Bernard Laporte a remporté l'élection présidentielle dans un fauteuil. De quoi y tendre le maillot de l'équipe de France. On ne pourra pas reprocher au nouveau boss du rugby hexagonal de ne pas faire ce qu'il a promis. Juste lui signaler qu'il n'est pas obligé d'aller aussi vite en besogne. Même s'il se sent fort du soutien de Besagne. En se présentant sur un plateau de télévision, dimanche, pour annoncer qu'il lançait un projet de contrat fédéral pour quarante internationaux français, le prez pressé a fait son Trump et mis le feu. D'où l'extincteur...
Car le droit l'emporte sur toute autre considération. Y compris et surtout sur l'esbroufe et le coup de force. C'est donc en barbare riant (un peu jaune toutefois après la défaite française à Dublin, 19-9, au terme d'un florilège de maladresses et d'approximations) que Bernie a plus que jamais validé son surnom de dingue qu'on lui reconnait. Passant largement au-dessus de la Convention FFR/LNR et des conventions, il prévoit d'aller directement négocier en tête-à tête avec les présidents de clubs la mise sous contrat fédéral pendant six mois de leurs internationaux français.
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Seuls trois ont accepté ses desseins : Mourad Boudjellal (qui en cas de rapatriement de la LNR à Marcoussis se verrait bien à la tête de l'usine à gaz), Laurent Marti (par amitié bordelaise mais pas pour négocier quoi que ce soit) et Mohed Altrad, ce qui n'étonnera personne. Quand les râteliers sont pleins, on peut manger partout... Il a surtout, et c'est inquiétant pour la suite, il annonce avoir forcé la main des stagiaires de Nice les enjoignant de signer une promesse de soutien à son projet.
C'est faux. Si les joueurs ont signé, c'est pour la réévaluation des primes de matches internationaux. Mais on imagine que les internationaux en activité n'ont pas pensé une seule seconde qu'ils étaient ainsi pris en otage par leur président (re)devenu sélectionneur. Lequel n'a pas envie d'avoir une assurance d'être dans la liste Elite et de prendre un abonnement à l'année dans l'Essonne ? Au-delà de ça, et bien plus dangereux à court terme, caricature que cette volonté d'aller très vite se proposer en sauveur. Comme si lui seul - entraîneur national huit ans sans résultat probant si ce n'est une demi-fnale de Coupe du monde - savait quelle solution apporter pour que le XV de France retrouve son brillant.
Au lieu de réunir ce qui est épars, Bernie le Dingue vient de s'offrir un combat contre la LNR et son président élu. Sans doute prépare-t-il la voie pour rapatrier le rugby professionnel dans le giron fédéral, auquel cas son coup de force est un petit coup de maître. Mais vu l'état de la formation française, garder deux mois de plus les internationaux à Marcoussis est-il vraiment un gage de réussite ? Ils arriveront sans doute plus frais sur le terrain. Mais s'ils ne comprennent pas, comme c'est actuellement le cas, à quoi ils jouent, pourquoi, quand et comment, deux mois de plus en vase-clos ne changeront rien à l'affaire. Sauf à s'ouvrir la main à force de frapper dans un mur.
On en oublierait presque d'évoquer Dublin dont on attendait tellement. Au micro en-avant de Gaël Fickou, aux maxi-conneries d'une troisième-ligne française dépassée en tout, du show Sexton à l'effroi d'une défaite sans âme, des ballons tombés à la claque ramassée, je garde les vagues vertes, combinaisons millimétrées infligées quinze fois aux Tricolores, plan de jeu affirmé. L'Irlande a des convictions, nous avons des cauchemars et la perspective d'un déplacement à Rome après ce qu'on a vu de l'Italie à Twickenham nous fait plutôt nous diriger vers Canossa.
En plus des parties pas très fines disputées à Saint-Denis face à l'Ecosse et à Dublin devant l'Irlande, le rugby français fait intervenir des stars de l'hémisphère sud pour se tirer une balle dans les valeurs. Après les corticos, l'ivresse au volant, voici la mise au violon de deux fétards pour consommation et achat de cocaïne sur les Champs-Elysées, site touristique qui ne réussit pas beaucoup aux Racingmen en ce moment. Après Ali, Barba ? On conseillera à la nouvelle recrue du RCT de ne pas remonter cette avenue durant son séjour en Top 14 s'il ne veut pas goûter aux cellules de dégrisement du VIIIe arrondissement.
Ajoutez à cela le décès de Joost van der Westhuizen à un âge où on profite pleinement de la vie et de ses jeunes enfants. Le suicide de Dan Vickerman incapable de survivre dans l'après-rugby, disparition qui fait écho aux alertes lancées en leur temps par Christophe Dominici et, il n'y a pas si longtemps, par Raphaël Poulain. La coke circule dans le rugby. Le cas Pieter de Villiers, en 2003, n'était pas une exception. Et pour ajouter au chaos l'apparition de Philippe Sella à Panama dans ce qui n'est pas une percée mais une évasion fiscale. Plus de doute possible : ce mois de février, particulièrement violent, laissera des traces et pas seulement entre les lignes. On savait qu'au pays du long nuage blanc le rugby est une religion. On constate qu'ailleurs, il devient un opium.