment. Aussi ces mauvaises inspirations, à l'image du "quatre contre un" en sortie de percée de Matthieu Jalibert à la 12e minute transformé à cause d'une course trop longue en "trois contre trois" piégeux dans lequel tomba Gaël Fickou, qu'on a connu plus tranchant.
Complétement perdu, ce XV de France est passé en quatre mois d'un tonitruant 60-7 - huit essais à un - en match de poule du Mondial à ce pathétique 13-13 dans le Tournoi. Ce résultat bien nul aurait pu virer à la défaite historique sans la négligence de Paolo Garbisi, coupable d'avoir mal installé son ballon avant une frappe aussi déterminante. La bourde de l'ouvreur de la Nazionale, déclassé de Montpellier pour rejoindre Toulon, rappelle celle de l'infortuné François Gelez face aux All Blacks à l'automne 2002, laissant ses partenaires avec un nul mal payé (20-20).
Là aussi, au risque assumé de me répéter, il est temps de lancer une nouvelle génération en équipe de France. Et d'abord parce puisqu'il est question de préparer 2027, si j'en crois le staff. Les "anciens" sont exsangues, carbonisés, éteints, atones, disloqués, incapables de se sublimer, de se transcender, ou tout simplement de retrouver les plans de jeu égarés en octobre de l'année dernière, au moment le plus important, en quarts de finale. A tel point qu'on ne sait plus - depuis la défaite à Dublin en 2023 - à quoi joue ce XV de France.
Fabien Galthié a offert une chance à Posolo Tuilagi. Alors place à Emilien Gailleton, Nicolas Depoortere, Hugo Reus et Baptiste Couilloud, qu'on voit étincelant avec Lyon depuis le début de l'année ! Donnez-leur le ballon, et si possible dans de bonnes conditions ! Arrêtez de percuter bêtement devant, têtes baissées, aveuglés par l'illusion de puissance qui ne mène nulle part si ce n'est au fiasco ! Car ce résultat nul face à l'Italie est une défaite, et d'abord la défaite de l'esprit, du jeu, ce style "à la Française" qui a disparu depuis un an maintenant, sans qu'on comprenne pourquoi.
Battue par l'Afrique du Sud, humiliée par l'Irlande, chanceuse en Ecosse et surprise par l'Italie, l'équipe de France qui vise le titre mondial en 2027 a beaucoup reçu de ces quatre derniers matches. Reste maintenant à se rendre à Cardiff avant de recevoir l'Angleterre. De jeunes Gallois sans complexes et des Anglais qui remontent la pente n'auront rien de victimes expiatoires. Et il est possible qu'au moment d'éclairer les comptes, l'avant-dernière place du classement revienne à cette France pour l'instant un peu rance, anesthésiée par la communication lénifiante de son coach qui a tendance à éteindre la lumière.