samedi 31 décembre 2022
2023, année bascule
samedi 17 décembre 2022
Crado de Noël
mercredi 7 décembre 2022
Epitomé tricolore
vendredi 25 novembre 2022
Pour qui le carton plein ?
dimanche 13 novembre 2022
En bleu de chauffe
lundi 7 novembre 2022
Un succès très cavalier
Champion de France en 1902 avec le Racing Club de France au poste de deuxième-ligne, puis arbitre international, l'ingénieur polytechnicien Jacques Müntz nourrissait, comme Damian Penaud aujourd'hui, une passion pour le grand échiquier. Laissé à la postérité ovale, son axiome nous revient en mémoire à la vitesse d'une diagonale de fou : "Le rugby est un jeu d'échecs joué à toute allure". L'agile ailier auvergnat en serait le cavalier qui s'insinue dans l'intervalle, saute l'obstacle et repousse l'adversaire avant de prendre le roi.
De cet exploit au forceps le XV de France, en panne d'idées offensives, a fait médiatiquement son miel, instaurant après les Tricolores de la génération 1931-1937 un nouveau record de victoires consécutives - onze - au moment où le zébulon déposait son ballon dans l'en-but australien, lequel record vaut bien plus que l'ancien obtenu à coups de succès sans grand intérêt face à l'Allemagne, époque où la France était exclue du Tournoi des Cinq Nations pour faits de professionnalisme.
Il y a du Jean-Baptiste Lafond chez Damian Penaud, si l'on veut bien ici considérer l'inspiration débridée, la confiance absolue et les appuis tranchants que ces deux phénomènes partagent. Mais le messager n'est rien sans la missive, en l'occurrence cette remarquable passe - moitié sautée, moitié lobée - finement armée par Matthieu Jalibert dont la performance aiguisée en fin de partie relance le débat nourri de la concurrence et surtout de l'alternative qu'il offre à l'ouverture.
Ce succès pour l'histoire suscite une interrogation. Faut-il systématiquement se débarrasser du ballon au pied une fois que les avants ont effectué leurs trois quatre pick-en-go réglementaires, et redonner ainsi des opportunités à l'adversaire de relancer ? La question, qui taraude beaucoup d'observateurs, mérite d'être posée avant d'affronter les Springboks et le triangle arrière Kolbe - Le Roux - Arendse. J'ai l'impression, mais je peux me tromper, que ce principe de "dépossession" est désormais obsolète et sonne comme un aveu d'impuissance, même passagère.
L'Afrique du Sud s'avance samedi sur la Canebière avec la ferme intention de boucher l'entrée du port. Sa prise en force de la ligne d'avantage et ses gros tonnages au ras des phases de conquête vont mettre à contribution les plaqueurs bleus dont on a clairement vu qu'ils avaient de l'appétit pour ce genre de défi frontal. Mais si la défense permet de ne pas perdre un match, c'est bien l'attaque qui offre le succès. Et dans ce domaine, le XV de France serait bien inspiré de monter son exigence d'un cran, voire de deux.
Fidèles à leurs principes dynamiques et multipliant les passes, les All Blacks ont infligé une correction aux Gallois à Cardiff, quand les Pumas s'imposaient à Twickenham grâce à un essai de toute beauté en première intention derrière touche de leur couteau suisse Emiliano Boffelli, avec petit tourniquet des avants pour faire diversion, appels, leurres et courses rentrantes des centres pour bloquer la défense anglaise au milieu du terrain et parfait négoce du "deux contre un" en bout de ligne.
Les Wallabies, pour leur part, déçus d'avoir perdu à la dernière minute, nous ont néanmoins gratifié d'une contre-attaque de cent mètres après la récupération acrobatique d'un lob distillé par Antoine Dupont; essai estampillé "Aussie Flair" digne de La Pléiade, réaction offensive collective au plus fort de la pression encaissée et soudain utilisée pour renverser le rapport de force. Le genre d'action lumineuse qui a fait, depuis les années 60, la gloire du XV de France. Ca n'a échappé à personnne.
mardi 1 novembre 2022
Monsieur Rusigby, roi d'Ovalie
Celui qui aime pour son seul plaisir. Ainsi définit-on l'amateur. Il faut aimer le rugby et surtout savoir le faire aimer pour en tirer la quintessence. Ce qu'est parvenu à réaliser Didier Cavarot au fil de ses expressions épistolaires, premier lauréat du prix du meilleur livre de rugby de l'année 2022 pour son Monsieur Rusigby au bureau ovale de la saison blanche (Editions de la Flandonnière). Robuste troisième-ligne centre passé par Riom, Anger et le Stade Clermontois - celui du Lucien Piquet, du "Cube" (le père d'Aurélien Rougerie), de Gérard Fleury, de Boubouche, de Xavier Verdy, du terrible Charles Roca - avant de rejoindre l'US Issoire, où il réalisa l'essentiel de sa carrière sur et en dehors des terrains, cet Auvergnat bon teint, jovial et sans complexes, fils et neveu de rugbymen, a été distingué par un jury parfaitement hétérogène, samedi 29 octobre à Saint-Pierre de Trivisy, entre Castres et Albi.
Sur la photo d'équipe ci-dessus, prise par Germinal Gayola, manquent Pierre Berbizier, retourné tôt le matin après le vote vers le plateau pour donner le coup d'envoi d'un Lannemezan-Auch dont il était le parrain, et Laura di Muzio, réquisitionnée par TF1 pour commenter la rencontre de Coupe du monde féminine entre la France et l'Italie. Mais vous pouvez reconnaître ou découvrir Emmanuel Massicard (directeur délégué de Midi-Olympique), Jean-Christophe Buisson (directeur adjoint du Figaro Magazine), Philippe Folliot (sénateur du Tarn, talonneur et président de l'association des parlementaires du rugby), Didier Cavarot (trophée en mains), David Reyrat (chef du service rugby au Figaro), Jean Colombier (ancien attaquant de Saint-Junien et prix Renaudot 1990), l'auteur de ces lignes, et Max Armengaud (artiste-photographe, passé par la Casa de Velazquez et la Villa Médicis).
Partie immergée d'une aventure humaine qui regroupe autour de notre factotum Marie-Dominique Hérail de nombreux bénévoles - citons Patou, Manu et Annie -, ce prix récompense un auteur qui a su encrer les petites histoires dans la grande, carnet de chroniques douces et amères d'une saison sans ballon en période Covid au sein de l'US Issoire qui devient sous sa plume rabelaisienne l'épicentre de toutes les passions, tensions, émotions, que chacun peut vivre dans son propre club. Entre rédaction spontanée et truculentes propositions, son personnage - Monsieur Rusigby - condense avec rusticité nos dévoués dirigeants et le bestiaire des équipiers devenus éducateurs bienveillants ou supporteurs caustiques. Au fil des pages, cet ouvrage finit par construire une forme d'humanisme rebondissant.
L'occasion, aussi, de découvrir un village du Tarn, Saint-Pierre de Trivisy, aux multiples facettes qui se dévoilent sans apprêts pour nous recevoir dans l'esprit d'Ovalie, de la table d'hôtes jusqu'aux cigares partagés au bout de la nuit à La Biblioteca - restaurant-gite-conservatoire placé sous l'aimable férule de Pascale et de Laurent - dont la particularité consiste à rassembler presque tous les ouvrages de rugby sur les murs de ce club-house où Jacques Verdier et Didier Retière, Laurent Travers et Olivier Margot ont précédé des centaines d'inconnus attirés par la lecture. Un piano Pleyel luisant orne les lieux, invitation aux bonnes vibrations qui trouvèrent leur point d'orgue dans un Se Canta (prononcer canto) version Gaston Phoebus, en occitan donc, magnifié à la tierce et à la quinte comme il se doit.
En ouvrant, tout sourire et très ému, le palmarès du prix 2022 La Biblioteca, qu'il considère non sans humour comme le Championnat de France de la littérature ovale, Didier Cavarot rejoint aussi pour la saison prochaine notre aréopage plumitif. Le voici donc devenu garant pour la saison à venir de notre ADN lequel agrège Pierre Mac Orlan, Denis Lalanne, Kléber Haedens et Antoine Blondin dont, judicieusement, Jean Colombier, auteur de Beloni, rappelle l'âge d'or au sein de notre jury.
Féliciter enfin les finalistes, dernier carré méritant composé d'Antoine Duval, de Guilhem Herbert et de Christian Pastre, dont les oeuvres respectives trouvèrent un bel écho lors de nos apres délibérations. Sans trahir de secrets, nous eûmes besoin de trois tours de scrutin - au lieu des deux initialement prévus - pour parvenir à choisir un vainqueur, et la marge fut très étroite, preuve de la grande qualité des ouvrages proposés: Une histoire de Sevens (Au vent des îles) raconte par le menu l'ascension de cet avatar lumineux, l'album Rugby en choeurs (Amphora) nous plonge au coeur des hymnes ovales, quand A corps perdu (Editions du Cabardès) s'inscrit subtilement dans une veine romanesque.
Avec la Coupe du monde 2023 qui se profile à l'horizon, les publications rugbystiques ne manqueront pas, sous tous formats, multipliant les angles, nourissant les sujets les plus originaux, et le roman - puisqu'il est plus que jamais question de style - y aura toute sa place. Notre tâche, jamais achevée, n'en sera donc que plus exaltante. Et je suis persusadé que les membres de ce blog décalé n'hésiteront pas à apporter leur contribution écrite au fil des commentaires, voire à dénicher quelques perles rares de forme oblongue afin d'éveiller durant l'année à venir notre sagacité.
mercredi 26 octobre 2022
Aux racines de ce jeu
Un géant s'est éteint. Doucement. A l'âge de 102 ans. Avant d'être l'immense artiste que l'on connait, Pierre Soulages avait été un solide avant du lycée de Rodez, puis du Stade Ruthénois. En 2007, Olivier Villepreux avait interviewé le peintre de l'outrenoir sur le thème ovale. "Avec mon gabarit, avouait Soulages, mes cent kilos et mon 1, 90 m, j'étais deuxième-ligne et parfois troisième-ligne. Je sautais haut, je courais vite. A Rodez, je ne pouvais échapper au rugby. Dans ma famille, on aimait le rugby. Je me souviens un jour, j'avais dix ans, et l'équipe du Stade Ruthénois était en déplacement. Mon oncle m'a surpris en train de me rendre au stade :
- Et où vas-tu ?
- Au stade, il y a match de football...
- Tu n'es pas malade ? Tu veux aller voir jouer les manchots ? Tu n'iras pas ! Viens, on va à la maison, on va goûter ensemble.
Et il m'a offert un quatre-heures phénoménal, pour me récompenser ! C'était en 1930."
Dans Le rugby français existe-t-il (éditions Autrement, 2007), Olivier Villepreux reprit les mots écrits par Roger Vailland sur Soulages : "C'est un champion, qui au cours d'un grand nombre de combats, de courses et de séances d'entraînement s'est créé un style". Un style fait d'immenses peintures monopigmentaires fondées sur la réflexion de la lumière par les états de surface du noir. Toiles exposées dans le monde entier, Paris, New York, Sao Paulo, Copenhague... Magnifiées en 1979 puis en 2010 au Centre Georges Pompidou, autre amoureux du rugby. Happé par la peinture en 1946, Soulages a ainsi fait traverser, quatre-vingt ans durant, son noir abstrait.
"J'ai des rapports presque quotidiens avec le rugby, avouait cet ancien joueur de l'ombre, des tâches obscures et souterraines. Car ce qui m'a plu au départ dans le rugby, c'est que le ballon est ovale. Cela a l'air idiot, mais c'est capital parce que, avec cette forme, il y a de l'inattendu. Et l'inattendu est ce qui m'intéresse dans la peinture, tous les jours. Ce qui me plaît, c'est de rencontrer ce que je n'attends pas et sur lequel peut s'échaufauder une construction. C'est comme cela que fonctionnent mes tableaux. Lorsque j'en commence un, je ne sais pas ce que je vais faire, c'est un événement qui, pendant que je peins, se produit et déclenche la suite. Cela ressemble déjà à du rugby, c'est dans la conception même, dans la racine de ce jeu, que je retrouve le rebond innatendu de l'ovale."
Et Pierre Soulages de poursuivre, à notre usage : "Si le rugby n'était qu'une activité physique, elle manquerait d'intérêt. J'ai souvent vu des types qu'on disait idiots être très intelligents dans le jeu. Et ils l'étaient, profondement. Il y a une forme d'intelligence du combat (...) Dans l'art, c'est la même chose. Ingres disait : "Les gens qui ont du talent, ils font ce qu'ils veulent, moi, je ne fais que ce que je peux." Je crois que c'est une parole qui vaut aussi pour le rugby. C'est un jeu qui est révélateur des gens, de leur personnalité et de leur talent, dans un collectif."
Et de conclure ici : "J'étais concerné par beaucoup de choses dans ma jeunesse, mais j'aimais ce jeu parce que justement il était beaucoup plus qu'un sport, un jeu (...) J'ai rencontre René Char. Il jouait au même poste que moi, m'a-t-il dit. Nous avions la même corpulence, quoique dans mon souvenir, il avait des mains plus grandes que les miennes ! Georges Duby (historien) également avait joué. Claude Simon (écrivain, prix Nobel en 1985) aussi. C'était un ami proche. (...) Vous savez, en général, les amis que j'ai sont des amis qui aiment ce jeu. Ce n'est pas parce qu'ils aiment le rugby qu'ils sont mes amis, mais parce que probablement il y a des choses que nous partageons qui se trouvent aussi dans ce jeu."
Parmi ses amis, Jean Nouvel. Et Olivier Margot. Qui offrit à L'Equipe Magazine le 10 septembre 2011 sa Une signée Soulages pour un cent pour cent All Blacks. "Le noir n'est pas toujours le deuil, précisait le Maître. Pour la plus grand partie de la planète, la couleur du deuil, c'est le blanc. Les symboliques des couleurs sont réversibles. Pour tout homme, c'est la couleur de notre origine : avant de naître, avant de "voir le jour", nous sommes dans le noir. Dans les époques lointaines de la Préhistoire, Altamina, Lascaux, Chauvet, nous savons que, depuis 340 siècles, les hommes allaient peindre dans les endroits les plus obscurs de la terre, dans le noir absolu des grottes, et peindre avec du noir."
Dans l'entretien réalisé par mon ami Olivier Margot, Pierre Soulages évoqua le rugby d'aujourd'hui. Voilà ce qu'il en disait : " Le jeu m'intéresse toujours, même s'il y a moins d'inattendu qu'auparavant. Tout est devenu très codé. Il faut se méfier des techniques trop bien rodées. Je suis contre les académismes. En peinture comme en rugby, le plus intéressant, c'est quand apparait un nouvel ordre dans le désordre. J'ai dit, il y a longtemps : C'est ce que je fais qui m'apprend ce que je cherche."
Un tel personnage, plus grand que nature, nous laisse une oeuvre monumentale - et je vous invite à vous rendre à Rodez au musée qui lui rend un sublime hommage où se mêlent les relations du noir avec la lumière et les couleurs, "l'inépuisable diversité de la lumière reflétée, ce noir-lumière, cet autre champ mental que celui du noir", ajoutait-il, presque mystique, citant saint Jean de la Croix : "Pour toute la beauté jamais je ne me perdrai, sauf pour un je-ne-sais-quoi qui s'atteint d'aventure."
Remettre en cause dans un monde fragmenté, qui souffre. Parti, Pierre Soulages, et nous sommes nombreux, nous accompagne. Il demeure. Dans l'effort insondable qui nous pousse non pas seulement à rencontrer mais à atteindre.
samedi 1 octobre 2022
Le premier homme
jeudi 22 septembre 2022
L'ovale primé
vendredi 9 septembre 2022
Bordel, un an !
jeudi 1 septembre 2022
Graines de culture
dimanche 21 août 2022
L'offrande faite à Roland
dimanche 14 août 2022
Réponse affirmative
vendredi 29 juillet 2022
C'est à vous
lundi 4 juillet 2022
Ecrit sur du sable
dimanche 26 juin 2022
La voie des guerriers
lundi 20 juin 2022
Tranchée dans l'art
mardi 14 juin 2022
Dépasser le barrage
La défense prend des allures d'essuie-glace. A en croire les experts autoproclamés, il faudrait faire barrage, donc, et bloquer les débordements sur l'aile gauche, alors qu'on nous expliquait il y a peu qu'il fallait tout faire pour éviter d'être enfoncé côté droit... Reste que le week-end dernier, les tentatives ont été fructueuses: huit essais à Ernest-Wallon, six à Chaban-Delmas, comme autant de réussites. D'ordinaire, la phase finale du Top 14 est terminale : verrouillée, frileuse, défensive et bien peu spectaculaire. Cette fois-ci, avec le retour - sonore - du public dans les tribunes, il faut croire que l'ambiance festive a porté les joueurs. Pour notre plus grand plaisir.
Prime à l'hôte, donc. L'apport des supporteurs n'y est pas étranger. Projetons-nous maintenant aux demi-finales, very nice. Prime au repos, à la récupération ? Et donc petit avantage fraîcheur aux Castrais et aux Montpelliérains ? Sans doute, en toute logique. La phase finale est une intense saga sans temps morts. Son équité a pour source le classement, d'où l'intérêt - du moins est-ce ainsi présenté - de terminer dans les deux premiers pour reposer les troupes après neuf mois de route.
Cruelle, écrivions-nous la semaine dernière. Oui, la phase finale l'est, et ce n'est pas Christophe Urios qui nous contredira, lui qui a misé sur une révolte afin d'aider son équipe à décrocher, enfin, le Bouclier de Brennus. Mais un soulèvement du vestiaire peut-il être efficace trois semaines de rang ? Les Girondins n'ont-ils pas tout puisé, et donc épuisé d'un seul coup leurs ressources face au Racing 92, dimanche dernier ? Si focaliser sur une seule personne l'ire d'une équipe en mal de vigueur permet à l'UBB de terrasser Montpellier, dimanche, alors Christophe Urios méritera d'être sacré manager le plus coruscant - clin d'oeil à Jacques Verdier - de la saison.
Brillant, Phil Bennett l'était lui aussi. Imaginez débuter dans le XV de Galles après l'immense Barry John... Le crocheteur de Llanelli n'a pourtant jamais été dans l'ombre de son ainé et a pris immédiatement sa part de lumière. Là où Mozart en crampons s'infiltrait en finesse, masquant sa pointe de vitesse par une aisance de sylphide, Phil Bennett a hissé, tel un danseur sur la pointe des pieds, la feinte de corps au rang de performance artistique. Il s'est éteint le 12 juin, à l'âge de 73 ans, mais sa mémoire nous éclairera encore longtemps.
Il y a une quinzaine d'années, en reportage à Llanelli avec mon copain photographe Fred Mons pour L'Equipe Magazine, Phil Bennett, véritable ambassadeur du club et de la ville, m'avait ouvert toutes les portes comme il perçait les défenses : souriant, affable, disert, disponible. Il s'était présenté à nous en costume trois pièces, élégant de la tête aux pieds, la pochette assortie. Avec lui, sans attendre, nous avions pu récolter dans la ville, au sein du club et alentour histoires et anecdotes, angles et sujets. Avant de terminer notre visite par un Land of my Fathers d'anthologie, au terme d'une concert privé, je veux dire juste pour nous, du Llanelli Male Voice Choir, dont la discographie n'est plus à vanter.
Comme d'autres joueurs de sa génération rouge - JPR Williams, Gerald Davies, Ray Gravell, Gareth Edwards, Merwyn Davies - Phil Bennett était un leader. Un porteur de jeu. Benny, pour les intimes. Et s'il y a une évidence que nous enseigne la phase finale, c'est l'importance des leaders. Leaders de vie et de vestiaire durant la saison, certes, mais au moment des matches couperets, ce sont surtout les leaders de jeu qui font la différence. Le Racing 92, à l'exception de Gaël Fickou, en manque, et sa défaite en barrage est d'abord stratégique : trois essais encaissés en onze minutes, sans réaction de l'équipe.
De son côté, La Rochelle disposait de perforateurs - Skelton, Alldritt, Liebenberg, Botia, Danty - mais pas de chef d'orchestre capable d'inverser la partition, de comprendre en quelques minutes comment s'articulait le piège toulousain (double défense : vive au ras et inversé au large) et d'adapter une nouvelle façon de prendre la ligne d'avantage. Les barrages désormais rompus, ces demi-finales seront celles des maîtres du jeu, opposant les voisins ennemis vendredi soir et puis, le lendemain, des ambitieux affamés. En n'oubliant jamais que "la plus grande des victoires est celle au cours de laquelle nous avons eu la ferme conviction et le sentiment net d'avoir offert et donné toutes les opportunités à notre adversaire pour en sortir grandi."