vendredi 25 novembre 2022
Pour qui le carton plein ?
dimanche 13 novembre 2022
En bleu de chauffe
lundi 7 novembre 2022
Un succès très cavalier
Champion de France en 1902 avec le Racing Club de France au poste de deuxième-ligne, puis arbitre international, l'ingénieur polytechnicien Jacques Müntz nourrissait, comme Damian Penaud aujourd'hui, une passion pour le grand échiquier. Laissé à la postérité ovale, son axiome nous revient en mémoire à la vitesse d'une diagonale de fou : "Le rugby est un jeu d'échecs joué à toute allure". L'agile ailier auvergnat en serait le cavalier qui s'insinue dans l'intervalle, saute l'obstacle et repousse l'adversaire avant de prendre le roi.
De cet exploit au forceps le XV de France, en panne d'idées offensives, a fait médiatiquement son miel, instaurant après les Tricolores de la génération 1931-1937 un nouveau record de victoires consécutives - onze - au moment où le zébulon déposait son ballon dans l'en-but australien, lequel record vaut bien plus que l'ancien obtenu à coups de succès sans grand intérêt face à l'Allemagne, époque où la France était exclue du Tournoi des Cinq Nations pour faits de professionnalisme.
Il y a du Jean-Baptiste Lafond chez Damian Penaud, si l'on veut bien ici considérer l'inspiration débridée, la confiance absolue et les appuis tranchants que ces deux phénomènes partagent. Mais le messager n'est rien sans la missive, en l'occurrence cette remarquable passe - moitié sautée, moitié lobée - finement armée par Matthieu Jalibert dont la performance aiguisée en fin de partie relance le débat nourri de la concurrence et surtout de l'alternative qu'il offre à l'ouverture.
Ce succès pour l'histoire suscite une interrogation. Faut-il systématiquement se débarrasser du ballon au pied une fois que les avants ont effectué leurs trois quatre pick-en-go réglementaires, et redonner ainsi des opportunités à l'adversaire de relancer ? La question, qui taraude beaucoup d'observateurs, mérite d'être posée avant d'affronter les Springboks et le triangle arrière Kolbe - Le Roux - Arendse. J'ai l'impression, mais je peux me tromper, que ce principe de "dépossession" est désormais obsolète et sonne comme un aveu d'impuissance, même passagère.
L'Afrique du Sud s'avance samedi sur la Canebière avec la ferme intention de boucher l'entrée du port. Sa prise en force de la ligne d'avantage et ses gros tonnages au ras des phases de conquête vont mettre à contribution les plaqueurs bleus dont on a clairement vu qu'ils avaient de l'appétit pour ce genre de défi frontal. Mais si la défense permet de ne pas perdre un match, c'est bien l'attaque qui offre le succès. Et dans ce domaine, le XV de France serait bien inspiré de monter son exigence d'un cran, voire de deux.
Fidèles à leurs principes dynamiques et multipliant les passes, les All Blacks ont infligé une correction aux Gallois à Cardiff, quand les Pumas s'imposaient à Twickenham grâce à un essai de toute beauté en première intention derrière touche de leur couteau suisse Emiliano Boffelli, avec petit tourniquet des avants pour faire diversion, appels, leurres et courses rentrantes des centres pour bloquer la défense anglaise au milieu du terrain et parfait négoce du "deux contre un" en bout de ligne.
Les Wallabies, pour leur part, déçus d'avoir perdu à la dernière minute, nous ont néanmoins gratifié d'une contre-attaque de cent mètres après la récupération acrobatique d'un lob distillé par Antoine Dupont; essai estampillé "Aussie Flair" digne de La Pléiade, réaction offensive collective au plus fort de la pression encaissée et soudain utilisée pour renverser le rapport de force. Le genre d'action lumineuse qui a fait, depuis les années 60, la gloire du XV de France. Ca n'a échappé à personnne.
mardi 1 novembre 2022
Monsieur Rusigby, roi d'Ovalie
Celui qui aime pour son seul plaisir. Ainsi définit-on l'amateur. Il faut aimer le rugby et surtout savoir le faire aimer pour en tirer la quintessence. Ce qu'est parvenu à réaliser Didier Cavarot au fil de ses expressions épistolaires, premier lauréat du prix du meilleur livre de rugby de l'année 2022 pour son Monsieur Rusigby au bureau ovale de la saison blanche (Editions de la Flandonnière). Robuste troisième-ligne centre passé par Riom, Anger et le Stade Clermontois - celui du Lucien Piquet, du "Cube" (le père d'Aurélien Rougerie), de Gérard Fleury, de Boubouche, de Xavier Verdy, du terrible Charles Roca - avant de rejoindre l'US Issoire, où il réalisa l'essentiel de sa carrière sur et en dehors des terrains, cet Auvergnat bon teint, jovial et sans complexes, fils et neveu de rugbymen, a été distingué par un jury parfaitement hétérogène, samedi 29 octobre à Saint-Pierre de Trivisy, entre Castres et Albi.
Sur la photo d'équipe ci-dessus, prise par Germinal Gayola, manquent Pierre Berbizier, retourné tôt le matin après le vote vers le plateau pour donner le coup d'envoi d'un Lannemezan-Auch dont il était le parrain, et Laura di Muzio, réquisitionnée par TF1 pour commenter la rencontre de Coupe du monde féminine entre la France et l'Italie. Mais vous pouvez reconnaître ou découvrir Emmanuel Massicard (directeur délégué de Midi-Olympique), Jean-Christophe Buisson (directeur adjoint du Figaro Magazine), Philippe Folliot (sénateur du Tarn, talonneur et président de l'association des parlementaires du rugby), Didier Cavarot (trophée en mains), David Reyrat (chef du service rugby au Figaro), Jean Colombier (ancien attaquant de Saint-Junien et prix Renaudot 1990), l'auteur de ces lignes, et Max Armengaud (artiste-photographe, passé par la Casa de Velazquez et la Villa Médicis).
Partie immergée d'une aventure humaine qui regroupe autour de notre factotum Marie-Dominique Hérail de nombreux bénévoles - citons Patou, Manu et Annie -, ce prix récompense un auteur qui a su encrer les petites histoires dans la grande, carnet de chroniques douces et amères d'une saison sans ballon en période Covid au sein de l'US Issoire qui devient sous sa plume rabelaisienne l'épicentre de toutes les passions, tensions, émotions, que chacun peut vivre dans son propre club. Entre rédaction spontanée et truculentes propositions, son personnage - Monsieur Rusigby - condense avec rusticité nos dévoués dirigeants et le bestiaire des équipiers devenus éducateurs bienveillants ou supporteurs caustiques. Au fil des pages, cet ouvrage finit par construire une forme d'humanisme rebondissant.
L'occasion, aussi, de découvrir un village du Tarn, Saint-Pierre de Trivisy, aux multiples facettes qui se dévoilent sans apprêts pour nous recevoir dans l'esprit d'Ovalie, de la table d'hôtes jusqu'aux cigares partagés au bout de la nuit à La Biblioteca - restaurant-gite-conservatoire placé sous l'aimable férule de Pascale et de Laurent - dont la particularité consiste à rassembler presque tous les ouvrages de rugby sur les murs de ce club-house où Jacques Verdier et Didier Retière, Laurent Travers et Olivier Margot ont précédé des centaines d'inconnus attirés par la lecture. Un piano Pleyel luisant orne les lieux, invitation aux bonnes vibrations qui trouvèrent leur point d'orgue dans un Se Canta (prononcer canto) version Gaston Phoebus, en occitan donc, magnifié à la tierce et à la quinte comme il se doit.
En ouvrant, tout sourire et très ému, le palmarès du prix 2022 La Biblioteca, qu'il considère non sans humour comme le Championnat de France de la littérature ovale, Didier Cavarot rejoint aussi pour la saison prochaine notre aréopage plumitif. Le voici donc devenu garant pour la saison à venir de notre ADN lequel agrège Pierre Mac Orlan, Denis Lalanne, Kléber Haedens et Antoine Blondin dont, judicieusement, Jean Colombier, auteur de Beloni, rappelle l'âge d'or au sein de notre jury.
Féliciter enfin les finalistes, dernier carré méritant composé d'Antoine Duval, de Guilhem Herbert et de Christian Pastre, dont les oeuvres respectives trouvèrent un bel écho lors de nos apres délibérations. Sans trahir de secrets, nous eûmes besoin de trois tours de scrutin - au lieu des deux initialement prévus - pour parvenir à choisir un vainqueur, et la marge fut très étroite, preuve de la grande qualité des ouvrages proposés: Une histoire de Sevens (Au vent des îles) raconte par le menu l'ascension de cet avatar lumineux, l'album Rugby en choeurs (Amphora) nous plonge au coeur des hymnes ovales, quand A corps perdu (Editions du Cabardès) s'inscrit subtilement dans une veine romanesque.
Avec la Coupe du monde 2023 qui se profile à l'horizon, les publications rugbystiques ne manqueront pas, sous tous formats, multipliant les angles, nourissant les sujets les plus originaux, et le roman - puisqu'il est plus que jamais question de style - y aura toute sa place. Notre tâche, jamais achevée, n'en sera donc que plus exaltante. Et je suis persusadé que les membres de ce blog décalé n'hésiteront pas à apporter leur contribution écrite au fil des commentaires, voire à dénicher quelques perles rares de forme oblongue afin d'éveiller durant l'année à venir notre sagacité.