Ce n'est pas encore le Goncourt mais c'est déjà un joli challenge qui s'engage sur cette quatrième édition : choisir le meilleur ouvrage de rugby de l'année. Pour cela comptez sur un jury dont la composition doit tout à l'initiateur de ce projet, à savoir le sénateur du Tarn, Philippe Folliot, et à ses deux piliers, David Reyrat, du Figaro, et votre fidèle chroniqueur qui est, désormais, en période jubilatoire.
mardi 30 septembre 2025
Au fil des lignes
dimanche 14 septembre 2025
Salut, le copain
Il savait tout faire. Et bien. Comme son aîné Jean Prat, dont il était l'exact opposé. Cette photo le prouve, il se servait de son pied, le droit comme le gauche, pour soulager son demi de mêlée - ici Lilian Camberabero, à Colombes, sûrement derrière une touche cafouilleuse, sous le regard de son capitaine, Christian Carrère. Il fut du Grand Chelem 1968, le premier de l'histoire bleue. Son palmarès si peu épais - sept sélections seulement - ne rend pas hommage au talent qu'il exprima sur les terrains. Lui se fichait des honneurs comme de sa première quinte flush : il aimait croquer dans la vie sans retenue. Jean Salut a fini de déborder le 5 septembre.
vendredi 15 août 2025
Point final,
samedi 19 juillet 2025
Comme les pierres
Posons avec soulagement un point final, sans risque de se tromper car s'en est terminé d'une saison ovale bien de chez nous, aussi longue que les tables à rallonge qu'on installe sous les arbres, l'été, pour accueillir les amis et la famille à l'heure du pastis et au son des grillons, sauterelles, criquets et cigales, selon. Mais à la notable différence des hémiptères du sud et du midi, le rugby tricolore constitué un peu n'importe comment sous un maillot bleu pour satisfaire à des obligations contractuelles n'a pas fait grand bruit. Il est même passé sous les radars estivaux, compte tenu de sa diffusion cryptée. C'est peut-être mieux ainsi.
Il n'y a pas grand chose à retenir de ce voyage au pays du long nuage blanc des maillots noirs, périple impossible d'affubler du nom de "tournée" puisqu'il ne s'agit que d'une série de trois test-matches sans rencontres intercalaires face à des provinces ou des sélections, comme c'est le cas pour les Lions britanniques et irlandais qui se coltinent au même moment l'intégrale des représentations rugbystiques australiennes, sans oublier une invention de dernière minute composée d'aborigènes et de guerriers du Pacifique pour palier, mardi, le forfait des Melbourne Rebels en cessation de paiement.
En sélectionnant contraint et forcé par le dictat du calendrier domestique l'arrière-ban du Top 14 pour offrir une ou deux sélections à quelques valeureux troupiers méritants du Championnat comme Napoléon Ier décernait des médailles à ses fidèles grognards, Fabien Galthié sait désormais pouvoir compter sur un deuxième-ligne au poste de numéro huit en cas de besoin et sur un arrière-ailier que les observateurs néo-zélandais en mal de superlatifs comparèrent à Serge Blanco, ce qui reste tout de même un peu exagéré quand on connait la place qu'occupe notre Pelé du rugby dans la mythologie ovale.
Pour le reste, trois défaites de faible relief si ce n'est du courage en défense - comment faire autrement quand on n'a pas le ballon en mains ? - et quelques éclairs, voire un ou deux moments d'espoirs au moment de mener au score, offrent peu. Depuis Dunedin en 2009, l'exploit se fait attendre. Cela dit, aucun d'entre nous ne sera surpris par ce gâchis : on ne part pas défier les All Blacks chez eux en série de tests avec une troupe de néophytes, nonobstant le talent affiché par certains d'entre eux. Certes, le rugby français dispose du plus grand, riche et profond réservoir de joueurs au monde, mais la formation ne suffit pas : pour remporter des matches d'importance, pour répondre présent aux rendez-vous fixés, une équipe doit disposer de ressorts stratégiques que, visiblement, ce XV de France "bis" voire "ter" - n'en déplaise à son coach - n'avait pas.
Il n'y a pas beaucoup d'enseignements à tirer de ces trois tests perdus - 14 essais à 7 - dans la perspective de la prochaine Coupe du monde, celle de 2027 qui se disputera en Australie, même en essayant d'être le plus positif positif pour ne pas insulter l'avenir... Mais l'objectif est si lointain qu'il est vain d'imaginer disposer aujourd'hui des leviers utiles pour soulever ce trophée jusqu'ici inaccessible. Laissons donc cette parenthèse néo-zélandaise reposer là où elle se trouve, c'est-à-dire au milieu de nulle part, et profitons plutôt de la chaîne L'Equipe - c'est gratuit - pour suivre la tournée de l'élite britannique et irlandaise au pays des Wallabies. Elle, au moins, a remporté un test-match, le premier, en érigeant une heure durant un mur hermétique avant de se relâcher au moment de l'entrée de remplaçants australiens bien plus toniques et inspirés que les titulaires.
En 1979, Jean-Pierre Rives avait tancé le jeune Serge Blanco lors de cette fameuse tournée en Nouvelle-Zélande au motif qu'il n'avait pas cherché à passer du statut de remplaçant à celui de titulaire, laissant à Jean-Michel Aguirre, voire à Jean-Luc Averous et Frédéric Costes, l'honneur d'affronter les All Blacks, préférant découvrir du pays. Serge Blanco n'a pas oublié le coup de gueule de son capitaine flamboyant, et c'est ainsi qu'il devint quelques mois plus tard l'étoile du XV de France et ce pendant plus d'une décennie. Mais y avait-il cet été un Rives inspirant pour booster les jeunes pousses tricolores ? Je n'en suis pas certain.
Il leur reste pour finir l'été la lecture du dernier ouvrage de Jean-Paul Basly, Elastoplast 70, publié aux éditions La Biscouette, dont je vous livre un extrait, chronique sous le titre Perdu...On a perdu...On est perdus... : "Et parfois il restait, pierre dans le silence. Vide, impuissant, surtout convaincu que ce temps avait été perdu, qu'il lui avait été offert mais qu'il n'avait pas su le prendre à bras le corps. Un peu comme ces amours impossibles, cette femme que l'on a si peu connue, à peine entrevue mais dont on avait senti, dès le premier regard, qu'elle nous était peut-être depuis longtemps destinée. (...) Ainsi étions-nous parfois dans ces vestiaires, assis dans les voix à peine perceptibles des amis, les coudes sur nos genoux, la tête basse, les yeux cherchant loin entre les silhouettes étrangères, comment et pourquoi on n'avait pas agrippé cet amour-là. Et combien on se retrouvait alors, pauvre âme sans écho, solitaire. Nu. Et malheureux comme les pierres."
mardi 1 juillet 2025
Grandeur nature
Il arrive parfois que les mots, même ordonnés de la meilleure des façons, ne parviennent pas à rendre une émotion dans ce qu'elle a de sauvage, de viscéral, quand elle fait remonter une exaltation primale du plus profond. Et cette impuissance à décrire une vibration jubilatoire est encore plus criante lorsque cette transe est portée par un mouvement collectif. Ainsi l'amplitude du succès toulousain, samedi 28 juin, n'a pas trouvé le superlatif qui lui correspond. Sans doute parce qu'il n'a pas encore été inventé. Ou alors faudrait-il placer nos plus belles formules dans l'Athanor, et laisser l'Alchimie du Verbe effectuer la transformation.
Que le coach Ugo Mola associe cette saison au recueil de poèmes d'Arthur Rimbaud publié à compte d'auteur pourrait nous aider à comprendre les méandres dans lesquels le Stade toulousain, touché par les disparitions et les blessures, est passé. Jusqu'aux Délires qui enflammèrent le ciel dionysien. N'importe quel autre club se ferait du Mauvais Sang à l'idée de perdre celui que les observateurs ovales considéraient il y a peu comme le meilleur joueur du monde, son capitaine, son perceur de défense le plus tranchant, et parfois son unique lumière, L'Eclair capable de déverrouiller en trois foulées une rencontre.
Pour cette équipe toulousaine qui souffrit jusqu'à la fin de la prolongation dantesque s'offrit cette finale, L'Impossible n'était pas une option. Jusqu'au Matin, quelques heures avant le coup d'envoi, l'UBB pouvait croire en son étoile mais l'évidence s'imposa très vite, dès la première mêlée, quand le pack girondin recula de cinquante centimètres. Rien de spectaculaire, mais les Bordelais comprirent alors que la Nuit en Enfer venait de commencer. De là à dire Adieu au bouclier, le chemin était long et, à grands coups de courage, ils parvinrent à pousser - à leur tour - l'adversaire dans ses derniers retranchements.
Ce qu'assurait le pilier All Black Wilson Whineray à son homologue tricolore François Moncla, un soir de grande défaite du XV de France à Auckland en 1961, est sans doute valable pour les grands clubs : ils ne meurent jamais. On a, effectivement, assisté à la renaissance du Stade Français et du Racing, vu Toulon retrouver vie, l'UBB agréger le SBUC et le CABBG pour ressusciter, et la grenouille Montpellier se faire aussi grosse qu'un bœuf. Mais que dire du Stade toulousain, invaincu il y a un siècle de cela pour gagner le surnom de Vierge Rouge, et devenir Vierge folle après avoir glané de haute lutte un vingt-quatrième titre ?
Richard Astre a eu la bonne idée, hier, de m'appeler. Nous échangeons souvent et c'est toujours enrichissant d'écouter celui qui porta haut l'AS Béziers. "L'UBB et le Stade toulousain dominent actuellement le rugby français et leur rivalité, qui n'est pas prête de s'éteindre, me rappelle celle qui nous a opposé au CA Brive. Nous nous sommes affrontés à de nombreuses reprises en phase finale durant les années 70 et jamais les Brivistes ne sont parvenus à nous battre pour la bonne raison que leur pack était au service de leurs brillants trois-quarts alors que le nôtre était la clé de voute de notre jeu." Il y a là matière à réflexion, dans le miroir d'époques pas si lointaines, quand un club dominant suscite crainte et jalousie.
A l'évidence, les avants toulousains furent premiers au combat, premiers en défense mais aussi premiers servis en attaque, en témoignent les trois essais qu'ils inscrivirent en force par les troisième-lignes Anthony Jelonch (31e) et Jack Willis (39e et 45e) au plus près de l'en-but bordelais. Trois essais d'aurochs qui ne brisèrent pas pour autant le mental de Maxime Lucu et des siens, mental construit par mon ami Eric Blondeau, ancien trois-quarts centre de l'équipe universitaire de Poitiers des années 80, passé ensuite maître dans l'art subtil d'optimiser les peurs pour mieux nourrir l'excellence. Qu'ainsi martyrisés devant, les Girondins parviennent à imposer une prolongation à leur bourreau en dit long sur la force mentale qui les habitait. Le Brennus est à leur portée, pour peu qu'ils parviennent à tenir cent minutes d'intensité maîtrisée.
S'ouvrent maintenant le périple des Lions britanniques et irlandais en Australie - et j'aurai le plaisir d'en commenter deux petits épisodes sur la chaîne L'Equipe en ce mois de juillet - ainsi que la série de trois tests-matches d'un XV de France "nouvelle génération" en Nouvelle-Zélande. Nul doute que les forces vives du rugby français auraient aimé s'étalonner grandeur nature au pays du long nuage blanc, mais notre calendrier domestique en a décidé autrement. On peut le regretter, surtout quand les quatre nations d'outre-Manche savent, tous les quatre ans et désormais entre deux Coupes du monde, mettre à disposition leur élite pour alimenter une histoire.
vendredi 13 juin 2025
Joueurs à vendre
On l'avait laissé en Nouvelle-Zélande dans un pub. Pour se délasser entre deux entraînements du XV de la Rose durant le Mondial 2011, il organisait des concours de tee-shirt mouillés et des lancers de nains. Sans que la Cour d'Angleterre s'en offusque. Il sera quand même exclu à vie de la sélection nationale. Avant de voir sa peine annulée. Qu'on le retrouve prêt à lancer un circuit professionnel en marge de l'IRB hors des fenêtres internationales n'est finalement pas si surprenant. Epoux surmédiatisé de Zara Phillips, fille de la Princesse Anne et petite-fille de feu la Reine Elisabeth II, Mike Tindall reprend ses faux airs de Jason Statham sur la scène rugbystique.
Rien ne pouvait célébrer l'anniversaire du professionnalisme avec autant de mauvais goût que l'annonce d'un circuit international dont la trame, si peu originale, n'est qu'un vulgaire "copier-coller" du projet d'un journaliste australien, David Lord. En 1984, cette compétition - à l'époque novatrice - transforma à jamais le paysage ovale en poussant l'International Rugby Board (ancêtre compassé de World Rugby) dès l'année suivante à entériner la création d'une Coupe du monde avec, dix ans plus tard, les effets que l'on sait, à savoir l'abandon de l'amateurisme.
Considéré comme le championnat de clubs le plus relevé de la planète, le Top 14 doit faire face à la concurrence de la Coupe des champions - qui ne le sont pas tous - et très prochainement d'un championnat du monde des clubs à l'image de ce que le football propose actuellement sur les stades étasuniens. Les équipes nationales, elles, qui disputent Tournoi des Six nations dans l'hémisphère nord et Rugby Championship dans le sud, sans oublier les tournées d'été et d'automne, seront bientôt engagées dans un championnat du monde dont la date sera fixée entre deux Mondiaux.
Que vient donc faire dans un calendrier déjà bien surchargé le "R360" - nom de code de ce cirque ovale - dont l'Anglais Mike Tindall est le représentant si peu crédible ? Selon notre confrère Sud-Ouest, douze franchises - huit masculines, quatre féminines - s'affronteraient seize week-ends durant dans diverses capitales mondiales avec méga-concerts à la clé et, pour les joueurs/joueuses les plus bankables, un contrat d'un million de dollars signé dans ce paradis fiscal qu'est Dubaï. N'en jetez-plus.
La question existentielle que me posait l'ami Jean-Fabrice Kamina me taraude : verra-t-on Antoine Dupont chanter en duo avec Beyoncé ? Plus prosaïquement, où diable les stars ovales trouveront-elles le temps d'honorer leurs engagements en club et en équipe nationale ? Valseront-ils pour une très grosse poignée de dollars pendant leurs vacances obligatoires et leurs périodes de récupération, au risque de mettre leur santé en danger et finir par patauger dans le dopage pour se maintenir à niveau ?
Trente ans après s'être séparé des principes de l'amateurisme, qui avait viré du blanc immaculé au marron foncé, le rugby d'élite continue de se jeter dans les bras du plus offrant. On achète les joueurs comme on achève les chevaux ! Meurtrie par la Grande Dépression de 1929, l'Amérique du nord n'avait rien trouvé de mieux pour s'amuser que de monter des immenses barnums au milieu desquels dansaient jusqu'à expiration des couples recrutés parmi les chômeurs et les laissés-pour-compte du capitalisme titubant.
Un siècle plus tard, la crème du rugby mondial pourrait s'exhiber sur les cinq continents jusqu'à saturation, offrant l'image d'un spectacle qui tourne en boucle. Restera toujours un trophée de cuivre damasquiné vissé sur une plaque de bois pour nous rappeler que les valses ont mille temps, que les saisons s'étirent. Les destins souvent contraires, les décisions d'arbitres parfois iniques - de moins en moins mais quand même -, le rebond capricieux et l'odeur enivrante de l'herbe coupée ras complètent nos petits plaisirs. Bayonne, Toulon et Castres espèrent pouvoir le soulever. Mais avant cela, ils devront passer par les derniers tours de piste.
dimanche 25 mai 2025
Tous aux Quinconces
C'est là où tout a commencé. Une équipe de fondus doués pour mouler la gothique et friser l'azerty. Le point de contact avait été fixé à l'avance par Bernard Larrère, dit "Landais", avec le relais de "Lethiophe", aka Christophe Bedou, local de l'étape... Après quatre ans passés sur le support de L'Equipe, Côté Ouvert avait migré vers d'autres cieux. Arrêter de chroniquer m'avait traversé l'esprit mais un groupe de fidèles bloggeurs m'encourager à prolonger. Ce que je fis.
Rendez-vous donc aux Quinconces, à quelques heures du coup d'envoi de la première demi-finale du Top 14, cuvée 2015. Le métro bordelais allait nous rapprocher, plus tard, du Matmut Atlantique pris d'assaut et il me faudrait revenir à pied dans la nuit, deux heures de marche, pour rejoindre mon hôtel une fois mes reportages rédigés et envoyés. Mais ce calvaire n'était rien en regard du plaisir d'avoir découvert une fine équipe de connaisseurs qui allait redonner vie à ce blog, tel que vous le lisez aujourd'hui.
Après avoir signé une charte d'amitié sur l'une des nappes de la brasserie - elle est pieusement conservée dans ma bibliothèque -, nos échanges fusèrent avec autant de passion que de vivacité. Irréductibles, enthousiastes, généreux, tous appréciaient ce moment fondateur, les grandes gueules se frottant aux taiseux, les malins aux pugnaces. Et avant qu'il ne soit l'heure de se quitter après s'être découvert, l'idée d'une rencontre annuelle émergea. D'abord à Treignac. Puis à Uzerche.
Créée en 2006 par un président visionnaire, Laurent Marti, sur les décombres du Stade Bordelais et du Club Athlétique Bèglais, neuf Brennus à eux deux, l'Union Bordeaux-Bègles n'était alors pas invitée en phase finale et regardait de très loin la Coupe d'Europe. Comme le Stade Rochelais avant elle, l'UBB a donc remporté ce trophée intercontinental de haute lutte, soixante minutes durant, face aux Saints de Northampton dans un Principality Stadium de Cardiff refermé, sorte de Scala parfaitement conçue pour ce genre d'opéra ovale.
Que ces UBBistes, après avoir remplacé les Girondins du ballon rond dans le cœur des Aquitains, choisissent de fêter leur premier grand titre sur la place des Quinconces n'est pas pour nous déplaire, d'autant que samedi, nous étions tous Bordelais. Mieux que n'importe qu'elle autre équipe, l'UBB dispose de la plus belle ligne d'attaque digne d'éloge - Buros, Bielle-Biarrey, Depoortere, Moefana, Penaud - lancée par une charnière hors-pair - Jalibert-Lucu. Mais c'est d'abord un pack de fiers à bras qui étouffa les Anglais, reléguant le jeune roi Henry Pollock au rang de troupier.
Alerté par la polémique qui enfle outre-Manche à l'initiative du staff des Saints, on espère que les gestes et les propos que les joueurs Bordelais consacrèrent au coup de sifflet final à ce prodige un peu trop présomptueux n'ont pas dépassés les bornes du bon esprit, certes vachard, mais bien fait pour rappeler aux inconséquents que le rugby demeure une école d'humilité et que deux siècles de pratique n'ont pas altéré son ADN dont les invariants restent dignité, primauté de l'autorité, goût du sacrifice, canalisation de l'énergie, développement du leadership, sentiment d'appartenance et praxis.
L'UBB a donc débloqué son compteur et ouvert son armoire à trophées. Une barrière est tombée, et je crois bien que la présence de mon ami Eric Blondeau, ancien trois-quarts landais passé par l'université de Poitiers et le PORC, développeur de performance qui œuvra dans la plus grande discrétion à Clermont à l'époque du titre de 2010 sous l'ère Cotter, n'est pas étrangère à la dureté mentale dont firent preuve ces Girondins, force psychologique qui leur permit de rester devant au score, de garder la tête froide, de ne pas paniquer face aux ultimes attaques anglaises pour soulever cette coupe qui appelle d'autres succès.
dimanche 11 mai 2025
D'un même élan
Ne jamais oublier que le jeu de football tel que pratiqué à Rugby fut développé par des étudiants de Cambridge et d'Oxford après avoir été "inventé" ou plutôt légendé au sein du fameux College qui a fait de William Webb Ellis son messie. Quant à la passe, longtemps ignorée, elle provient de la modélisation du jeu d'échecs à l'initiative d'un dénommé Vassal, soucieux d'éclairer une pratique au sein de laquelle l'affrontement et le déplacement du ballon au pied étaient devenus trop prégnants, ouvrant ainsi le débat qui continue d'animer nos discussions sur la définition de ce sport qui mêle, et c'est heureux, combat et évitement.
jeudi 17 avril 2025
A l'amitié
Il faut bien que le socle sur lequel repose le rugby soit ancré en profondeur pour supporter les vagues qui déferlent sur lui depuis plus d'un an et la malheureuse tournée d'un XV de France bis en Argentine. Il est malheureusement davantage question de prétoires que de vestiaires, et lorsque je vous conseillais de lire Inoubliable, qui conte les déboires de l'ancien talonneur anglais Steve Thompson, je n'imaginais pas que le barbu de Valence allait commotionner l'opinion publique. Il n'y a jamais de hasard, plutôt des coïncidences troublantes.
Le rugby professionnel, dont on va bientôt fêter les trente ans, n'est visiblement pas encore majeur. Lors que ce jeu de balle ovale a quitté sa gangue, à l'évidence rien n'était préparé pour qu'il se développe harmonieusement, c'est-à-dire dans le respect de ce qu'il est, activité sportive de combat collectif en équilibre sur le défi physique et l'évitement, à la fois viril et subtil, bien fait pour élever le pratiquant et faire de lui un citoyen éclairé à même d'irriguer dans la société les vertus déployées dans le jeu.
Soixante-dix millions d'euros ! Tel est le déficit cumulé des clubs français d'élite à la fin de la saison dernière. Et tout repart comme si de rien n'était. L'exemple de clubs anglais de renom mettant la clé sous la porte ne semble pas inquiéter les présidents-mécènes de Top 14 qui ne parviennent pas à finir la saison sans remettre une très grosse poignée de sesterces dans la marmite. Sans parler des tricheurs qui profitent encore un temps d'une forme d'immunité, me laissant penser qu'ils ne doivent pas être les seuls à feinter le salary-cap.
Alors que ce qui reste à Jean-Bouin du Clasico nous rappelle du Stade de France les belles nocturnes du Top 14 naissant en cette saison 2005, et l'écrin du prime time pour quelques affiches qui sont aujourd'hui surannées, ne pas oublier qu'il n'y a que la distance d'un drop-goal entre le Capitole et le roche Tarpéienne, en témoigne les affres du Biarritz Olympique et les difficultés du Stade Français, naguère premiers rôles dans un Championnat qui continue à s'euphoriser, et ce d'autant plus que les audiences du XV de France dépassent désormais celle du football.
J'ai dîné récemment et en bonne compagnie - merci Juan-Peter, Eric, Rémi, Patricia - avec Laurent Cabannes, qui reste ce jeune homme svelte et souriant qu'il était sur les flancs de la mêlée du Racing-Club de France, du temps où la rue Eblé tolérait ses frasques, quand elle ne les accompagnait pas. Nous évoquions, devant une sympathique côte de bœuf, le secret qui prélude à la constitution d'une équipe, ce qui la compose, la nourrit, l'irrigue. Fait que tel groupe sera supérieur, sur le terrain, à l'agrégat de quinze autres jeunes gens de morphologies et de qualités techniques et physiques à peu près égales.
Ce secret, deux siècles après "l'invention" du rugby à Rugby, est resté le même. Il s'agit de partager. Parfois, tout simplement du temps. Entre personnes que tout, autrement et ailleurs, sépare. Ou bien, plus rarement, de hautes aspirations, à l'exemple de John Bannerman, capitaine du XV d'Ecosse des années 20 du siècle dernier, profitant d'un voyage en train à bord du Flying Scotsman entre Edimbourg et Londres avant d'affronter le XV de la Rose à Twickenham, pour réciter à ses coéquipiers des poèmes de Robert Burns.
"Aux jours du temps passé, ami, buvons ensemble à l'amitié. Nous avons voyagé tous deux chaque jour d'un cœur léger, tours et détours, un long chemin depuis le temps passé. Nous avons galéré tous deux du lever au coucher. Océans nous ont séparés depuis le temps passé. Voici ma main, ami fidèle. Donne ta main à l'amitié, et nous boirons encore longtemps aux jours du temps passé. Et tu offres le premier verre et j'offre ma tournée. Buvons ensemble à l'amitié."
Pendant que je longe la Riviera ligure jusqu'au jardin de Niki de Saint Phalle, je vous confie les clés du club-house.
vendredi 4 avril 2025
Ne pas oublier
C'est un grand service que de voyager en quête d'un ballon ovale, comme récemment dans les Midlands. Le rugby procure davantage d'attraits que n'en a la religion, même si les deux s'associent très bien, il suffit pour cela de mettre les pieds en Nouvelle-Zélande. La racine étymologique - "ce qui relie", colle parfaitement à la communauté que nous formons. Alors quand l'occasion s'est présentée d'un pèlerinage - un de mes cinq piliers - à Rugby, situé à une portée de drop-goal des Jardins de Franklin où j'étais désigné pour raconter l'ouverture de la phase finale de Coupe des champions entre les Saints et les Bibs, il aurait été dommage de s'en priver.
dimanche 16 mars 2025
Premiers, promis
Rien ne se déroule jamais comme nous l'avions imaginé. Sans doute parce que nous aimons trop que la réalité colle à nos envies. Surtout en rugby, encore plus quand on est Français. Depuis que le ballon ovale a touché Le Havre par la Porte Océane avant de rejoindre les berges de la Seine à Paris, ce que l'esprit français a de plus décalé s'est entiché de ce jeu de rebonds capricieux, de règles à rallonge et d'affrontement, dont la principale caractéristique consiste à mêler la lutte et la course pour arriver à cette synthèse que Charles Muntz, le premier d'entre les arbitres français, polytechnicien et artilleur, résuma d'une formule indémodable : "Le rugby est un jeu d'échecs joué à toute allure."
dimanche 9 mars 2025
Une preuve éclatante
Une image vaut mille mots mais, dans le cas qui nous occupe, à savoir l'éclatant succès tricolore à Dublin, c'est parfois réducteur. C'est d'un album dont nous aurions besoin pour illustrer l'exploit réalisé sur la pelouse de l'Aviva Stadium. Et par où commencer ? Comme nous y incite notre ami Marcel Allan, contributeur de ce blog, autant attaquer par le début. Il est admis que le rugby commence devant et que la beauté de ce jeu appelle à ne pas s'y arrêter. Samedi face à des Irlandais engagés sur le chemin d'un Grand Chelem et qui le firent savoir pendant un premier quart d'heure de feu durant lequel le fighting spirit servit de carburant à leur stratégie de pilonnage systématique si difficile à arrêter tant elle enchaîne les temps de jeu, c'est en défense que les Tricolores du capitaine Dupont décidèrent de gagner ce match. Une fois les Irlandais sans le moindre point là où ils auraient pu inscrire deux ou trois essais, les trois-quarts français décidèrent de l'ampleur à donner au score. Et ils le firent d'une façon si spectaculaire que les exégètes d'Ovalie vont placer dans leurs livres d'Histoire cette victoire à Dublin, à l'égal du Crunch royal de 2023.
dimanche 23 février 2025
Des points sur les i
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans, c'est admis, mais l'est-on quand on en met soixante-treize ? Toute grappa bue, faut-il vraiment prendre ce florilège d'essais pour une performance notable au point, comme l'a souligné Fabien Galthié dès le coup de sifflet final, de l'inscrire dans le large tableau qu'il a dessiné pour emmener le XV de France au Mondial 2027 ? Sans aller aussi loin, l'amplitude du score inscrit dans ce colisée moderne qu'est le stadio olimpico rapproche les Tricolores des grandes sélections nationales du sud qui, si elles disputaient le Six Nations comme elles s'étripent dans leur tournoi des quatre, ne manqueraient d'inscrire tous les points qui s'offrent à elles face à une Italie qui vient de tristement nous rappeler qu'elle avait été invitée à faire la sixième afin de border le calendrier et ravir les supporteurs jamais lassés de la cité éternelle.
Pour le coup, Rome était plutôt en mode ville ouverte à tous les vents, aux déboulés et aux débordements, aux perles enfilées par les véloces après que les coriaces aient déblayé la zone autour des rucks à grands renforts de coups d'épaules. Essai transformé aussi pour le coach aux grosses lunettes qui misait sur un banc en 7-1 pour terrasser le Nazionale, même s'il s'agissait-là d'employer un énorme marteau pour écraser un moustique. Mais le test est concluant, du moins face à un adversaire du calibre - faible - de l'Italie. Reste à voir maintenant si les Irlandais, ce dont on doute, faibliront après l'heure de jeu quand notre démiurge à larges montures choisira de faire entrer sa légion de secours dans la bataille...
Je suis le premier à le regretter mais nous n'en finissons pas d'attendre Godot, ou bien est-ce Leopold Bloom, au pied des tours Martello pour le vrai test de caractère qui permettra dans ce Tournoi au mitan de jauger un XV de France dont nous avons du mal à juger la puissance de feu tant l'adversaire qui lui été opposé cette année - que ce soit le pays de Galles ou l'Italie - n'est pas d'un calibre suffisant pour qu'on retire quoi que soit de vraiment intéressant des scores-fleuves alignés, et que celui sur lequel il s'est cassé les dents à la dernière minute a failli faire de même face à l'Ecosse, dont on connait pourtant les limites. Cette véritable évaluation n'est pas pour demain : il faudra attendre encore un peu avant de traverser la mer d'Irlande, qu'on annonce agitée.
Le championnat domestique continue pendant les travaux du Tournoi et se poursuit le rêve de Pierre Villepreux de placer l'œuf - vous apprécierez l'oblong - avant la poule, fut-elle de luxe. Du côté du Stade Toulousain et depuis quatre décennies maintenant le jeu prime sur les joueurs lesquels, interchangeables, sont au service du mouvement et non l'inverse. Aligner des remplaçants, des réservistes et des Espoirs à peine sortis du centre de formation n'a pas empêché d'offrir, face à l'Aviron bâillonné dans un stade Ernest-Wallon à guichets fermés, une performance en sept essais digne des aînés et des titulaires qui, pour la plupart, se trouvaient à Rome engagés sur un autre front.
On ne prête pas qu'aux riches : les champions de France disposent de trois demis de mêlée de classe - Antoine Dupont, Paul Graou, Naoto Saito - et de trois ouvreurs du même acabit - Romain Ntamack, Thomas Ramos, Juan Cruz Mallia - quand leurs adversaires peinent parfois à aligner une charnière décente. Devenu la principale manne du XV de France quand il était naguère paria sous l'ère Ferrasse, le Stade Toulousain profite, et il aurait tort de s'en priver, des primes de mise à disposition de ses internationaux français pour compléter son effectif et se permettra de titulariser en période de doublons sept capés (Neti, Merkler, Arnold, Willis, Mallia, Lebel, Chocobares), s'il fallait encore donner la preuve de sa profondeur de banc.
Pour autant, il y a huit ans, les Toulousains du capitaine Dusautoir faillirent descendre en ProD2. Il n'y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne et le Stade Français n'a pas besoin de GPS pour s'en apercevoir. Champions de France en 2015, les Parisiens n'ont pas le cœur, actuellement, à fêter les dix ans de leur dernier titre. Cette année-là, Arias, Camara, Bonfils, Flanquart, Burban, Lakafia, Dupuy, Danty, Slimani et Doumayrou étaient passés ou allaient passer du rose au bleu. L'entraîneur qui avait permis à cette équipe de lever le Bouclier de Brennus est le même qui a encaissé l'humiliation de Rome, à savoir Gonzalo Quesada, et l'on mesure ce qu'il faut d'amour de ce jeu et d'humilité pour, écrit le poète, rencontrer ainsi défaite après triomphe, "et recevoir ces deux menteurs d'un même front."
dimanche 9 février 2025
Comme des pieds
C'est d'actualité. Considérant les conditions météorologiques, les sorties de route sont fréquentes en ce moment. Mais c'est à Twickenham où le dérapage fatal a été le plus frappant. Jean-Pierre Rives assurait qu'il n'y avait pas plus jouissif que de battre les Anglais chez eux d'un point à la dernière minute. Nos meilleurs ennemis peuvent, depuis samedi 8 février, le confirmer. Qui plus est en scellant leur succès avec panache d'un essai aux pieds des poteaux né d'une combinaison d'attaque millimétrée que ne renieraient pas les hérauts du French French de 1972 - Maso, Lux, Bérot, Villepreux - qui enflammèrent en d'autres temps Colombes.
Tout bien considéré, cet échec est une bénédiction. Il faut ne rien connaître au rugby international pour s'être gargarisé, vendredi dernier, du 43-0 infligé à de tristes Gallois qui poursuivent leur chemin de croix en tombant à Rome. Cette fois-ci, des Anglais plus opportunistes que géniaux nous rappellent à la modestie et à l'humilité. Rendons-nous à l'évidence: ce XV de France continue depuis sa tristement fameuse tournée en Argentine de l'été dernier d'aligner les succès en trompe l'œil. On ne peut qu'appeler le staff tricolore et ses joueurs leaders à une remise en question salutaire. C'est ainsi que l'échec collectif dans le Temple du rugby prendra son relief.
Comme vous, j'ai arrêté de compter à quinze. Non pas ignorance mais par dépit. Ce n'est pas pour autant que les ballons ne sont plus tombés des mains françaises. C'est monté jusqu'à vingt-sept, me dit-on... Il pleuvait ? La belle affaire. Un déluge inondait Rome et que je sache, Italiens et Gallois n'ont pas commis autant de bévues. A l'école de rugby, les poussins attrapent le ballon à deux mains, vont d'abord le chercher en tendant leurs deux bras. Je connais des entraîneurs qui, lors du prochain rassemblement, mettraient d'office à l'ordre du jour un atelier "passes", histoire de rappeler aux stars tricolores qu'on ne bafoue pas ainsi impunément les fondamentaux.
Car enfin, verre à moitié plein, si Louis Bielle-Biarrey, Damian Penaud, Peota Mauvaka - ah, sa chistera molle -, Antoine Dupont et consorts n'avaient pas gâchées a minima trois occasions d'essais franches, nous serions peut-être ici et maintenant à savourer un nouvel exploit du XV de France à Twickenham, deux ans après le Crunch Royal. Ce match des mains moites a ceci de frustrant qu'à la demi-heure de jeu, c'est-à-dire avant l'essai de Bielle-Biarrey, ces Tricolores pouvaient mener 24-0 sans ciller, juste en convoquant comme ils avaient su le faire la défense anglaise dans l'axe du terrain pour mieux la percer au large.
Mon ami Hervé Caillaud, connaisseur des choses du sport, m'écrivit après ce Waterloo : "Les primes de tout le staff français devraient être reversées à des associations caritatives." Et de poursuivre : "Les rugbymen sont devenus professionnels en 1995, il ne faudrait pas que cela perde tout sens juridique. En France, dans le Code du travail, il existe le concept de "faute grave" et de "faute lourde", toutes deux passibles de sanctions très ciblées. Autant de fautes de mains au cours d'une seule rencontre mérite - a minima - un blâme. Qu'en pense le digne président de la FFR ?"
"Twickenham ! Twickenham ! morne plaine ! Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine, dans ton cirque de béton, de mêlées, de ballons, la défaite pâle mêlait les sombres bataillons." Mieux vaut s'amuser d'un accroc si humiliant. Il y a encore loin du trophée aux lèvres, oublions un temps le calice Webb Ellis et la perspective de le soulever à Sydney. Le Grand Chelem qui nous appelions de nos vœux à l'heure d'annoncer la couleur reste dans les mains vertes qu'il faudra desserrer le 8 mars prochain. Sans doute pleuvra-t-il à Dublin. A défaut de Joyce ou de Beckett, prolongeons donc Hugo.
"D'un côté c'est Albion la perfide, et de l'autre la France! Choc et transe ! des héros la maladresse trompait l'espérance. Tu désertais, victoire, et le sort était las. Ô Twickenham ! je pleure, et je m'arrête, hélas, car les joueurs de la dernière édition furent grands ; ils avaient vaincu toutes les nations. Remportés vingt succès, passé les Alpes, atteint Dublin, et leur talent chantait dans les clairons d'airain ! Le soir tombait; la lutte était ardente et noire. Il avait l'offensive et presque la victoire; il tenait Steve Borthwick dans l'en-but acculé. Ses lunettes sur le nez, il observait, scrutait le centre du combat, point obscur où tressaille la mêlée, effroyable et vivante bataille. Et parfois l'horizon, drame terrible comme l'hallali. Soudain, joyeux, il dit : Ramos ! - C'était Daly ! L'espoir changea de camp, le planchot changea d'âme."
vendredi 31 janvier 2025
Trinquons à l'épique
Fallait-il se préoccuper plus que d'habitude d'une visite galloise à Saint-Denis ? Vraiment pas. Il faut ne rien savoir des affres d'une nation en perte de vitesse, polluée par de gros soucis financiers et des plaintes multiples qui donnent de cette fédération une image déplorable, pour imaginer son équipe de rugby faire chuter un XV de France au mitan de ses grands projets - une Coupe du monde 2023 gâchée, une édition 2027 porteuse d'espérance.
Car enfin, cette génération bleue dont on nous rebat les oreilles n'était bloquée par aucune inquiétude avant de déguster sa soupe aux poireaux dans un Stade de France réfrigéré, certes, mais désormais très show, en tout cas à l'unisson de son équipe depuis que sur cette même pelouse, une poignée de septistes décrocha l'or olympique, l'été dernier. Les Gallois normalement surclassés (43-0), place à Twickenham, premier test sérieux.
Malgré des affaires dramatiques et des faits divers qui enlaidissent le rugby français, il faut croire que la balle ovale demeure le nec plus ultra et Saint-Denis l'endroit où il faut être, en témoigne l'affluence, la joie et la chaleur qui donnent à cet écrin hivernal un relief festif dont beaucoup d'autres sports aimeraient disposer. Alors qu'hors du terrain les joueurs de rugby semblent, pour certains, malheureusement incapables d'inspirer le meilleur, le jeu, lui, reste une magnifique métaphore en mouvement.
Si Fabien Galthié se targue à juste titre d'avoir constitué un petit pécule de victoires en délestant son équipe du ballon et en proposant à ses joueurs de le "chasser", approche qui prouve son efficacité, ce système de jeu n'a rien de vraiment emballant. Heureusement que le large succès, match à sens unique qui tenait d'avantage de l'entraînement dirigé que d'un défi de caractères face aux Gallois, vendredi soir dans le frimas francilien, a apporté son lot d'options offensives et d'essais. Mais on attend de savoir si cette tendance est conjoncturelle ou structurelle.
Jouons un peu : mis à part Antoine Dupont qui pulvérise la concurrence, quels Tricolores actuels auraient leur place dans un XV de légendes du Tournoi des Cinq et Six Nations ? Thomas Ramos peut-il vraiment déboulonner Serge Blanco ? Quant à Louis Bielle-Biarrey et Damian Penaud, ils ont sans doute déclassé Saint-André, Dominici et Clerc à l'aile. Si Jauzion et Sella restent inamovibles au centre, quid de Pierre Albaladejo et de Frédéric Michalak à un poste, ouverture, que Romain Ntamack n'occupera pas à Twickenham, samedi prochain, sanctionné d'un carton rouge pour un plaquage haut, aussi inutile que dangereux...
Même désigné homme du match face aux Gallois, Grégory Aldritt est loin d'avoir fait oublier Walter Spanghero et Imanol Harinordoquy en numéro 8; Thierry Dusautoir, Olivier Magne, Jean-Pierre Rives et Jean Prat s'imposent encore comme flankers. Qui pour supplanter Benoît Dauga et Fabien Pelous en deuxième-ligne ? Quel pilier sera devant Christian Califano, Sylvain Marconnet et Amédée Domenech ? Peato Mauvaka est-il capable de déloger Raphaël Ibanez ?
Entre deux Coupes du monde, alors que se profilent les déplacements tant attendus à Twickenham et à Dublin, ce Tournoi est l'occasion rêvée pour les coéquipiers d'Antoine Dupont de marquer leur territoire, de s'inscrire dans l'histoire, de donner le ton, de hisser leurs couleurs, que sais-je encore. Ce XV de France ne lèvera pas le trophée Webb-Ellis en gardant des pudeurs de pucelle, en hésitant à annoncer un Grand Chelem. L'humilité n'a jamais été un frein à l'ambition. Que risquer à viser la Lune : au pire, la flèche ainsi tirée atteindra la montagne - proverbe maori.
Sans doute restent-ils échaudés. En effet, il y a deux ans, le 11 mars 2023, le XV de France pulvérisait l'Angleterre, 10-53, sept essais à un, dans des proportions monumentales. Ce Crunch royal, premier succès à Twickenham depuis 2005 et les six buts de Dimitri Yachvili réussis avec un tee acheté la veille à la boutique de la RFU - appréciez l'ironie -, ne déboucha sur rien de bien concret quelques mois plus tard, si ce n'est une défaite en quarts de finale tandis que les Anglais, eux, recentrés sur leurs fondamentaux - conquête, défense, jeu au pied - filèrent en demie.
Rarement coup d'envoi d'un Tournoi des Six Nations aura ainsi ressemblé à une compétition calendaire cochée dans l'agenda. Clairement, il n'a pas suscité d'enthousiasme débordant, d 'attente particulière si ce n'est de voir l'équipe de France, libérée de son carcan tactique parfois trop étriqué, prendre et donner du plaisir. C'est simple, le rugby : considérer le ballon comme un trésor à conquérir puis à protéger, faire de la passe un trait d'union et du plaquage un impératif catégorique, regrouper la défense et percer là où elle n'est pas. Pour finir par marquer plus de points que l'adversaire. Certes, c'est encore Dry January, mais trinquons à l'épique !
samedi 18 janvier 2025
Vents ovales
La magie de l'azerty s'arrête là où l'imagination commence à déborder le long de la ligne des touches. Comment vous faire partager l'aura que dégagent les monstres sacrés du rugby portés par cet amour du jeu de balle ovale qu'il est difficile d'évaluer tant ils lui ont tout donné ? Ainsi est André Herrero, authentique gladiateur des stades quand les tribunes étaient bordées de populaires et que le synthétique n'avait pas encore envahi les terrains, figure emblématique d'un club littéralement planté au bord de l'eau, si près qu'un drop-goal trop long peut terminer sa course dans la rade.