Adolphe
Jauréguy l’attestait, et il n’y a aucune
raison de ne pas le croire : quand l’écrivain anglais Rudyard Kipling
s’est mis à la rédaction du Livre de la Jungle, il a fortement pensé aux
Français quand il s’est agi de trouver puis de creuser les caractéristiques des
Bandar Log, ce peuple des singes tant vilipendé dans l’ouvrage. Ils sont décrits,
ces Bandar Log (qu’on pourrait traduire par «bande de bûches», au sens
d’abrutis), comme instables, velléitaires, colériques, excités pour un rien.
Des parias des îles, pour paraphraser John Conrad, son contemporain, ostracisés
par le peuple de la jungle.
Les Anglais
qui se targuent à juste titre d’avoir inventé le premier Parlement politique
occidental tout en ayant créé leur propre religion ont une expression pour
traiter par le plus profond mépris les peuplades guère dignes d’intérêt :
«Sans foi ni loi». Les Bandar Log n’ont aucun credo, pas de contrat social ni de code civil, pas de roi ni de chef. Ou plutôt ils en
ont beaucoup. Trop. Ce qui génère une cacophonie d’imprécations laquelle les
empêche finalement de mener à bien leurs projets. Aucune de leurs ambitions
collectives ne dépasse le stade de l’esquisse.
Et puis
surtout ils parlent fort, souvent, à contre temps, à tort et à travers, chacun
revendiquant le droit de s’exprimer pour attirer l’attention sur lui. Dans ce
microcosme qu’est la jungle et ses animaux - comme le sera plus tard la fameuse
ferme de George Orwell peuplée de basse-cour - les Bandar Log comptent pour
partie négligeable: personne ne leur prête la moindre attention. De là à
imaginer Marcoussis en Grotte Froide il n’y a qu’un pas.
Tout comme il est tentant de voir bientôt Fabien Galthié en Mowgli fabriquer un toit ovale pour abriter le XV de France des grosses déconvenues du tonneau de celles qui viennent de plomber, pour notre plus grand désespoir, la tournée de ce mois de juin en Afrique du Sud. King Louis, avec ses percussions frontales, n’y pouvait mais. Ni lui ni ce Serin, oiseau de bonne augure vite déplumé à Durban. Les Tricolores reviennent penauds, contrits, martyrisés, humiliés. En vrac comme en kit à reconstruire, et on leur souhaite de bonnes vacances. Franchement. Ils ont dix semaines, une première, pour se laver la tête et se durcir la couenne.
Parce qu’en novembre, qu’ils le sachent, ils vont en baver. Avec la réception du Japon, de l’Afrique du Sud - heure de vérité - et deux tests face aux All Blacks, le président de la FFR, Bernie 1er, a demandé trois succès. Rien de moins. Sinon… Et bien sinon, il y a aura du changement dans le staff. Mais pas seulement. Une remise en question du jeu proposé et des réajustements dans le choix des sélectionnés. Guy Novès, dixit Laporte, n’est pas menacé mais c’est justement parce que ça a été répété trois fois en une semaine que la situation de l’entraîneur national n’a jamais été aussi fragile.
Tout comme il est tentant de voir bientôt Fabien Galthié en Mowgli fabriquer un toit ovale pour abriter le XV de France des grosses déconvenues du tonneau de celles qui viennent de plomber, pour notre plus grand désespoir, la tournée de ce mois de juin en Afrique du Sud. King Louis, avec ses percussions frontales, n’y pouvait mais. Ni lui ni ce Serin, oiseau de bonne augure vite déplumé à Durban. Les Tricolores reviennent penauds, contrits, martyrisés, humiliés. En vrac comme en kit à reconstruire, et on leur souhaite de bonnes vacances. Franchement. Ils ont dix semaines, une première, pour se laver la tête et se durcir la couenne.
Parce qu’en novembre, qu’ils le sachent, ils vont en baver. Avec la réception du Japon, de l’Afrique du Sud - heure de vérité - et deux tests face aux All Blacks, le président de la FFR, Bernie 1er, a demandé trois succès. Rien de moins. Sinon… Et bien sinon, il y a aura du changement dans le staff. Mais pas seulement. Une remise en question du jeu proposé et des réajustements dans le choix des sélectionnés. Guy Novès, dixit Laporte, n’est pas menacé mais c’est justement parce que ça a été répété trois fois en une semaine que la situation de l’entraîneur national n’a jamais été aussi fragile.
Comme dans
les années soixante avec Albert Ferrasse et Guy Basquet, la FFR s’est dotée
d’un duo de dirigistes : Laporte et Simon. Et pas toujours dans cet
ordre-là. A l’ancien pilier protéiforme le marketing, la communication et la
supervision de toutes les équipes de France. Ca pèse. A l’ancien demi de mêlée
filiforme le reste et surtout les médias, histoire de bien marteler son discours
et ses attentes. Vous pouvez suivre leurs aventures sur Twitter comme si vous y
étiez. On dirait un show de télé réalité : là Simon devant les vagues de l’Océan
Indien, ici Laporte en survêtement à sa descente d’avion.
«Pour
l’instant». L’expression, qui précède désormais le discours présidentiel
concernant le blanc-seing de Novès, pèse une épée de Damoclès
sur le staff bleu. Un an et demi que la bande des quatre trime sur un projet de
jeu. Et le néant. Zéro pointé. Une combinaison en deux cent quarante minutes –
essai de Spedding à Durban. C’est pauvre. Sans oublier un double déficit
criant en défense et en conquête, où la fragilité le dispute au manque
d’intelligence.
Contrairement
à une soixantaine d’élèves de Terminale obligés de repasser mercredi une partie
de leur baccalauréat une semaine après la fin supposée des épreuves à cause d'un vol de copies, l’avantage
avec cette tournée de naufragés c’est qu’elle est terminée. Dépassée. Il y a tellement d’éléments positifs à en retirer, si on écoute
Novès, qu’on est bien sot de ne pas les avoir captés. A commencer par des
pistes de travail. Mais Qu’ont-il
fait depuis un an et demi ? Rien puisqu’à les entendre, ils vont démarrer
maintenant après avoir enfin mesuré l’écart qui les sépare du haut niveau. Jamais XV de France n’avait
eu autant de temps à passer groupé. On frisonne d’effroi
à l’idée d’imaginer qu’il va en avoir davantage, du temps, derrière les
grillages de Marcoussis à huis clos.
Pour ajouter
à la déception, j’apprends en lisant la chronique de mon ami Olivier Margot
dans Midi-Olympique – les langues se délient avec le temps, il faut juste tendre
l’oreille au bon moment – que Yoann Maestri et Yoann Huget s’étaient plaints
auprès de leur coach, Philippe Saint-André, de l’exigence, trop élevée, trop
intense pour eux de leur capitaine de l’époque (c’était en 2015, avant le
coup d’envoi de la Coupe du monde), l’irréprochable Thierry Dusautoir. Nous
évoquions cela il y a peu sur ce blog et c’est bien d’exigence dont cette petite
génération bleue manque le plus.
Elle n’a
rien produit dans l’hémisphère sud depuis 2009, rien gagné depuis le Grand
Chelem 2010, rien montré dans le Tournoi des 6 Nations ni ailleurs depuis trois
mandats d’entraîneurs. Mais elle sait se plaindre quand un de ses plus grands
capitaines, joueur emblématique à défaut d’être charismatique, leader par l’exemple,
lui intime l’ordre d’engagement. Génération dorée que celle-là avec sa convention
de sénateurs et son train de jeu qui va à la même vitesse. Génération déboussolée
qui ne supporte pas la critique, en témoigne l’ire du capitaine Guirado à l’encontre de notre confrère Vincent Péré-Lahaille via Twitter, pour lequel on écrit malheureusement
plus vite qu’on ne pense.
En cet été commençant,
on pourra au moins dire qu’on a vu jouer les All Blacks. Qu’au moment où s’affadissait
le bleu de France nous partagions l’avènement de géants comme Richie McCaw, Ma’a
Nonu, Dan Carter, Conrad Smith, Owen Franks, Kieran Read, Brodie Retallick, Aaron
Smith puis Beauden Barrett, Rieko Ioane, Codie Taylor… Ioane, justement. Sa famille a spontanément hébergé la
veille du premier test à l'Eden Park d'Auckland tel supporteur des Lions, un Anglais dénommé Alex Edwards, qui
allait dormir dans sa voiture sur le parking d’en face. Si ça n’est pas esprit rugby,
ça !