Face aux Gallois, samedi dernier, ça a mal commencé. Et bien fini. Tous venaient au ballon, convergeaient, s'alignaient, d'une touche à l'autre de balle sans tarder, dans l'espace qu'ils s'étaient créé. Ils étaient contents qu'on veuille jouer avec eux.
Maintenant, devant l'Irlande, s'ils disent j'ai besoin d'un soutien, j'ai besoin d'un relais, j'ai besoin d'un finisseur, il en arrivera un aussitôt, fier de sa belle course rentrée, fier de sa belle passe sur le pas, fier de son beau crochet d'appuis sidérants, fier de faire son numéro du un au quinze et plus puisqu'affinités sur le banc en attendant Dupont et s'il faut aussi chercher dans la tribune du stade déserté.
Ils se sont retrouvés seuls, sans lumière. C'est pourquoi ils avaient renoncé à vouloir jouer et fait pour un temps leurs l'informe et l'inarticulé, les hypothèses incurieuses, l'obscurité, les longues saisons bras ballants. Tel est le sérieux dont depuis bientôt deux décennies ils ne se sont pour ainsi dire jamais départis.
Maintenant, ça va changer. Reviens un Tournoi à terminer, ils ne veulent plus faire autre chose que jouer. Non, je ne vais pas commencer par une exagération. Mais ils joueront une grande partie de cette rencontre, dorénavant, la plus grande partie, s'ils le peuvent. Mais ils ne réussiront peut-être pas mieux que samedi dernier. Ils vont peut-être lâcher la balle d'entrée, encaisser dix points sans avoir même eu le temps de souffler, sans densité, sans lumière. Alors ils joueront seuls à quinze, ils feront comme si.
Avoir pu concevoir un tel projet bleu, en soi donne courage.
Je m'interromps pour noter que je me sens dans une forme extraordinaire. C'est peut-être le délire.
La main se charge de boue un seul remède alors l'ouvrir et capter ce ballon il faut toujours voir ce que font les mains eh bien la gauche nous l'avons vu tient toujours l'ovale et la droite eh bien la droite au bout d'un moment je la vois là-bas au bout de son bras allongé au maximum dans l'axe de la clavicule si ça peut se dire ou plutôt se faire qui s'ouvre et se referme sur l'herbe de la pelouse c'est une autre de nos ressources ce petit geste m'aide je ne sais pourquoi cette équipe de France a comme ça des petits trucs qui sont d'un bon secours même rasant les rucks sous le ciel changeant ils sont malins déjà elle ne doit pas être bien loin cette balle un mètre à peine mais je la sens un jour elle viendra toute seule sur les doigts en avant comme des grappins et ainsi elle fonce vers la terre d'Irlande promise par petits rétablissements horizontaux c'est ce qu'ils aiment s'en aller comme ça par petites foulées et les jambes oh les jambes et les yeux que font les yeux ouverts sur la pelouse je les vois ils s'amusent il fait pour comble de bonheur un temps délicieux ciel bleu d'oeuf et chevauché de petits nuages je me tourne le dos et je tiens ce partenaire d'une main par le maillot nous sommes dans le stade la tête rejetée en arrière nous regardons j'imagine droit devant nous dans l'autre main ce ballon objet indéfinissable projeté vers une ligne droite à présent c'était fait j'ai fait l'image.
Voilà voilà